Je reviens sur la question de la rupture des parcours entre le premier et le second degré, ou entre la maternelle et l'élémentaire. Quand l'élève a la chance d'avoir un enseignant-référent qui peut suivre son dossier, celui-ci est suivi tant que l'élève reste dans le même secteur – puisque les enseignants référents sont sectorisés . Les difficultés sont liées aux changements de secteur de l'enseignant référent ou aux déménagements de la famille de l'élève.
À propos de Brive-la-Gaillarde, vous vous interrogiez sur la possibilité ouverte à certains élèves d'être placés en unité d'enseignement plutôt qu'en classe ordinaire. Encore faut-il qu'il y ait des unités d'enseignement ! Les unités d'enseignement peuvent être une réponse, comme les établissements spécialisés en sont une autre. Les parcours peuvent être faits d'allers et retours entre certains établissements spécialisés et le milieu ordinaire. Des essais sont tentés qui permettent parfois à des enfants de quitter un établissement. Mais, souvent, les parents craignent de perdre cette place en établissement qu'ils ont attendue très longtemps, et à laquelle ils tiennent un peu comme à la prunelle de leurs yeux. Si l'élève ne va plus très bien en milieu ordinaire, comment faire marche arrière ?
Pour ce qui concerne les élèves à besoins éducatifs particuliers, les RASED ont beaucoup souffert, en 2008, de la suppression des postes ; ils n'ont jamais retrouvé leur situation antérieure. Pendant un temps, les départs en formation furent très peu nombreux, même si c'est moins le cas aujourd'hui. Il manque donc beaucoup de personnels spécialisés – ce sont le psychologue scolaire, l'enseignant rééducateur et l'aide pédagogique. L'enseignant rééducateur a quasiment disparu dans certains départements ; dans d'autres, il reste quelques « dinosaures ». Et pourtant l'enseignant rééducateur permettait à des enfants de devenir élèves. Entrer à l'école n'est ni naturel ni donné à tout le monde : cela s'apprend ; des règles sont à intégrer. À l'école, on apprend à vivre avec les autres, on apprend la frustration : parce que c'est chacun son tour et qu'on est trente.
Quand, dans le cadre du CHSCT, nous avons travaillé sur le guide d'accompagnement des personnels, nous avons fait l'hypothèse que de plus en plus d'élèves présentaient des difficultés, des troubles du comportement par exemple, qu'ils soient ou non reconnus en situation de handicap. Avec les enseignants rééducateurs, ces élèves auraient pu trouver d'autres solutions qu'entrer dans le champ du handicap. Nous avons en effet ce travers : quand, dans une classe, on se trouve démuni face à un élève que l'on ne sait pas gérer, on se dit souvent que la situation serait différente s'il y avait un adulte supplémentaire dans la classe. Les familles, à l'initiative ou non de l'école, saisissent alors la MDPH afin de bénéficier d'un accompagnement. Cela fait entrer dans le champ du handicap des élèves qui peut-être n'ont rien à y faire.
Le SNUIPP-FSU part du principe que les RASED sont des structures très précieuses, qui devraient être présentes sur l'ensemble du territoire. En préparant cette audition, je me souvenais de l'époque où j'avais commencé. On comptait alors quasiment un RASED pour deux écoles – même de petites écoles ; aujourd'hui, on compte un RASED par circonscription. D'ailleurs, la mission des personnels des RASED a évolué pour faire face à la pénurie. À une époque, les personnels des RASED prenaient les élèves soit en classe, soit en dehors de la classe, pour leur apporter une aide particulière ; aujourd'hui, ils passent davantage de temps à accompagner les adultes.
Certes, le RASED ne répond pas au handicap, mais il peut répondre à bien d'autres situations, il peut surtout aider des élèves à trouver leur place à l'école, au milieu des autres. Pour le SNUIPP-FSU, le RASED est vraiment un outil indispensable, plus particulièrement pour les élèves à besoins éducatifs particuliers.
Je reviens à la formation et aux besoins des enseignants en classes ordinaires. Au-delà d'un savoir-faire qui n'est jamais automatique – chaque situation est tellement particulière… –, les professeurs auraient besoin d'apprendre à travailler autrement. L'école inclusive nous demande d'apprendre à travailler autrement : l'enseignant ne peut pas être face à sa classe en imaginant que tous les élèves sont identiques. Cela implique de permettre d'échanger, de faire de l'analyse de la pratique, d'engager une réflexion sur son métier. Aujourd'hui, ce n'est plus possible, il n'y a plus de stages où l'on part trois semaines, et ce pour une raison simple : il n'y a plus de remplaçants non plus. Il n'y a plus de jeunes en formation pour nous remplacer, il n'y a plus de brigades de remplacement. Avant, nous pouvions partir trois semaines pour échanger, réfléchir. Mais comment voulez-vous réfléchir quand, à la fin de la journée, à la fin de la semaine, vous avez d'autres choses auxquelles penser que votre activité ? Nous avons besoin de temps, et de ce retour à la formation continue qui nous permettait d'échanger ; or aujourd'hui, elle est réduite à peau de chagrin. Comme le disait mon collègue, les animations pédagogiques sont réduites aux fondamentaux et il y a vraiment un manque au regard des quelques formations obligatoires, par exemple celle des directeurs d'école ou celle des enseignants spécialisés. Nous sommes l'un des rares métiers qui évolue fortement et où l'on a une formation tout au long de la vie.