Patrick Hetzel, Stéphane Viry, Jean-Louis Thiériot avec lesquels nous avons mis en commun nos approches pour enrichir ce texte, Julien Aubert, Éric Pauget et Rémi Delatte dont les apports spécifiques ont été essentiels.
Je tiens aussi à remercier les nombreux experts du secteur du grand monde des sapeurs-pompiers qui nous ont apporté leur savoir, leurs visions et expliqué leurs attentes, à l'Assemblée nationale comme dans nos départements et nos territoires. Qu'il me soit permis d'adresser un clin d'oeil amical au président du SDIS de l'Aveyron, à son directeur, au président de l'Union départementale de l'Aveyron et à mes amis sapeurs-pompiers qui ont utilement et avec beaucoup de sympathie concouru à cette proposition.
Par là même, j'adresse un grand message de reconnaissance aux quatre-vingts sapeurs-pompiers venus de partout en France, qui ont investi pour l'occasion les galeries de l'hémicycle cet après-midi. Leur engagement et leur travail doivent être salués et leur présence aujourd'hui est le signal le plus touchant de soutien et d'encouragement qu'ils pouvaient nous envoyer. Nous ne l'oublierons pas et nous redoublons d'efforts pour les satisfaire et les soutenir. J'invite par ailleurs M. le secrétaire d'État et la majorité à bien réfléchir au message qu'ils adresseront à ces sapeurs ce soir ; il ne sera pas anodin, ni sans conséquence. Enfin, qu'il me soit permis de remercier l'administrateur de la commission des lois, pour son travail et la diligence dont il a fait preuve au cours de ces semaines de préparation.
Notre groupe a choisi de conduire ce travail et d'inscrire cette proposition de loi dans cette niche aujourd'hui pour plusieurs raisons que je veux détailler.
Tout d'abord, notre modèle de sécurité civile à la française est bien à part en ce qu'il repose sur le dévouement de 40 000 sapeurs-pompiers professionnels, 11 000 personnels administratifs et techniques et rien de moins que 195 000 sapeurs-pompiers volontaires. C'est dire si cet ensemble aussi inédit que performant mérite l'attention du législateur dans une période où, notamment par suite des restrictions sévères qu'ont subies les budgets des collectivités territoriales, le maillage territorial assez exceptionnel dont nous bénéficions pourrait être mis à mal si sa pérennité n'était pas assurée.
Le deuxième constat tient dans un chiffre : chaque année, les interventions des sapeurs-pompiers secourent environ 5 % de la population française, soit près de 4 millions de victimes en 2017. Vous qui fréquentez sans doute les cérémonies de Sainte-Barbe, vous savez que le nombre des interventions, en particulier dédiées aux secours à la personne, est en constante augmentation, et ne laisse présager aucun tassement si l'on considère les effets cumulés de l'augmentation de l'espérance de vie, du niveau de dépendance de nos concitoyens, de la réorganisation à prévoir de nos services hospitaliers et de santé et des évolutions climatiques.
Troisième constat : un faisceau de tendances sociétales remet en cause aujourd'hui notre modèle français de sécurité civile et rend des ajustements tout aussi indispensables qu'urgents. L'engagement bénévole présente toujours plus de contraintes au regard des rythmes de vie de nos concitoyens et des aspirations professionnelles, familiales, en termes de loisirs et de vie sociale. L'engagement est de plus en plus compliqué.
Quatrième constat : ce modèle est aussi menacé par un péril très conjoncturel. Aux côtés des forces de l'ordre et de sécurité de notre pays, nos sapeurs-pompiers subissent des agressions qui témoignent des troubles dont souffre notre société. Nous devons veiller à leur protection. En 2017, 2 800 d'entre eux ont été victimes d'agressions et 382 de leurs véhicules ont été endommagés. Alors que le nombre d'interventions ne cesse de croître, nous ne prenons pas assez en compte leur fatigue ni les risques qu'ils encourent dans l'exercice de leurs missions.
Cinquième constat : les besoins modernes exprimés par les Français pour la sécurité de leur personne et de leurs biens exigent que nous revenions sur le manque de moyens et d'investissements dédiés à la modernisation des SDIS qui ont conduit à la dégradation progressive du matériel et à l'obsolescence des systèmes d'information, en particulier aux dépens des sapeurs-pompiers professionnels.
Sixième constat : la préservation du modèle français dépend également de sa capacité à s'intégrer dans le cadre européen. Aujourd'hui, les spécificités du volontariat posent des difficultés au regard de certains textes. En février 2018, dans son arrêt Matzak, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que les sapeurs-pompiers volontaires belges devaient être considérés comme des travailleurs au sens de la directive européenne relative au temps de travail de 2003 et qu'ils étaient donc soumis à ses dispositions. Or les implications de cette directive en matière de temps de repos et de cumul d'activités empêchent quasiment de concilier volontariat et emploi. Le modèle français est en péril.
Mais la France n'est pas seule dans cette situation. En Europe, 2,2 millions de sapeurs-pompiers ont un statut comparable à celui des sapeurs-pompiers volontaires. Rien qu'en Allemagne, 94 % des sapeurs-pompiers sont des volontaires. Il est donc indispensable d'engager une initiative européenne à ce sujet. Par cette proposition de loi, nous proposons le soutien du Parlement au Gouvernement dans ses négociations avec la Commission.
Le défi que nous devons relever est prioritaire car la sécurité de nos concitoyens et l'égalité entre les territoires sont en jeu. En matière de sécurité, le maillage territorial doit être le plus fin possible. La protection des populations n'est pas seule en question. Il convient aussi, en garantissant la présence des secours de proximité, de préserver nos territoires ruraux, leur attractivité et leur activité économique.
Le Gouvernement annonce des rapports et des groupes de réflexion mais la mise en oeuvre des propositions est sans cesse reportée. Je dois vous avouer notre surprise et aussi, pourquoi ne pas le dire, notre désarroi la semaine dernière en commission des lois lorsque la majorité a choisi de rejeter un à un chacun des articles d'une proposition de loi pourtant constructive, non polémique, ouverte et réellement consensuelle. Elle a ainsi préféré l'attentisme, ce que nous ne comprenons pas, ce que nos sapeurs-pompiers n'acceptent pas, et ce que nos concitoyens ne vous pardonneront pas.