Intervention de Catherine Guillouard

Réunion du mercredi 3 avril 2019 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Catherine Guillouard, présidente-directrice générale de la RATP :

Sur la gouvernance, je suis favorable à l'instauration d'un Conseil d'orientation des infrastructures (COI), même si la RATP n'est pas directement concernée. En effet, toute notre capacité d'autofinancement part dans des investissements cadrés par le contrat de délégation de service public (DSP) qui nous lie à Île-de-France Mobilités. De façon générale, donner une forme de prévision aux investissements nécessaires en matière de mobilité ne peut être que positif. Je tiens toutefois à préciser qu'à Paris, la gouvernance a défailli dans le domaine des bus touristiques. Deux opérateurs – dont OpenTour, l'opérateur de RATP Développement – disposent des droits de ligne, tandis que deux autres opèrent, pardon de le dire, totalement au piratage : ils s'arrêtent là où ils veulent et ne paient aucune redevance. C'est d'autant plus problématique pour nous que nous avons aussi décidé de verdir notre flotte de bus touristiques en investissant 16 millions d'euros. Aussi souhaitons-nous que la gouvernance soit éclaircie dans ce secteur. Comme l'ont mentionné les sénateurs, il est important de prévoir un double regard. Si l'on veut libéraliser cette activité, tous les opérateurs doivent s'engager à verdir leur flotte – à défaut, ce serait le summum ! Il faut aussi qu'une régulation soit opérée par les responsables de la voirie, en l'occurrence la mairie de Paris.

Certaines lignes de métro sont en saturation aux heures de pointe. La plus saturée est la ligne 13. Nous avons investi plusieurs centaines de millions d'euros pour l'automatiser, changer le système de retournement des trains à Châtillon et mettre en place un centre de contrôle automatisé. Cette ligne affichait une densité de 90 % à l'heure de pointe en 2010. Cette année, ce taux est passé à 96,5 %. Ce faisant, la ligne passe le cap des indicateurs fixés par Île-de-France Mobilités. La densité y est très élevée le matin. Pour y remédier, nous avons choisi cette ligne pour témoigner de notre volonté d'améliorer l'expérience client : nous avons accru sa propreté grâce à des opérations de « nudge » ; nous avons installé des dispositifs anti-odeurs dans l'ensemble des stations ; nous avons informé les passagers sur les stratégies d'interchangeabilité ; nous avons renforcé le nombre de bus qui partent de Saint-Lazare vers le nord de Paris, en faisant passer leur rotation à 5 minutes 30 au lieu de 6 minutes 30 auparavant et ce, toute la journée ; nous avons nommé un chargé d'expérience client de la ligne. Le résultat est très positif et nous envisageons d'étendre ce dispositif à d'autres lignes. Enfin, quand nous ouvrirons la ligne 14 dans son intégralité, cela déchargera de 25 % la ligne 13. On ne peut donc pas à la fois combattre la saturation actuelle du réseau et affirmer que le Grand Paris Express n'y aidera pas. C'est bien, au contraire, un élément important de notre stratégie.

Par ailleurs, nous n'avons pas de projet de fret sur tramway.

Concernant l'accessibilité aux personnes handicapées, nous sommes engagés dans ce domaine depuis vingt-cinq ans et sur l'ensemble de nos réseaux. Aujourd'hui, 263 lignes de bus sont accessibles aux personnes handicapées : 100 % du réseau parisien et 70 % du réseau autour de Paris. Je rappelle, à cet égard, que les travaux de voirie nécessaires pour garantir l'accessibilité ne dépendent pas de la RATP. En outre, les 117 kilomètres du réseau de tramway sont accessibles, de même que 63 gares de RER sur 65, contre 60 l'an dernier. Le sujet concerne donc principalement le métro. En l'occurrence, la ligne 14 est intégralement accessible. Et tous les projets d'extension de lignes le sont, ce qui signifie que 37 stations de métro seront accessibles en 2024, contre 9 actuellement. Tous les RER le seront l'an prochain. Enfin, 222 stations de tramway le seront en 2024. Ainsi, en définitive, le taux d'accessibilité du réseau d'Île-de-France, y compris la SNCF, devrait passer de 38 % à 60 %.

Par ailleurs, je tiens absolument à rappeler que nous avons formé nos personnels à l'accueil de tous les handicaps. Nous sommes les premiers à avoir obtenu la certification Cap'Handéo pour la ligne 1 et le RER A, octroyée par des associations de personnes handicapées. Nous poursuivrons cette démarche. En outre, notre programme Equisens – « équipements et aménagements des espaces à destination des personnes déficientes sensorielles » – permet à toutes les personnes handicapées en fauteuil mais aussi sensorielles d'être mieux prises en charge dans le métro. Il prévoit, par exemple, la refonte des escaliers ou la mise en place de balises au sol et de balises sonores. Nous y avons investi une douzaine de millions d'euros. Tous les personnels du réseau ferré y seront progressivement formés En somme, le sujet de l'accessibilité fait vraiment partie de l'ADN du groupe RATP. Je rappelle également qu'un comité avec les associations de personnes handicapées a été constitué à mon niveau, que des ambassadeurs du réseau transcrivent leurs observations dans des « carnets de voyage » et qu'une personne chargée du handicap suit toute cette politique interne.

J'en viens aux questions de Mme Bérangère Couillard concernant l'ouverture des données. La RATP a investi dans un système de structuration de ses données permettant d'effectuer 1,8 milliard de requêtes en open data sur son activité. Cela représente une moyenne de 150 millions de requêtes par mois, contre 130 millions l'an dernier. Cela nous paraît normal. En revanche, nous trouvons moins normal d'être le seul acteur à fournir des données. En effet, si l'on entend construire des systèmes de MAS, il est absolument indispensable que nous ne soyons pas les seuls à le faire. À Annemasse, par exemple, nous avons mis en place un premier MAS sur mobile en regroupant les transports en commun que nous opérons, les taxis, les vélos et les parkings. Cela impliquait d'avoir accès aux données de tous ces modes de transport. De façon générale, nous avons besoin de licences ShareAlike permettant à tous les acteurs d'ouvrir leurs données pour le bien commun. J'insiste, il ne faut pas uniquement ouvrir les données des transporteurs, mais aussi celles des autres opérateurs de services de mobilité. Ainsi, la RATP a investi dans des start-up de covoiturage – Klaxit –, d'autopartage – Communauto – et de scooters électriques – Cityscoot. Si nous voulons faire un MAS, il faut aussi que ces acteurs donnent leurs data. Sur l'application de la RATP, vous verrez que nous avons inclus la recherche d'itinéraires pour les vélos et Cityscoot. Demain, il faudra que nous puissions l'étendre à tous les acteurs de la mobilité.

L'enjeu clé, pour nous, consiste à obliger les AO – qui ont la légitimité pour le faire – à permettre d'accéder au service numérique multimodal par le biais d'interfaces de programmation (API) dans des conditions raisonnables, proportionnées et non discriminatoires – car il est très important que le critère de recherche soit non discriminatoire. Il faudrait aussi empêcher les opérateurs purement numériques de pratiquer des tarifs inférieurs à ceux de l'AO. À Londres, par exemple, un opérateur purement numérique que je ne citerai pas a proposé un tel tarif sans avoir aucune responsabilité sur le réseau physique. Je vous invite donc à intégrer ce sujet à votre réflexion.

Par ailleurs, je considère qu'il faut ouvrir les données du covoiturage.

Je réponds également par l'affirmative à la question sur l'appui de la région, de même qu'à celle sur l'ARAFER. En l'occurrence, le projet de LOM tel qu'il est sorti du Sénat montre que l'ARAFER sera pour nous un régulateur très important qui touchera à plusieurs de nos activités, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Elle regardera ainsi l'activité du gestionnaire d'infrastructures du Grand Paris (GIGP), puisqu'elle devra notamment donner un avis conforme sur le plan de gestion des informations confidentielles – ce qui est tout à fait normal dans la mesure où nous jouerons deux rôles : un rôle de gestionnaire technique des infrastructures et un rôle de candidat pour opérer les lignes 15 à 18 lorsqu'elles seront construites.

Dans ce contexte, il est important d'assurer une séparation à la fois comptable et fonctionnelle de ces activités, pour garantir une compétition équitable. Que l'ARAFER nous régule en vérifiant ces points me paraît une très bonne chose. Elle vérifiera aussi le document de référence, c'est-à-dire les mesures qui garantissent la non-discrimination entre le GI et l'opérateur de transports (OT). Elle réglera les différends, le cas échéant, et émettra un avis conforme sur notre rémunération en tant que gestionnaire technique du Grand Paris Express.

J'insiste sur la notion de « gestionnaire technique » pour attirer votre attention quant au fait que dans l'activité de gestionnaire d'infrastructures de la RATP – qui croîtra de façon significative pour passer de 8 milliards d'euros d'actifs gérés au bilan à 13 milliards d'euros une fois les extensions de lignes terminées – nous aurons un double rôle : gestionnaire technique du Grand Paris – sans portage des actifs au bilan, lesquels seront portés par la Société du Grand Paris – et GI historique des 206 kilomètres de lignes de métro et des 117 kilomètres de lignes du RER. En l'occurrence, l'ARAFER vérifiera et garantira la rémunération des capitaux engagés dans le cadre de ce second rôle. C'est très important.

Enfin, l'ARAFER donnera son avis sur les tarifs de prestation de sûreté et sur le transfert des salariés. En effet, il a été décidé lors de l'examen au Sénat de vérifier qu'en cas d'arbitrage nécessaire entre le cédant et le cessionnaire concernant ce transfert, elle pourra préciser le périmètre des salariés à transférer. Vous l'avez compris, l'ARAFER entrera dans un système de régulation de notre groupe par différents angles, qui en feront un acteur fondamental.

Monsieur Jean-Luc Fugit, vous m'avez interrogée sur les vélos. Je vais synthétiser ma réponse de la façon suivante. Aujourd'hui, nous comptons déjà 1 084 emplacements pour les vélos en sortie de stations de RER ou de métro. Nous sommes favorables au développement des modes de circulation doux, c'est évident. Nous avons notamment conduit une expérience avec la start-up Ridy, en offrant la possibilité d'apporter son vélo dans une station de RER le matin pour le faire réparer et le récupérer le soir. Cette opération a été un tel succès que nous avons lancé un mini appel d'offres afin de recourir à un opérateur et d'étendre ce dispositif à plusieurs stations du réseau. En revanche, je serai plus prudente au regard de la densité du matériel roulant et de la nécessaire amélioration de la qualité de service aux usagers. Il s'agit de mettre à disposition un matériel plus capacitaire et plus récent, conformément à notre engagement – je rappelle que nous avons l'ambition, avec Île-de-France Mobilités, d'une part de remplacer intégralement le matériel du RER B par du matériel à double étage comme sur le RER A, d'autre part de changer le matériel roulant ferré sur douze lignes de métro d'ici 2030. Aujourd'hui, vous pouvez monter à bord d'un RER avec un vélo, mais uniquement le week-end et en dehors des heures de pointe – ce qui peut se comprendre, évidemment. C'est la raison pour laquelle nous sommes prudents : nous sommes favorables à un suivi, mais nous savons que tout indicateur très générique serait ingérable pour une entreprise comme la nôtre. Je préfère le dire ! Mieux vaut laisser le soin à des arrêtés de décider ce qui peut être fait à tel ou tel endroit du réseau. Sachez qu'en tout état de cause, la RATP fera de son mieux dans ce domaine. En effet, nous sommes convaincus que le développement du vélo est parfaitement complémentaire des modes de transport en commun classiques.

Concernant les stationnements sécurisés, je voudrais simplement indiquer qu'il est indispensable de prévoir des modalités de financement. Pour sécuriser des stationnements, il faut les construire, les maintenir et les entretenir. Il ne faudrait donc pas qu'une obligation soit créée sans modalité de financement associée.

Par ailleurs, vous avez été plusieurs à m'interroger sur le plan bus 2025. La RATP a pris des engagements précis, chiffrés et métrés en matière de transition énergétique. Ainsi, entre 2015 et 2025 – point d'arrivée du programme lancé par M. Pierre Mongin et Mme Élisabeth Borne –, nous réduirons nos émissions de gaz à effet de serre de 50 % et notre consommation énergétique de 20 %.

Où en sommes-nous aujourd'hui ? À fin 2018, nous avons atteint le deuxième objectif de près d'un tiers, puisque nous sommes à moins 6 %. Nous sommes le premier opérateur de transports au monde à avoir obtenu la certification 50001, qui montre que notre système de management de l'énergie est efficient. Je précise que nous avons été contrôlés sur un ensemble d'activités : des lignes de métro, de RER et de tramway, mais aussi des bâtiments du siège et des bâtiments industriels. Cette certification favorise la mobilisation des équipes. Nous poursuivrons donc nos efforts pour atteindre une baisse de 20 %. Par ailleurs, 65 % des gaz à effet de serre étant émis par les bus, il est indispensable de convertir les dépôts avant la flotte si nous souhaitons atteindre notre objectif de moins 50 % en 2025. On ne fait pas entrer des bus électriques et au biogaz dans la flotte sans avoir converti les dépôts. Tout le monde est « obsédé » par les bus mais, je suis désolée de le dire, il faut commencer par le « hard », c'est-à-dire par l'industriel – en l'occurrence, la conversion des dépôts. Aujourd'hui, nous sommes à moins 9 %. En effet, 24 % de notre flotte de bus est qualifiable de « propre » au sens du décret de janvier 2016, avec 832 bus hybrides, 83 bus électriques et 140 bus au biogaz, pour un total de 4 758 véhicules. Pour aller au-delà, il faut convertir les dépôts.

Vous m'avez demandé d'identifier nos difficultés. Nous avons été très aidés par le Gouvernement actuel, puisqu'auparavant nous ne disposions pas du cadre réglementaire nécessaire pour effectuer une conversion industrielle d'ampleur. Nous avons été entendus et, depuis le 2 août 2018, nous pouvons cadrer cette conversion. Sur nos vingt-cinq centres bus, douze sont à l'état de travaux ou d'études. Pour structurer cette démarche, nous avons conclu une convention avec Enedis et GRTgaz. Il s'agit aussi de « processiser » – pardon pour ce mot ! – la conversion des centres. En effet, il y a encore quelque temps, chaque centre avait sa propre feuille de route. Nous avons donc passé un accord avec chacun d'entre eux.

Vous souhaitez également savoir pourquoi nous prévoyons un tiers de bus au biogaz pour deux tiers de bus électriques. La conversion au gaz relève d'un régime d'autorisation, contre un simple régime de déclaration pour la conversion à l'électricité. Il est donc plus complexe d'apporter du gaz, notamment dans l'hyper centre parisien. À l'époque où nous en avons discuté avec Île-de-France Mobilités, il y a environ un an et demi, nous avons expliqué ces problématiques mais les mesures réglementaires nécessaires n'avaient pas encore été prises. Or elles ont vraiment contribué à éclaircir la situation : les obligations ne sont pas les mêmes en termes de sécurité.

Concernant la qualité de l'air dans le métro, nous avons toujours fait acte de transparence. En effet, nous mesurons la qualité de l'air dans trois stations de métro du réseau et nous affichons les résultats sur notre site internet. Le sujet n'est pas un problème de dioxyde de carbone mais de particules fines liées au freinage – et qui se retrouvent dans tous les réseaux souterrains mondiaux. Nous avons décidé de mettre en place un dispositif de surveillance en 1997. Et depuis avril 2018, vous pouvez consulter ces données en temps réel sur le site www.ratp.fr. Au-delà de ces mesures, nous généralisons le matériel avec des nouveaux trains à freinage électrique. C'est fondamental. Nous l'avons déjà fait pour le RER A et les lignes 2, 5 et 9. Nous le ferons ensuite dans le cadre du programme sur les nouveaux matériels roulants que j'évoquais tout à l'heure sur douze autres lignes de métro et la ligne B du RER. Qui plus est, nous avons décidé de passer commande, dans le cadre d'un appel d'offres, pour de nouveaux trains de travaux avec des moteurs hybrides et électriques. Toutes les nuits, l'on dénombre 400 trains de travaux sur le réseau : autant en faire circuler qui ne roulent pas au diesel ! Cette commande se chiffre à 44 millions d'euros et nous recevrons le premier train cette année. Enfin, entre 2004 et 2015, nous avons conduit un travail de régénération des ventilations du métro, pour 95 millions d'euros. Entre 2016 et 2020, 45 millions d'euros supplémentaires y seront dédiés, pour des renouvellements ou de nouvelles installations.

Mme Bérangère Abba m'a interrogée sur la ligne 393. Le bus autonome représente pour nous un champ très important, à plusieurs égards. L'an dernier, nous avons réalisé une première mondiale en faisant se parquer tout seul un bus au troisième sous-sol d'un de nos garages. Nous avons élaboré le logiciel avec le Laboratoire d'intégration des systèmes et des technologies (LIST) du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). L'objectif, désormais, vise à étudier la façon dont nous pourrions développer plus avant cette technologie pour réduire le nombre d'accidents matériels au moment du parking, mais aussi gagner plus de places – gain que nous avons évalué à 10 % environ. Cette année, nous passerons un cap en opérant partiellement la ligne 393 avec des bus autonomes au second semestre. Cela nous permettra de bénéficier d'un retour d'expérience très riche, comme celui de l'expérimentation que nous menons depuis plus d'un an au château de Vincennes. C'est une forme de première mondiale.

Mme Zivka Park me demande pourquoi le bus et le transport ferroviaire ne sont pas comparables. J'évoquerai un point majeur de différence. Les conducteurs de nos bus sont affectés à des lignes. Il n'existe pas de polyactivité, contrairement à ce qui peut se pratiquer dans le domaine du transport ferroviaire. D'où l'importance du transfert automatique des personnels si l'on veut garantir la continuité de service. C'est fondamental. Ainsi, compte tenu du volume et pour transférer l'activité, il faut s'assurer que le transfert des personnels sera bien opéré – avec, en échange de son automaticité, la portabilité des droits.

Je souhaite en outre expliquer la raison d'être du CST. L'exploitation de Paris et de la petite couronne se singularise par des contraintes tout à fait exceptionnelles, à commencer par des exigences de continuité de service. À Paris et en petite couronne, nous effectuons 1 milliard de voyages en bus par an. C'est cinq fois plus que ce qu'il est possible de faire sur les 10 premiers réseaux de métropoles. Par ailleurs, Paris accueille 60 % des événements nationaux. Les exigences de l'AO sont très élevées. Le réseau tourne 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Les fréquences de service aux heures de pointe sont deux fois supérieures à Paris que sur les grands réseaux de province. Outre ces contraintes liées à la continuité de service, celles liées aux conditions de circulation sont tout aussi élevées. À Paris et en petite couronne en effet, le trafic est extrêmement dense. Le cabotage – c'est-à-dire le fait de s'extraire puis de s'insérer dans la circulation – s'effectue à une fréquence à nulle autre pareille. En 2018, nous avons stabilisé la vitesse des bus à 13,7 kilomètresheure sur l'ensemble du réseau et à 10,6 kilomètresheure dans Paris, mais il est très difficile de s'y tenir dans les conditions actuelles compte tenu du grand nombre de travaux sur la voirie, d'où l'importance de la vidéoverbalisation. Près de 600 procès-verbaux sont dressés chaque jour par la mairie de Paris, qui a récupéré cette compétence de la préfecture de police. Nous avons l'obsession de garantir à nos bus la disponibilité de leurs voies.

À cet égard, je tiens à dire que la RATP est une fervente partisane de l'idée de faire des expérimentations diverses et variées, notamment pour les véhicules autonomes, la nuit – et certainement pas aux heures de pointe au milieu des couloirs de bus qui sont déjà très encombrés. Et pour cause, un nombre exceptionnel de modes de transport circule actuellement dans les voies de bus. La loi va le réguler. Il était temps ! En effet, outre les vélos, on trouve maintenant dans ces voies les trottinettes, les outils de gyromobilité, etc.

Au total, la fréquence d'interaction d'un conducteur de la RATP avec les clients est deux fois supérieure à celle des dix plus grands réseaux de métropoles. Je voudrais également signaler que cette exceptionnelle concentration se retrouve aussi dans les conditions de travail. Ainsi, une flexibilité d'utilisation est offerte par notre propre organisation et notre durée du travail. À titre d'exemple, nous pouvons travailler 48 heures quand la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs (CCNTU) en prévoit 46. Nous pouvons également modifier les tableaux de marche 24 heures à l'avance, contre 4 jours dans la CCNTU. Ces règles d'utilisation beaucoup plus flexibles permettent au réseau de fonctionner. Aussi trouvons-nous normal que, dans le cadre de l'ouverture à la concurrence et face à ces contraintes et cette particularité des conditions d'exploitation, un cadre social de haut niveau soit prévu, avec une portabilité des droits très claire, précisée par la ministre : pour tous les personnels, l'accès aux oeuvres du comité d'entreprise (CE) durant un an, l'accès aux espaces de santé et la rémunération nette des douze derniers mois et en sus, pour les personnels statutaires, le régime spécial de retraite et des conditions particulières d'éventuel licenciement – puisqu'aujourd'hui, le statut ne prévoit pas de licenciement pour cause réelle et sérieuse. Cela nous paraît totalement justifié eu égard à notre champ spécifique, à la façon d'exploiter le réseau, aux sujétions et aux règles d'utilisation.

J'en viens aux questions relatives à la sûreté. L'article 33 me semble équilibré tel qu'il est rédigé aujourd'hui. Ainsi, il permet à la RATP d'étendre son monopole d'action au Grand Paris Express le moment venu pour permettre une continuité de la sûreté avec le métro historique. Par ailleurs, le GPSR restera sur le réseau de surface jusqu'à la bascule. Ensuite, c'est à l'AO qu'il reviendra de prendre la décision de le conserver ou pas. Je tiens à répéter que ces équipes effectuent un travail remarquable tous les jours. Certes, le nombre des vols à la tire a augmenté dans le métro – où nous travaillons de façon très active mais où nous ne sommes pas les seuls à intervenir. Mais les heures passées par le GPSR dans le réseau ont crû de 5 % et les interventions sont faites à 90 % en moins de dix minutes – 88 % en surface et 92 % dans le métro –, ce qui est remarquable compte tenu de l'étendue du réseau. En outre, la cyno-détection, qui est un dispositif fondamental, a évité 61,5 heures d'interruption du réseau l'an dernier en diminuant par deux les temps permettant de lever le doute sur les colis abandonnés. Nous faisons aussi de la prévention, en expliquant aux passagers qu'ils doivent faire attention à ne pas oublier leurs bagages. L'an dernier, grâce à ces différentes interventions, nous avons enregistré moins 29 % d'interruptions liées à des problématiques de sûreté.

Une autre question concernait le dépôt de plainte simplifié. Cette idée est née en commun avec la préfecture de police de Paris dans la mesure où poursuivre les pickpockets nécessite qu'une plainte ait été déposée. Or la clientèle touristique étant la cible principale, nous passons des annonces sonores mais nous permettons aussi le dépôt de plainte dans certaines stations de métro.

M. Jean-Marc Zulesi m'a ensuite interrogée sur notre stratégie à l'international. Nous avons gagné plusieurs contrats majeurs en 2018, avec Keolis pour le tramway et le métro de Doha ainsi que le Grand Paris Express, et tous seuls pour les lignes 1 et 2 du métro de Ryad ou encore le réseau de bus de Lorient. Au début de cette année, nous avons gagné le marché d'Angers et nous sommes en attente d'une réponse pour Brest, Saint-Malo et Creil. Je précise que nous avons la volonté de nous développer sur nos deux pieds : les territoires français et l'international. L'objectif fixé à la filiale vise à dépasser 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires à l'international en 2022 contre 1,2 milliard d'euros aujourd'hui, avec une stratégie de croissance rentable. Il ne s'agit pas uniquement de faire du volume, et des objectifs d'EBE ont été assignés à la filiale. C'est la raison pour laquelle nous sommes très sélectifs et nous nous sommes retirés de nous-mêmes d'un appel d'offres français pour un contrat dont nous estimions qu'il ne nous aurait pas permis de gagner notre vie. Pour ce qui est de nos ambitions futures à l'international, nous travaillons à un projet pour Austin aux États-Unis et pour Buenos Aires. Nous souhaitons également activer le contrat que nous avons gagné pour les bus toscans de Florence.

J'en viens aux questions posées par Mme Valérie Lacroute. Concernant le positionnement de la RATP sur le marché du train express régional (TER), il n'y a aucune raison que nous nous interdisions quoi que ce soit, et ce pour une raison très simple : nous avons un savoir-faire. Nous exploitons ainsi le très beau réseau du Gautrain en Afrique du Sud. Nous étudierons donc les projets, mais là encore, nous serons sélectifs. Dans le développement de RATP Développement, nous devons faire en sorte d'établir des priorités et de ne pas courir tous les lièvres à la fois. Or je rappelle que la préparation d'appels d'offres est coûteuse. Nous étudierons sérieusement les projets et nous ne nous interdirons pas ce marché, bien au contraire.

J'ai parlé de l'ouverture des données et je crois aussi vous avoir répondu sur l'article 15 au sujet des voies de bus. Par ailleurs, je confirme le caractère obligatoire du transfert des personnels. Il est absolument indispensable pour les raisons de continuité de service que j'ai évoquées.

Concernant le CDG Express, plusieurs éléments méritent d'être gardés en tête. Comme vous le savez, le RER B est une coproduction avec la SNCF. Cette année, autant nous avons gagné 3,2 % de production et de ponctualité sur le RER A – avec en mars, pour la première fois depuis quinze ans, une ponctualité à 95 % à l'heure de pointe –, autant le RER B fait l'objet de multiples chantiers et travaux. Les travaux nécessaires pour mettre en place un matériel roulant plus capacitaire, par exemple, nécessite de revoir les quais. Par ailleurs, le système de navigation qui s'appellera Nextéo est en cours de définition conceptuelle par la RATP et la SNCF. Et au nord du réseau, côté SNCF, le chantier de travaux est énorme. Sans compter que nous avons perdu l'infrastructure durant un mois à la suite d'un éboulement entre Gif-sur-Yvette et Saint-Rémy-lès-Chevreuse et que nous avons connu 36 jours de grève. L'année a été très compliquée !

Pour en revenir au CDG Express, Paris reçoit tous les ans 48 millions de touristes et n'offre pas d'accessibilité décente entre l'aéroport Charles-de-Gaulle et son centre. En outre, je rappelle que 90 % des touristes prennent le métro durant leur séjour, 50 % prennent le RER pour se rendre à Marne-la-Vallée ou à Versailles et 75 % prennent le bus. C'est donc un sujet important. Dans le projet CDG Express, une enveloppe d'investissement de 194 millions d'euros est prévue pour améliorer l'exploitation du RER B. Aujourd'hui, il existe deux fois deux voies. Un maximum de vingt-quatre trains par heure peut circuler sur les deux voies du RER B et sur les deux autres voies, circulent deux TER et un train pour Laon. En définitive, sur ces quatre voies, une est surchargée et l'autre, très peu chargée. Au travers des investissements envisagés, il s'agit de construire des garages à la fois au Bourget et en arrière-gare de Charles-de-Gaulle, de prévoir un retournement à La Plaine-Stade de France et de permettre au RER B d'emprunter les voies du CDG Express en cas de perturbation de trafic. Je le répète parce que ce n'est pas suffisamment dit : dans le projet CDG Express, une enveloppe de près de 200 millions d'euros permettra d'améliorer l'exploitation du RER B.

Par ailleurs, un important travail est effectué sous l'égide du préfet de la région d'Île-de-France, M. Cadot, avec l'ensemble des acteurs dont le principal est SNCF Réseau. La mission publiera ses conclusions en avril et donnera son point de vue sur la pertinence de retarder ou pas l'ouverture du CDG Express pour favoriser la régénération du réseau Nord. Le travail est en cours. Il faut le laisser se faire.

Je souhaite encore faire quelques précisions concernant notre politique tarifaire. Vous évoquiez un tarif de 24 euros, mais dans les faits, si vous disposez d'un pass Navigo, vous aurez droit à deux allers-retours gratuits. En outre, une réduction sera proposée aux abonnés qui disposent d'un forfait et qui souhaitent aller au-delà. Plusieurs mesures ont ainsi été prévues pour permettre aux Franciliens d'utiliser cette infrastructure dans des conditions tarifaires privilégiées.

Ainsi que cela a été évoqué notamment par Mme Florence Lasserre-David, le réseau de bus parisien sera modifié dans la nuit du 19 au 20 avril. Une conférence de presse a été organisée avec l'ensemble des acteurs – la ville de Paris et Île-de-France Mobilités. Des flyers sont distribués dans les stations. Un site internet dédié a été ouvert. Au total, 10 000 salariés de la RATP sont concernés par cette refonte. Nous ferons appel à 1 500 volontaires des fonctions support. Ces « ambussadeurs » se rendront sur le terrain pour aider les passagers durant la conversion. Je précise ici que c'est la ville de Paris qui est responsable de nombreux arrêts de bus sur lesquels est diffusée de l'information aux voyageurs. Tous ne seront pas prêts le 20 avril. Sans doute faudra-t-il attendre 2021 pour qu'ils soient tous convertis. Je tenais à le dire.

Vous m'avez également interrogée sur la qualité de vie au travail à la RATP. Nous ne participons pas au classement Great Place to Work. En revanche, nous figurons parmi les 50 entreprises les plus attractives pour les jeunes diplômés. La confiance des salariés dans l'entreprise, que nous mesurons chaque année, est élevée. Nous avons mis en place des indicateurs que nous suivons très régulièrement sur le télétravail, la modernisation des espaces, l'excellence managériale, la charte sport santé, le turnover ou encore le recrutement.

M. Christophe Bouillon m'a posé une question sur le rôle du MAS transit. Je pense y avoir largement répondu. Nous sommes convaincus qu'il jouera un rôle clé pour conduire une politique de mobilité efficiente. En effet, je rappelle que lorsque vous prenez le métro ou le RER, vous émettez 50 fois moins de gaz à effet de serre qu'en utilisant une voiture, et le ratio est de 1 à 2 pour les bus.

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