Intervention de Danièle Langloys

Réunion du mardi 19 mars 2019 à 16h35
Commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la république, quatorze ans après la loi du 11 février

Danièle Langloys, présidente de l'association Autisme France :

J'ai participé au chantier « École inclusive » via le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Nous avions notamment l'impression que tout était joué d'avance. Nous avons été déçus, il nous semblait que les décisions étaient déjà prises et qu'il s'agissait d'une concertation pour la forme.

Je suis très frappée par le fait que les données statistiques sont publiées au compte-gouttes par l'Éducation nationale. Par exemple, je participe à un nouveau chantier ouvert dans le cadre de la stratégie « autisme ». La cohorte prévue dans les unités d'enseignement en maternelle fera l'objet d'un suivi pour comprendre les parcours des enfants. Les derniers chiffres nous ont été fournis, mais j'aurais aimé qu'ils soient publics tant il est vrai que le partage des données participe au fonctionnement démocratique.

La direction générale de l'offre de soins (DGOS) dispose aussi de chiffres. Nous en avons eu connaissance lors de l'audition devant le Comité des droits de l'enfant de l'ONU, où les chiffres de la DGOS ont été livrés. De mémoire, 10 000 enfants autistes étaient accueillis dans des structures sanitaires. Il s'était dit également que seuls 5 % d'entre eux étaient scolarisés. La DGOS a refusé de donner le chiffre publiquement. Si vous pouviez la contraindre à publier les chiffres dont elle dispose, je pense que ce serait infiniment précieux.

S'agissant des inégalités territoriales, le chantier en cours sur la gouvernance des MDPH sera très utile. Selon les retours du groupe de travail, il apparaît que certaines MDPH sont beaucoup plus tolérantes que d'autres. Par exemple, certaines financent des intervenants libéraux quand les familles n'arrivent pas à trouver les professionnels dont elles ont besoin, l'offre médico-sociale étant, quantitativement et qualitativement, souvent pauvre et inadaptée. Les familles se débrouillent alors autrement. Certaines MDPH ont compris et sont extrêmement tolérantes. Dans la Nièvre, département que je connais bien, tous les psychologues travaillant en libéral sont financés par la MDPH directement. Il n'y a pas besoin de se battre : cela fait partie des procédures admises, alors que d'autres MDPH refusent.

Vous évoquiez le lien entre les structures médico-sociales et l'école. Ce lien est à construire. Des circulaires de 2009 sur le sujet – remontant tout de même, donc, à un certain temps ! – sont restées lettre morte. Il faut, je crois, considérer le problème autrement. Nous souhaitons que les structures médico-sociales fonctionnent comme un plateau éducatif au service de l'inclusion scolaire, ce qui ne veut pas dire que tous les enfants iront en classe ordinaire et feront le même parcours. Ce n'est d'ailleurs pas possible pour un certain nombre d'enfants. Il n'en reste pas moins que ces enfants doivent aller à l'école, avec le soutien éducatif nécessaire. Souvent, dans certains services médicosociaux de pointe – ils ne le sont pas tous, loin de là –, le service rendu est meilleur que celui de l'Éducation nationale, qui ne dispose pas des moyens nécessaires en interne.

En France, la situation est surréaliste : on entretient deux systèmes parallèles coûteux. Par deux fois, il faut payer des locaux, des services de comptabilité et le secrétariat, etc. Il y a l'Éducation nationale d'un côté, les établissements et services médico-sociaux de l'autre. Quel est le pays occidental qui se permet ce luxe ? C'est un vrai problème de fond. Il appartient, là encore, à la commission de voir si elle peut le résoudre. On ne peut continuer indéfiniment à fonctionner ainsi. Le système est très coûteux, inefficace, et n'est pas éthique. Il ne répond pas aux demandes de scolarisation. Des enfants arrivent à l'âge adulte en ne sachant ni lire ni écrire, alors qu'ils auraient pu apprendre à lire et à écrire s'ils avaient bénéficié de l'accompagnement nécessaire. Il s'agit d'un gâchis monstrueux, dans le domaine de l'autisme en particulier, mais pas uniquement. On a laissé de jeunes enfants et adolescents croupir dans leur autisme au lieu de s'en occuper.

Le tout inclusif est une question qu'on peut poser. Je pense que les enfants doivent être à l'école mais que les parcours doivent être individualisés, autant que possible, ainsi que cela fait dans d'autres pays. Aux États-Unis, la loi dite « ADA » – Americans with Disabilities Act – de 1990 s'applique depuis près de trente ans. Tout enfant va à l'école. Les autistes ne sont pas tous scolarisés dans les classes ordinaires et ne suivent pas tous des parcours ordinaires. Des dispositifs sont là pour adapter les parcours aux capacités de l'enfant. L'autisme est un cas particulier, car les retards de développement peuvent être très spectaculaires. Nombre d'enfants ne peuvent donc pas suivre le rythme de l'Éducation nationale, qui n'est pas pensé pour eux. Pour autant, ce n'est pas une raison pour les exclure de l'école comme on le fait ou pour estimer – parce que c'est très généralement le cas – que l'enfant n'a pas le droit d'aller à l'école, faute d'AVS. C'est la raison pour laquelle beaucoup de mères ne travaillent pas, parce que leur enfant est régulièrement exclu, par exemple dès que l'AVS est absente, et se retrouve à la maison. Il faut bien quelqu'un pour le garder.

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