Intervention de Laurent Nuñez

Séance en hémicycle du jeudi 4 avril 2019 à 15h00
Services départementaux d'incendie et de secours et profession de sapeur-pompier — Présentation

Laurent Nuñez, secrétaire d'état auprès du ministre de l'intérieur :

Mais, dans les faits, cela peut être aussi une fausse bonne idée.

D'abord, la mesure telle qu'elle est rédigée ne correspond pas forcément à la réalité opérationnelle des sapeurs-pompiers. Elle ne permettrait en effet aux sapeurs-pompiers volontaires que de s'absenter pour les actions prévisibles, comme les actions de formation, programmées à l'avance, et non pour les actions opérationnelles diurnes, qui constituent actuellement la difficulté principale des SDIS.

Par ailleurs, la quantification choisie – 8 ou 5 jours – et son caractère obligatoire pourraient également être contre-productifs. La première pourrait susciter un effet pervers immédiat chez les employeurs qui acceptent déjà les sapeurs-pompiers volontaires parmi leurs employés, parfois pour des niveaux d'engagement bien plus élevés. Ils seraient alors conduits à renégocier les conventions de disponibilité pour les ramener au quota fixé par la loi.

Quant aux employeurs qui ont déjà des appréhensions à l'idée d'embaucher des sapeurs-pompiers volontaires, cette mesure pourrait les en dissuader encore davantage, alors que l'objectif recherché est précisément le contraire – et, bien évidemment, nous le partageons.

In fine, cette mesure devrait avoir pour conséquence de gêner le volontariat, de freiner le recrutement des sapeurs-pompiers volontaires et de diminuer la disponibilité des sapeurs-pompiers volontaires au sein des SDIS.

L'article 3, sur la formation, ou l'article 4, sur l'intégration des sapeurs-pompiers volontaires au sein de la fonction publique, correspondent en grande partie à des dispositifs existants, en tout ou partie.

L'article 6, sur les retraites, exprime une préoccupation dont le Gouvernement n'ignore rien. Nous l'avons d'ailleurs porté à la connaissance du Haut-commissaire à la réforme des retraites dès l'été 2018. Mais nous n'allons pas aujourd'hui prendre des dispositions spécifiques, alors même qu'une modernisation globale de notre système de retraites arrive bientôt.

Donner aux étudiants en médecine la possibilité d'effectuer des stages dans les SDIS, comme le prévoit l'article 9 de la proposition, est une très bonne chose. Mais, là encore, pourquoi prendre une telle mesure sans concertation, sans discussion sur ses modalités pratiques, alors même que des initiatives qui vont dans le même sens sont sur le point d'être appliquées, conformément à l'engagement VII du Plan d'action pour le volontariat que j'évoquais à l'instant.

Quant à l'article 13, qui vise à exclure les sapeurs-pompiers volontaires de l'application de la directive européenne sur le temps de travail de 2003, j'aimerais faire deux remarques. Sur la forme, d'abord, il semble que l'article manque sa cible. Il n'est probablement pas constitutionnel, puisqu'il est dépourvu de la portée normative essentielle à la loi, selon une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel.

Par ailleurs, l'article tel qu'il est écrit est sans doute trop imprécis et pourrait conduire à ne même pas protéger les sapeurs-pompiers volontaires. L'expression « altruiste » retenue dans la rédaction renvoie, en effet, à une forme de gratuité et d'absence de contrepartie dans l'engagement. Or, vous le savez, l'activité de sapeur-pompier volontaire ouvre droit à des indemnités horaires ainsi qu'à des prestations sociales et de fin de service.

Sur le fond, maintenant, cet ajout au code de la sécurité intérieure pourrait raviver des débats, à l'heure où nous devons, au contraire, expliquer notre modèle avec clarté et bonne foi, dans le cadre de la jurisprudence Matzak, que vous avez citée, monsieur le rapporteur.

Alors, si je comprends parfaitement, et si je partage totalement l'objectif de cet article, je pense qu'il serait en réalité préjudiciable aux sapeurs-pompiers volontaires, et je vous rappelle – nous en avons souvent discuté, ici et au Sénat – que le Gouvernement s'est déjà saisi de ce sujet ; qu'il n'est pas question de remettre en cause le volontariat – que les choses soient claires – , et que nous avons lancé de front deux chantiers concernant la jurisprudence Matzak.

Le premier, que nous avions annoncé, consiste dans l'exploitation des dérogations permises par la directive sur le temps de travail. Un décret devrait ainsi être publié dans les prochains mois. Il permettra aux volontaires de toujours concilier leur engagement et leur activité professionnelle.

Le second suppose une démarche de plus long terme, actuellement menée auprès des autorités européennes afin de consacrer le caractère spécifique du statut de sapeur-pompier volontaire. Je vous rejoins totalement, monsieur le rapporteur, lorsque vous dites que ce statut n'est pas unique, qu'il existe dans d'autres pays et qu'une initiative européenne sur ce point est tout à fait souhaitable. Quant au vote de la disposition, nous savons bien évidemment le soutien du Parlement totalement acquis au Gouvernement pour la défense de ce volontariat des sapeurs-pompiers et de cette adaptation des textes européens.

Je n'ai pas cité tous les articles de cette proposition de loi, mais je pourrais poursuivre cet exposé. Je pense que j'aurai aussi l'occasion de le faire plus tard dans la discussion. Un renvoi en commission permettrait de faire converger les propositions de ce texte avec celles, très intéressantes, sur lesquelles travaille actuellement le député Fabien Matras, coauteur d'un rapport sur le volontariat.

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