Disons-le immédiatement et sans ambages, nous regrettons l'adoption de l'article 2 qui, revenant sur un engagement pris, envoie un signal d'instabilité aux acteurs économiques. Nous voyons que, dans l'obligation de financer une partie des mesures annoncées en décembre dernier, vous revenez sur la trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés, alors même que votre gouvernement prône la stabilité fiscale. Nous regrettons tout autant, et peut-être plus, que les propositions que nous avons faites n'aient pas été retenues. Elles auraient pourtant permis de faire un pas décisif en faveur de la justice fiscale et contre les pratiques d'optimisation auxquelles se livrent certaines entreprises.
Optimisation, voire évasion fiscale, les grandes entreprises du numérique y recourent largement. Leur importante puissance financière leur donne la possibilité d'échafauder des mécanismes infiniment complexes pour échapper à l'impôt. Elles ne sont pas les seules : les autres multinationales disposent aussi de quelques connaissances en la matière et profitent largement du fait que l'économie numérique demeure un objet fiscal non identifié.
Les questions liées au projet de loi sont nombreuses : comment taxer l'exploitation et la commercialisation de données ? Comment taxer l'intermédiation entre internautes et publicités ciblées ? Comment, enfin, territorialiser une activité qui, par essence, s'inscrit dans le virtuel ? Cela pose problème. Contentons-nous de constater que la numérisation de l'économie a permis la constitution rapide de véritables empires qui se croient parfois au-dessus des États.
Prenant appui sur le fait que les bénéfices des multinationales du numérique sont largement moins imposés que ceux des entreprises traditionnelles, ce projet de loi ambitionne de rétablir une once de justice. Il doit aussi aider à la prise de conscience des dirigeants politiques. Si celle-ci est en cours en Europe et dans l'OCDE, elle demande beaucoup de temps, ce que nous regrettons amèrement.
Nos échanges ont mis en lumière les écueils et les faiblesses de ce texte. Nous savons également que nos délibérations sont scrutées ; les déclarations récentes du secrétaire d'État américain, Mike Pompeo, viennent nous le rappeler. En conclusion, le groupe Libertés et territoires, dans sa grande majorité, votera ce projet de loi, que nous jugeons nécessaire, pour faire entrer notre système fiscal dans l'économie de demain.