On entend souvent l'argument selon lequel il faudrait d'abord faire quelque chose tous ensemble avant de le faire pour soi-même. C'est d'ailleurs le prétexte ayant conduit plusieurs acteurs, notamment les entreprises concernées, à s'opposer à la loi de 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre – dont tout le monde se félicite aujourd'hui, et qui inspire de nombreux projets de conventions internationales.
Cet argument ne me convainc pas et, comme vous, monsieur le ministre, je suis désireux de voir l'Europe se saisir de ces sujets. Cela dit, dès lors qu'elle ne le fait pas, on ne saurait reprocher à certains États de vouloir avancer de leur côté car, à défaut, le libéralisme économique dans tous ses excès – dont la question de l'imposition des services numériques nous donne un exemple patent – risque d'emporter avec lui le libéralisme politique : certains prétendront agir à la place des démocraties, afin de reprendre la main sur une mondialisation devenue déloyale.
La France a donc l'obligation de travailler sérieusement sur ces sujets, et vous en donnez l'exemple en nous soumettant ce projet de loi relatif aux GAFA. Cependant, estimant que votre texte ne va pas assez loin, nous vous faisons des propositions alternatives, que vous pourriez reprendre – en les modifiant si vous l'estimez nécessaire. Ainsi, quand nous proposons un dispositif entrant en vigueur au 1er janvier 2020, vous pourriez le sous-amender pour repousser l'entrée en application au 1er janvier 2021, voire 2022, afin de laisser à vos services le temps d'y travailler.
Monsieur le rapporteur général, si je n'ai pas tenu compte de vos observations, c'est que je ne les partage pas. J'ai évoqué la présente proposition avec certains hauts fonctionnaires ayant en la matière une compétence bien supérieure à la mienne, qui considèrent tous qu'elle n'est pas dénuée d'intérêt – je le dis très modestement, étant bien conscient des limites d'un petit groupe d'opposition comme le nôtre. En d'autres termes, si nous formulons cette proposition, ce n'est pas forcément pour que vous l'acceptiez sans réserve, mais pour que vous vous saisissiez de la question que nous soulevons, et que vous fassiez en sorte qu'on ne laisse plus les multinationales se moquer des États. Je remercie M. le ministre pour sa réponse, mais j'estime que la problématique qui est ici évoquée mérite davantage de travail – même si cela doit prendre du temps –, un travail auquel nous sommes disposés à prendre notre part.