Intervention de Thomas Gassilloud

Réunion du mardi 2 avril 2019 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThomas Gassilloud, rapporteur pour avis :

Tout d'abord, nous pouvons nous féliciter du fait que tout le monde s'accorde à reconnaître l'intérêt de cette proposition de loi et en approuve la philosophie globale.

Nous sommes effectivement dans un calendrier adéquat – je n'avais pas mentionné cet élément dans mon propos introductif – au regard de celui de l'attribution des fréquences, qui sera effective à la fin de l'année, mais également des grands choix d'investissement que nécessite la 5G. Il faut sécuriser dès à présent le cadre juridique applicable car, une fois que l'on a choisi un équipementier, les coûts liés à des modifications ultérieures sont extrêmement importants, de même que les délais nécessaires pour s'adapter : cela peut prendre plusieurs années.

Bien entendu, je partage ce qui a été dit : nous serions beaucoup plus à l'aise si les leaders mondiaux en matière d'équipements électroniques étaient français, ou au moins européens. Il faut évidemment conserver l'ambition d'avoir des leaders dans le domaine, en développant des stratégies industrielles et un cadre réglementaire adaptés, ce qui était, entre autres, l'objet de la loi PACTE. Tel n'est pas tout à fait celui du texte que nous examinons. Au-delà des risques intentionnels, nous devons également nous prémunir contre les risques non intentionnels. Telle est bien la philosophie du présent texte et le sens des mesures que nous prenons.

Monsieur Bazin a évoqué le contrôle parlementaire des dispositifs. La saisine pour avis de notre commission a bien pour objet de réintroduire une forme de contrôle parlementaire sur le sujet. En matière de défense et de sécurité, nous avons effectivement intérêt à trouver le bon équilibre entre ce que fait l'exécutif et ce que fait le Parlement. On pourrait s'étonner, à cet égard, que le Parlement n'ait pas accès – entre autres – à la liste des OIV. Pour ma part, je trouve que le mécanisme est bien conçu. Nous pouvons, chacun à notre niveau, échanger avec l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), pour savoir quelles sont les modalités d'autorisation des équipements de réseau. Aller plus loin risquerait de poser des problèmes de sécurité nationale.

Monsieur Kervran, la LPM prévoit effectivement la pose de sondes. Le réseau est désormais beaucoup plus décentralisé ; il faut modifier la méthodologie pour l'application des sondes, de manière à s'adapter à cette réalité. Il convient également de rappeler que les sondes opèrent sur des flux non cryptés. Or, dans les années à venir, il y aura de plus en plus de flux cryptés sur les réseaux, ce qui rendra difficile l'utilisation des sondes.

Monsieur Furst, un certain nombre des sujets que vous avez évoqués ont déjà été abordés. Plus globalement, vous posiez la question du périmètre de cette proposition de loi. Il s'agit de faire évoluer la réglementation des réseaux radioélectriques mobiles. Nous nous limitons à ce cadre, mais nous pourrions voir dans ce texte une invitation à étudier plus largement les sujets qui y sont liés, tels que les risques en matière de cybersécurité – dont il a été question –, avec notamment la capacité à prendre en main des systèmes à distance. Je voudrais également appeler votre attention sur les risques d'ingérence dans les processus démocratiques auxquels sont désormais soumis nos pays. Pendant dix ans, on a beaucoup parlé de cybersécurité, mais un nouveau risque est en train d'émerger, lié à la capacité d'entités tierces à s'ingérer dans nos processus démocratiques, notamment en manipulant l'information.

Monsieur Belhamiti, vous avez parlé de l'aménagement numérique du territoire. C'est quelque chose que nous devons bien entendu garder à l'esprit. L'une des craintes que l'on pouvait avoir à l'égard de cette proposition de loi tenait au fait que l'on vient de conclure un new deal avec les opérateurs, qui s'est traduit par des engagements importants de leur part concernant le déploiement de nouveaux relais 4G. Le Premier ministre a d'ailleurs fait des annonces il y a une dizaine de jours à ce sujet. Dans ma circonscription, par exemple, un nouveau relais 4G va être installé du fait de cet accord. La liste des 400 premiers – soit, en moyenne, un peu moins d'un par circonscription – a été révélée, me semble-t-il. Il faut effectivement rester attentif à l'exigence d'un aménagement numérique du territoire. Certes, ce n'est pas le rôle principal de la commission de la Défense que de s'intéresser à la question mais, au-delà du service rendu à nos concitoyens, l'aménagement numérique de tout le territoire est aussi important pour le fonctionnement de nos services critiques – il a ainsi été question de la gendarmerie.

Nous aurons l'occasion de reparler du contrôle des mises à jour dans le cadre de la discussion des amendements.

M. Favennec Becot parlait de la brièveté des délais dans lesquels cette proposition de loi a été déposée et examinée. Je partage ce constat, mais justement : on nous reproche parfois un manque de réactivité, mais là, compte tenu du contexte que j'ai indiqué précédemment – notamment l'attribution des fréquences et les plans d'investissement des opérateurs, qui sont en cours d'élaboration –, la rapidité s'imposait. Les opérateurs ont tous été consultés, bien sûr. Nous-mêmes, nous les avons auditionnés : nous avons mené plus d'une douzaine d'auditions, dans des délais extrêmement courts.

Monsieur Lachaud, je salue la qualité du rapport que vous avez rédigé avec Alexandra Valetta Ardisson, qui est tout à fait intéressant et complémentaire à la mission d'information que j'ai moi-même conduite avec Olivier Becht sur les enjeux du numérique pour les armées – vous vous étiez davantage attachés, en ce qui vous concerne, à la cybersécurité. Bien entendu – je l'ai d'ailleurs dit précédemment –, la souveraineté technologique est un enjeu important. Les nouveaux risques qui apparaissent doivent nous encourager à être encore plus dynamiques dans notre stratégie industrielle, afin de protéger ces secteurs. Nous savons bien dans quel monde nous vivons, avec de l'espionnage et des pertes d'informations tous azimuts.

Enfin, Monsieur Pueyo, il est vrai que le législateur est parfois en retard ; mais, en l'espèce, je crois que nous sommes dans le bon tempo : comme je le disais, le contexte est favorable. Au niveau européen, la doctrine est en train d'être stabilisée : nous sommes donc en mesure de faire émerger une approche européenne de la 5G.

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