Intervention de Pascal Sokoloff

Réunion du jeudi 21 mars 2019 à 11h00
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Pascal Sokoloff, directeur général de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) :

Merci, madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, d'avoir invité les représentants des territoires que nous sommes. Les collectivités locales et les territoires sont des acteurs incontournables de la réussite de la transition énergétique. Nos territoires sont présents sur tous les maillons de la chaîne énergétique, de la production aux usages en passant par les réseaux. Au regard du format de cette audition, j'évoquerai plus particulièrement les réseaux.

Le dénominateur commun des trois réseaux de distribution d'énergie – électricité, gaz et chaleur – est leur appartenance aux collectivités locales en leur qualité d'autorités concédantes de la distribution d'énergie de réseaux et, parfois, de maîtres d'ouvrage de travaux.

Nous représentons les collectivités décentralisées et nous pensons que la décentralisation ajoute à l'efficacité de la transition. Pour autant, comme l'évoquait le président Carenco, nous sommes attachés à la préservation de la cohésion territoriale et de ce qui l'incarne, c'est-à-dire la péréquation, notamment s'agissant de l'électricité. Le sujet est pour nous de bien positionner nos collectivités sur une synthèse entre l'efficacité territoriale locale et la participation à une vision nationale incontournable.

Je me livrerai à un « zoom » rapide sur les trois réseaux d'énergie.

Les collectivités que nous représentons, c'est-à-dire, pour l'essentiel, de grands syndicats d'énergie et des métropoles, sont les autorités organisatrices de la distribution d'électricité, qu'elles concèdent aux gestionnaires de réseau que sont Enedis et les entreprises locales de distribution non nationalisées. Je signale au passage que ces concessions comprennent également un volet fourniture, puisqu'elles conduisent la collectivité à concéder de l'activité de fourniture au tarif réglementé de vente à l'opérateur de fourniture, par exemple, à EDF pour la majeure partie du territoire. Dans le cadre de ces concessions, les collectivités ont d'abord un rôle d'impulsion qui s'incarne dans les contrats de concession.

Rappelons ici que nous avons opéré en partenariat avec France Urbaine et Enedis, à la fin de l'année 2017, une rénovation des contrats de concession en diffusant un nouveau modèle qui avait pour ambition d'inclure très largement les enjeux de la transition énergique. Nous avons évoqué à plusieurs reprises la nécessité d'avoir une vision. C'est un point important de ces nouveaux modèles, puisque nous y avons intégré de nouveaux outils : des schémas directeurs, des programmes pluriannuels d'investissement qui ont précisément pour vocation de clarifier la façon dont la transition énergétique et le développement des énergies renouvelables vont s'opérer dans les territoires. Il y a donc des leviers intéressants.

Il y a également des freins. Je me limiterai à signaler l'insuffisante agilité de l'outil pourtant remarquable qu'est le compte d'affectation spéciale (CAS) « financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (FACE). Ce fonds, ancien, qui a joué un rôle fondamental dans l'équipement du territoire en réseaux d'électricité, doit aujourd'hui s'adapter à la transition énergétique. D'ailleurs, la Cour des comptes, après l'avoir contrôlé, l'a signalé dans son rapport public de l'année dernière. Il ne s'agit pas de renoncer au caractère rural du FACE. La ruralité est un partenaire essentiel de la transition énergétique, car c'est bien dans la ruralité que l'on peut déployer des capacités d'énergie tout simplement parce que c'est là que le foncier se trouve. Toutefois, cet outil n'a pas été suffisamment adapté aux nouveaux objectifs de la transition énergétique. S'il est bien adapté au financement des extensions et des renouvellements de réseaux, à la sécurisation physique des réseaux, en revanche, toute une série d'objets nouveaux évoqués par la Cour des comptes - économies d'énergie, rationalisation des réseaux, rénovation énergétique, stockage – mériteraient d'être inclus dans ce dispositif. Nous en avons fait la demande à plusieurs reprises.

Nous trouvons que l'État tarde un peu à prendre les mesures réglementaires capables de mettre en place les sous-programmes correspondants. En particulier le FACE pourrait traiter le déploiement des bornes de recharge des véhicules électriques. Les autorités concédantes que nous représentons ont assuré le déploiement d'environ les deux tiers des infrastructures de recharge actuellement présentes sur le domaine public. Pour autant, l'équipement du territoire n'est pas terminé et doit être parachevé. Pour ce faire, nous avons besoin de financements complémentaires. Il nous semble que, compte tenu de l'articulation entre les bornes de recharge, la mobilité électrique et le stockage, il y aurait un intérêt à l'inclure dans le périmètre du FACE.

J'évoquerai également les questions gazières qui viennent d'être abordées. Nous adhérons à l'idée que le gaz concourt positivement au mix énergétique local et qu'il peut être un point d'appui de la transition énergétique, notamment par le développement du biométhane. Toutefois, je partage les points de vue avancés notamment par Edouard Sauvage. Nous trouvons que les signaux qu'on s'apprête à donner dans la PPE manquent d'ambition au regard du développement du biométhane.

Nous rencontrons aussi un problème de réglementation. Si le législateur, dans la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « loi EGALIM », a bien intégré les collectivités que nous représentons dans les boucles de procédure du déploiement du biométhane sur le territoire, en revanche, nous ne sommes pas associés à la préparation des textes réglementaires d'application. Les quelques informations fragmentaires que nous avons captées nous laissent craindre que, dans la rédaction de ces projets de décrets, les collectivités locales soient purement et simplement oubliées, à la fois comme parties prenantes de la planification énergétique locale et comme cofinanceurs du développement des réseaux qui raccorderont les méthaniseurs au réseau de distribution. Ce serait créer une fragilité juridique et une insuffisance en termes de bouclage financier. Nous pensons qu'il faut rapidement remettre les choses en place sur ce plan.

La CRE est un acteur important. Il faut travailler à une meilleure coordination entre le régulateur national qu'est la CRE et les régulateurs locaux que sont les autorités concédantes. Nous intervenons parfois sur des sujets communs, tels que des indicateurs de performance ou une vision prospective du développement des réseaux, mais nous trouvons que cette coordination est insuffisamment assurée.

Les collectivités organisent également les réseaux de distribution de chaleur et de froid. La chaleur renouvelable étant un bon vecteur de la décarbonation des systèmes énergétiques. Nous soutenons son développement, mais nous regrettons que la PPE mette insuffisamment l'accent sur le froid renouvelable. On ne lui a pas fixé d'objectifs spécifiques, alors que l'évolution du climat va rendre la problématique des îlots de chaleur et de la climatisation de plus en plus prégnante.

Pour conclure, vous l'avez compris, nous pensons que les territoires sont des points d'appui incontournables de la transition énergétique et surtout des lieux de synthèse entre l'efficacité environnementale, l'efficacité économique et la préservation de la cohésion sociale et territoriale, à condition que l'on sache situer les compétences au bon niveau, c'està-dire un niveau de collectivités organisatrices de taille suffisante, ce qui est le modèle que nous défendons.

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