Intervention de François Brottes

Réunion du jeudi 21 mars 2019 à 11h00
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

François Brottes, président du directoire du Réseau de transport d'électricité (RTE) :

Dans le prolongement de ce que vient de dire Jean-François Carenco, n'oubliez pas, dans cette enceinte qui se préoccupe d'aménagement du territoire, la péréquation. Les réseaux n'y sont pas pour rien. Les décalages entre les territoires, et ce que nous vivons dans notre pays aujourd'hui, le montrent aussi : il est inacceptable de ne pas garantir la même qualité et le même service partout sur le territoire. Le gaz est sur un marché, mais l'électricité est fournie en égale qualité et en même temps partout, et beaucoup y sont attachés.

Madame la présidente, vous parliez de facilitation. Comme il est de plus en plus difficile de réaliser des infrastructures, il est indispensable de « booster » les infrastructures existantes. Nous marchons maintenant sur deux jambes : une jambe électrique et une jambe numérique. Nous gérons 300 000 données à la seconde et, demain, ce sera 3 millions ! On met partout des capteurs et de l'intelligence déportée, on installe des outils de flexibilité que sont les batteries pour réduire les investissements d'infrastructure et faciliter l'entrée des renouvelables. Nous n'avons pas le choix car s'il fallait attendre quinze ans pour accueillir confortablement les renouvelables, vos calendriers prévisionnels prendraient beaucoup de retard. C'est une course contre la montre.

De même, nous mutualisons. Nous sommes un monopole, que justifie la mission éthique que nous ont confiée la loi et la Constitution. Cela nous permet d'optimiser les coûts, de limiter les délais et de réduire l'impact environnemental. Si chacun se raccorde au poste qu'il veut à l'heure qu'il veut, on ne s'en sortira pas, et cela coûtera beaucoup plus cher pour tout le monde.

Concernant l'acceptabilité, dont j'ai dit tout à l'heure qu'elle était le frein majeur, on ne fera rien sans l'appétence des territoires, sans la contribution des élus locaux, sans la compréhension des populations, même si c'est long et parfois coûteux. Sur 4,6 milliards d'euros de chiffre d'affaires, nous versons presque 600 millions d'euros d'impôts locaux, mais je ne souhaite qu'on en verse moins parce que la fiscalité est un dialogue.

Philippe Monloubou évoquait le FACE, qui permet aux territoires d'être à l'écoute et en compréhension. Si une contrainte est imposée, il est normal qu'elle donne lieu à contrepartie. Nous plaidons, et c'est à la main du législateur, pour marier le temps des SRADDET et celui des ENR. Il faut maintenir les SRADDET, qui sont la parole politique d'un territoire régional, et qui participent de l'acceptation. Mais si le technicien que nous sommes, en lien avec les distributeurs, est capable d'indiquer aux élus politiques les éléments techniques capables d'accélérer le développement à tel endroit, cela rationalise le débat et évite de découvrir qu'une zone déterminée ne sera pas raccordable avant dix ans. Vous pourriez imposer la concomitance des deux, afin de rationaliser le débat. Il ne s'agit pas d'éliminer l'un, les deux sont utiles, voire indispensables.

Nous faisons d'ailleurs en sorte de booster les schémas de raccordement. Quasiment arrivés au taquet pour les possibilités de raccordement aux ENR, sous la vigilance du régulateur, nous dénouons des parties du réseau pour faciliter un accueil beaucoup plus important dans le même schéma. Mais le jour où nous serons arrivés à saturation, il faudra faire le schéma d'après. C'est ainsi que nous devenons facilitateurs.

Concernant le stockage de l'énergie fatale, nous avons considéré que nous, transporteur d'électricité, ne pouvions pas ne pas nous intéresser au stockage de l'hydrogène et de l'aspect power to gas, sachant que, même si ce n'est pas tendance, le gas to power a encore de beaux jours devant lui. On ne peut pas tout éliminer. Quand nous avons besoin de démarrer rapidement une production sur le réseau, le thermique, et celui-ci en particulier, est utile, car visiblement moins polluant. On me reproche de défendre le gaz alors que je transporte de l'électricité, mais je suis lucide. Je ne suis pas un intégriste des sujets. Nous travaillons avec GRT Gaz, via le projet Jupiter 1000 dont ils sont porteurs, dans lequel nous explorons les pistes, les coûts, la faisabilité de plusieurs technologies de stockage de l'hydrogène pour la remettre dans les réseaux de gaz ou dans les transports. Mon collègue Thierry Trouvé, absent ce matin, sera d'accord pour organiser une visite de parlementaires sur le site de Jupiter 1000. Situé à Fos-sur-Mer, il est quasiment fini, et il est desservi par le train. Vous verrez ainsi par vous-mêmes où nous en sommes. Ce n'est pas gagné, on n'est pas sûr que ça ne coûte pas cher. Le président de la CRE a raison de pointer le coût, mais ce n'est pas une raison pour ne pas s'intéresser à l'expérimentation.

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