Intervention de Dominique Gillot

Réunion du mardi 19 mars 2019 à 18h35
Commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la république, quatorze ans après la loi du 11 février

Dominique Gillot, présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) :

Nous allons faire un exposé à deux voix. Je suis présidente du CNCPH et Mme Cabouat en est vice-présidente. Elle s'occupe de la coordination de la commission spéciale du CNCPH en charge de l'éducation et du suivi de la formation des enfants jusqu'aux pré-adultes, de la formation professionnelle, et de la commission culture et citoyenneté.

Nous ne reviendrons pas sur les chiffres. Ils ont été largement diffusés et vous devez en disposer. À chaque rentrée des classes, un état des lieux est réalisé qui est mis en regard des états des ministères, année après année, et des constats des associations établis sur les retours des familles qui sont plus ou moins satisfaites de l'accueil de leurs enfants en milieu ordinaire.

Le CNCPH constate qu'il existe encore des dysfonctionnements et des manques dans la mise en oeuvre de la loi de 2005 relatifs à l'accès à l'éducation de droit commun pour les enfants porteurs de handicaps. La loi précise qu'un enfant a droit à une éducation dans l'école de son quartier, ce qui n'est pas toujours possible en raison du manque d'accessibilité et d'accompagnement.

Ces dernières années, nous déplorons que des enfants se voient refuser l'accueil à l'école au motif qu'ils n'ont pas l'accompagnant éducatif nécessaire. Jusqu'à la rentrée 2019, il s'agissait d'auxiliaires de vie scolaire (AVS). Ils ont progressivement trouvé leur place auprès des enfants avec handicap, mais leur formation reste insuffisante et le turnover élevé est dénoncé par les parents et les associations. Par ailleurs, le métier est caractérisé par un manque d'attractivité eu égard à la difficulté de l'exercice, au manque de formation, à la précarité et aux revenus insuffisants du fait du temps partiel proposé à ces assistants.

Un travail considérable est engagé depuis plusieurs années pour déprécariser et stabiliser ces auxiliaires, qui trouvera son aboutissement en 2019 par la création de postes d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). Ces professionnels seront recrutés par l'Éducation nationale et dotés d'un statut de droit privé. On leur proposera un contrat de trois ans renouvelable une fois avant la titularisation. Ils auront droit à une formation et à la recherche d'un temps plein afin que leur rémunération soit attractive et intéressante.

Au regard des différentes contributions du CNCPH, que nous vous remettrons à la fin de l'audition, nous considérons qu'il s'agit d'un progrès des droits de l'enfant en situation de handicap à une éducation en milieu ordinaire. Néanmoins, il est important que les enfants qui sont encore accueillis de manière partagée entre le milieu spécialisé et le milieu ordinaire bénéficient d'un accueil à temps plein, fondé sur une ambition de réussite éducative qui fait parfois défaut dans les projets d'accueil des établissements spécialisés. En ce domaine, il convient de progresser encore.

Si vous le souhaitez, nous pourrons avancer des propositions pour que se concrétise l'annonce faite par le ministre, traduite dans le projet de loi pour l'école de la confiance et conjuguée à l'objectif de l'école inclusive. Ces nouveaux professionnels doivent être bien formés, bien intégrés à l'équipe éducative et jouer le rôle d'interface entre les parents, les enseignants et l'enfant accompagné. Ils ne doivent pas être considérés comme un substitut de l'enseignant, ni comme un tuteur permanent de l'enfant, car ce dernier doit acquérir son autonomie à l'école. C'est essentiel.

Une multitude de points portent sur l'accueil des enfants avec handicap à la maternelle, à l'école élémentaire, dans le secondaire et dans le supérieur – car il faut savoir que des élèves avec handicap frappent aujourd'hui à la porte de l'enseignement supérieur et ont des aptitudes qui peuvent être couronnées de succès par un diplôme leur ouvrant une voie intéressante vers l'emploi. Les dispositions de la loi sur la formation professionnelle ont été revues, une attention particulière étant portée aux centres de formation, qui doivent désormais compter en leur sein un référent handicap afin de garantir aux jeunes en situation de handicap des places dans les centres de formation d'apprentis et les organismes de formation – avec, naturellement, l'accessibilité correspondante. Il ne s'agit pas de plonger ces jeunes dans un environnement qui leur serait hostile et les mettrait en situation d'échec mais, au contraire, de les accompagner au moyen de compensations et de dispositifs de dépassement de leur handicap, leur permettant de profiter vraiment de la formation et d'accéder à des diplômes ou à des reconnaissances de compétences. Des propositions sont notamment faites pour éviter que les élèves qui ne peuvent, pour des raisons diverses mais identifiées, faire la preuve d'acquisitions de savoirs académiques, puissent néanmoins voir leurs compétences reconnues et être orientés vers le marché du travail et accompagnés dans l'emploi.

Ces propositions ont été portées à la connaissance du ministère de l'éducation nationale, du ministère du travail et des organismes de formation, afin que la situation s'améliore.

Il faut toutefois que la volonté politique manifestée par la loi de 2005 – qui portait sur la définition et l'affirmation des droits fondamentaux des personnes en situation de handicap – aille plus loin. En effet, le CNCPH considère que la démarche à l'oeuvre est dépassée. Il faut dorénavant que toutes les lois prennent en considération les besoins des personnes handicapées : ce sont des personnes qui doivent vivre, être reconnues et jouir de leurs droits comme les autres et parmi les autres. Aussi l'idée d'un « acte II » de la loi de 2005 nous paraît-elle réductrice par rapport à l'ambition politique portée par le Président de la République, à savoir la construction d'une société inclusive. Une société inclusive se construit dans tous les départements de responsabilité ministérielle et pas simplement du côté du secrétariat d'État chargé des personnes handicapées.

Il y a encore trois ans, quand j'ai pris la présidence du Conseil national et que je m'adressais à des ministères, les responsables me répondaient qu'ils n'étaient pas concernés et me renvoyaient alors à Mme Neuville, désormais à Mme Cluzel. Cela dit, c'est une réponse que nous entendons de moins en moins après la nomination au sein de chaque ministère d'un haut fonctionnaire chargé du handicap et de l'inclusion, qui crée une acculturation des ministères à leurs obligations. En définissant sa politique, son règlement, ses dispositions, chaque ministère devra en effet prendre en considération les besoins de toute personne, quelles que soient ses aptitudes ou ses déficiences. Il n'en reste pas moins que ce travail doit se poursuivre avec pugnacité. Il est indispensable que toutes les politiques publiques, toutes les lois, tous les textes soient écrits et étudiés, notamment par la représentation nationale, du point de vue de l'inclusion et de l'intégration des personnes qui vivent en situation de handicap. Il n'est plus question aujourd'hui d'avoir un « volet handicap », une spécificité qui exclue les personnes, alors que leurs aspirations et la volonté politique tendant à oeuvrer dans le sens d'une meilleure intégration et d'une meilleure reconnaissance de la capacité de chacun à exercer ses droits fondamentaux.

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