Intervention de Pierre Duvieusart

Réunion du jeudi 21 mars 2019 à 11h00
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Pierre Duvieusart, directeur général adjoint de GRT Gaz :

Je souhaiterais vous faire partager deux convictions fortes de GRT Gaz à l'aune de la stratégie nationale bas-carbone.

La première, c'est qu'il y a plusieurs manières d'aboutir à la neutralité carbone à l'horizon 2050. Par définition, il y a beaucoup d'incertitudes sur le chemin : incertitudes technologiques, incertitudes sur l'évolution du développement de certaines filières, incertitudes comportementales d'acceptation. Il est important de rester collectivement ouverts aux différentes solutions possibles et de ne pas se fermer de portes trop vite. Autrement dit, il ne faut pas mettre trop tôt tous ses oeufs dans le même panier.

La seconde conviction, c'est que, quelle que soit la cible en 2050, il y aura un vecteur gazier décarboné significatif. Pour gérer l'intersaisonnalité – je fais écho à ce qu'on dit certains de mes prédécesseurs – le fluide gazier a des atouts naturels. Aisément stockable, il se prête à des usages nécessitant de la puissance embarquée, c'est-à-dire des usages de mobilité. La complémentarité des systèmes énergétiques a déjà été évoquée et semble assez partagée au niveau européen tant par les gaziers que par les électriciens. Nous avons l'espoir que le quatrième « paquet énergie » européen qui va entrer en discussion en fera la démonstration. Un mix qui ne laisserait pas de place au gaz serait un mix désoptimisé pour la collectivité, pour les consommateurs comme pour les producteurs.

Forts de ces convictions, regardons, plus près de nous, les orientations à prendre à l'horizon 2030. La filière gazière soutient plusieurs vecteurs, notamment la production de biométhane en tant que source de gaz en développement et le nouvel usage du gaz en mobilité. Nous sommes convaincus que ces deux orientations seront sans regret pour la collectivité, parce qu'elle s'inscrit dans la cible et parce qu'elles présentent des externalités complémentaires positives.

On parle souvent – j'ai entendu le président Carenco l'évoquer – des quatre politiques soutenues par le biométhane : énergie et climat, aménagement du territoire, agriculture et agroécologie, déchets et économie circulaire. On peut d'ailleurs noter qu'aujourd'hui, seule la politique « énergie et climat » soutient le développement du biométhane et que la volonté de verdir le gaz ne bénéficie que d'une très faible partie de la contribution de l'énergie gazière aux équilibres budgétaires du pays.

Ces deux orientations sont très fortement soutenues par les territoires et se retrouvent dans les SRADDET.

J'évoquerai maintenant quelques freins concrets et immédiats.

Concernant les orientations, nous considérons que les cibles aujourd'hui affichées ne sont pas suffisamment ambitieuses - je pense principalement au biométhane – et sont même revues à la baisse, ce qui n'est pas un bon signal donné pour développer ces filières, qui plus est avec des conditions de rachat qui se durcissent. À notre connaissance, cela n'avait jamais été envisagé pour aucune autre filière ENR.

Dans certains cas, les textes sont publiés en décalage temporel par rapport aux votes du législateur. Un texte a été évoqué. Nous pensons également à un arrêté tarifaire sur la réfaction, pour lequel il s'est écoulé une bonne année entre le vote de la loi et l'opérationnalité, donc à l'utilisation par les porteurs de projets.

Un troisième frein est représenté par le stop-and-go, qui envoie un signal très négatif sur le biométhane. Annoncer une baisse des prix assez forte induit une efficience économique et une efficience de la dépense publique évidentes, mais annoncer rapidement des baisses de soutien fortes conduit à une accumulation de projets en un temps resserré. Les porteurs de projets disent que cela conduit mécaniquement à un renchérissement des coûts immédiat, avec un risque de réduction brutale. Nous militons pour réduire ces stop-and-go.

On peut d'ailleurs prendre exemple sur ce qui a été fait en matière de mobilité, où l'aide est plus permanente. Le développement du gaz dans les mobilités poids lourds et pour les véhicules utilitaires est positif. Nous espérons que ce soutien perdurera, nous en espérons même davantage sur certaines filières.

Il faut être vigilant sur l'action au niveau européen. Je rejoins ce qu'a dit Édouard Sauvage sur l'importance de l'analyse des cycles de vie. Elle n'est pas réalisée au niveau européen. On s'en tient aux émissions des pots d'échappement, ce qui ne va pas dans le bon sens pour prendre les bonnes décisions collectives.

À un horizon plus lointain, concernant les « nouveaux gaz », c'est-à-dire les filières power to gas, ou pyrogazéification, il importe de passer dès à présent de la phase expérimentale à la phase industrielle et de mettre en place des mécanismes de soutien plus pérennes.

En conclusion, le réseau de gaz, qui est aujourd'hui construit et en bonne partie amorti, et dont le coût marginal est donc assez faible, constitue un actif collectif plus que précieux. Il dispose d'une puissance d'appel considérable, aujourd'hui 50 % supérieure à celle du réseau électrique, et est très rapidement mobilisable. D'une longueur de plus de 200 000 kilomètres en France, le réseau gazier est discret, opérationnel vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, quelles que soient les conditions climatiques. Il présente une grande qualité pour les paysages et la biodiversité. C'est donc un atout à cultiver pour notre transition énergétique.

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