Intervention de Dominique Gillot

Réunion du mardi 19 mars 2019 à 18h35
Commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la république, quatorze ans après la loi du 11 février

Dominique Gillot, présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) :

Je répondrai sur la conception du handicap et sur l'éducation des jeunes sourds, sujet que je connais bien pour y avoir travaillé pendant longtemps.

Nous évoluons sur la reconnaissance et la conception du handicap. Vous dites vous-même, madame Bannier, que vous aviez dans votre classe un enfant atteint d'un handicap moteur et qui était très brillant. Nous avons désormais compris que des enfants atteints de troubles autistiques peuvent être extrêmement doués. Le handicap n'est donc pas synonyme d'incapacité, comme on l'a cru pendant longtemps. On reconnaît aujourd'hui des facteurs handicapants qu'on ne reconnaissait pas il y a quelques années. L'éducation des enfants a évolué et on se situe aujourd'hui dans une démarche de reconnaissance de leurs aptitudes et de leur comportement. Parfois, des enfants turbulents bénéficient d'une reconnaissance de handicap pour être pris en charge correctement alors qu'il n'y aurait pas forcément besoin qu'ils soient reconnus handicapés.

La mission de l'enseignant comprend l'accueil de tous les élèves. Le ministre l'a répété dernièrement devant nous : un enfant handicapé est avant tout un élève. Je pense que, disant cela, il envisage que même les enfants handicapés accueillis dans des établissements spécialisés relèvent du ministère de l'éducation nationale, au nom de l'appartenance à la communauté des élèves, de la prise en considération des besoins de l'élève et de l'aspiration à la réussite éducative et scolaire de tous les enfants, quel que soit l'établissement dans lequel ils sont accueillis.

La formation des enseignants doit se situer à plusieurs niveaux. La formation initiale doit permettre une sensibilisation réelle à la personnalité, à la typologie des handicaps que les enseignants rencontreront au cours de leur vie professionnelle. À cela s'ajoute une formation spécialisée pour ceux qui veulent s'orienter vers l'accompagnement, la prise en charge et l'éducation d'élèves porteurs de handicaps particuliers. Ce sont là deux démarches différentes : la formation de droit commun avec, dans les maquettes de formation, une sensibilisation suffisamment précise pour armer les enseignants à l'accueil des élèves, puisqu'ils auront à accueillir tous les élèves ; ensuite, des orientations vers une formation spécifique telle que celle qu'ont faite les AESH qu'évoquait Mme Dubois , par aspiration, par goût, par volonté. À cet égard, les niveaux de diplômes sont différents.

Les écoles normales ont été remplacées par les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), eux-mêmes remplacés ensuite par des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE). Les IUFM et les ESPE délivraient des formations très universitaires, très éloignées de la confrontation avec des praticiens sur le terrain. Je pense qu'avec la réforme de la formation des enseignants, on devrait revenir à une meilleure complémentarité entre formation académique et formation pédagogique de proximité, notamment si l'on considère ce pré-recrutement d'assistants d'éducation qui prendront progressivement part à un enseignement à partir du M1 pour découvrir le métier et être mieux armés. Nous devrions ainsi aboutir à quelque chose de plus pragmatique, plus en prise avec la réalité de la population scolaire. Les jeunes enseignants qui arrivent dans des classes sont surpris par ce qu'ils découvrent. Cette sensibilisation est donc nécessaire.

Il faut également préparer les enseignants à un travail d'équipe : ils ne sont pas obligés de trouver la solution seuls, ils peuvent la trouver auprès de collègues ou de plateformes. Les pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL) mettront à disposition d'un territoire d'éducation des compétences qui seront utiles. Ils ne feront pas que gérer des AESH, ils assureront aussi la mise à disposition et la circulation des compétences spécifiques pour permettre aux enseignants de remplir leur mission d'éducation, quel que soit l'élève.

Une fois le diagnostic posé – le plus précocement possible –, des orientations vers des accompagnements dans l'école ou à côté de l'école permettront à l'enfant de mieux canaliser son énergie, de mieux comprendre où il est et de profiter des enseignements qui lui sont proposés. C'est en cela que notre proposition de réduire le nombre d'élèves par classe accueillant des élèves handicapés trouve son utilité. Certains enseignants accueillent deux ou trois élèves en situation de handicap dans leur classe ; si chacun était compté pour deux dans les effectifs, cela permettrait de faire face plus aisément à une situation difficile. Il est plus facile de gérer la présence d'un élève en situation de handicap dans une classe de 20 élèves que de 25. Des pays ont mis en place cette disposition. Une telle formule présente en outre ces avantages que les enseignants qui accueillent des élèves handicapés se sentent encouragés, qu'il y a moins de mécontentement et que cela se passe beaucoup mieux dans la classe.

Pour ce qui est de l'éducation des jeunes sourds, vous confirmez mon propos sur l'organisation des PEJS : le système est insatisfaisant car il n'est pas uniforme sur l'ensemble du territoire et les chances de réussite des élèves ne sont pas les mêmes partout.

Que des AESH aient dû se former sur leur temps et leurs deniers personnels devrait disparaître dans l'année qui vient, car ces formations sont normalement prévues. Nous travaillons actuellement avec le ministère de l'éducation nationale et le secrétariat d'État aux personnes handicapées sur la scolarisation des enfants sourds. Une table ronde a traité du sujet la semaine dernière.

Il faut reconnaître les compétences particulières des AESH pour les orienter vers des élèves qui en ont véritablement besoin et éviter ainsi un gâchis. Ce travail doit être fait et il faudra que les choses soient très précisément écrites dans la circulaire d'application – nous y veillerons.

J'en viens à l'invention de mots nouveaux. Je ne comprends pas bien. Arrivés au collège, les enfants apprennent la langue des signes, mais ils ne reçoivent pas un enseignement en langue des signes au-delà de l'école élémentaire. À l'école élémentaire, l'enseignant en langue des signes peut assurer tous les cours : de français, de mathématiques, etc. Mais, une fois dans les classes supérieures, il doit avoir un diplôme de la matière enseignée. Or, dans les collèges, on ne trouve pas des professeurs de géographie ou de chimie ayant une formation généraliste. Il n'y a donc pas de raison que ce soit le cas pour les enfants sourds. Mais il est très difficile de trouver des professeurs qui pratiquent la langue des signes et qui maîtrisent des matières. L'enfant sourd est donc confronté à la nécessité d'apprendre le français.

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