Je ferai la même remarque pour d'autres textes que le Gouvernement nous fait adopter à la hâte. Il n'est pas bon – il est même mauvais – de légiférer sous le coup de l'émotion. Le nouveau monde politique devrait se l'interdire.
Je pense notamment à la proposition de loi « anticasseurs », dont un article-phare a, sans surprise, été censuré par le Conseil constitutionnel. J'appelle aussi l'attention de nos collègues sur la proposition de loi de Mme Avia relative aux propos haineux qui touche une autre liberté fondamentale, la liberté d'expression. Il n'est pas bon de légiférer sur des sujets sensibles en passant outre l'avis du Conseil d'État et en s'affranchissant d'études d'impact préalables !
Sur ce texte, nos interrogations ne sont pas d'ordre constitutionnel : elles portent uniquement sur ses conséquences. L'ANSSI dispose-t-elle de suffisamment de moyens supplémentaires pour faire face à la charge qu'induira cette nouvelle réglementation ? Quel sera le nombre d'équipements concernés ? Combien de mises à jour logicielles par an et par équipement seront soumises au contrôle ou à l'accord préalable de l'ANSSI et du Premier ministre ? Dans quel délai le Premier ministre devra-t-il faire connaître sa validation ou son refus ? Avoir les réponses à ces questions avant l'examen du texte aurait permis d'éclairer utilement les parlementaires.
De plus, ces mesures de protection de nos réseaux de communication doivent s'inscrire dans un cadre européen harmonisé en vue de la réalisation du marché unique du numérique. Nos acteurs économiques ont en effet besoin de règles claires et prévisibles pour assurer le déploiement rapide de la 5G sur la totalité de notre continent, afin de ne pas prendre de retard dans la compétition mondiale.
Ce que je regrette le plus, c'est finalement l'étroitesse du sujet examiné dans le cadre de ce débat. J'aurais aimé que celui-ci soit pour le Gouvernement l'occasion de présenter sa stratégie 5G et ses ambitions en matière de déploiement.
Vous le savez, madame la secrétaire d'État, j'ai conduit durant l'été 2017 avec notre rapporteur Éric Bothorel une mission d'information sur la fracture numérique territoriale pour le compte de la commission des affaires économiques. Nous avions mis en évidence dans notre rapport l'urgence qu'il y avait à répondre à l'attente de la population des territoires ruraux et à s'occuper de la couverture numérique des territoires en matière de téléphonie mobile.
Je dois dire qu'avec le « New deal », le Gouvernement a pour la première fois pris en compte ces attentes depuis le lancement de la téléphonie mobile. Madame la secrétaire d'État, je souhaite que vous poursuiviez dans cette voie avec la 5G. Il ne faudrait pas que les réflexes de Bercy, tels que nous les avons connus par le passé, prennent le dessus lors des négociations et conduisent à privilégier les rentrées financières plutôt que l'aménagement des territoires.
Nous avons également besoin des nouvelles technologies 5G en milieu rural : la téléchirurgie doit pouvoir se développer aussi bien dans l'hôpital d'une ville moyenne de province que dans un CHU ; il en va de même pour les véhicules connectés.
Je sais bien que compte tenu de la bande de fréquence actuellement utilisée par la norme 5G, cette exigence pose des difficultés et qu'elle nécessiterait d'augmenter considérablement le nombre d'antennes. Mais nous ne pouvons laisser les territoires ignorer quand et comment ils auront accès aux nouveaux usages que permet la 5G !
Au-delà des propos que vous avez tenus devant la presse ce matin, quels critères sont prévus dans les enchères pour les villes des départements ruraux ? Comment sera assurée la couverture par la 5G des territoires non denses, et sur quelles bandes de fréquences ? Il faut absolument que vous répondiez à ces questions que se posent les habitants de nos territoires.
Madame la secrétaire d'État, je vous encourage à vous montrer ambitieuse, et je suis certaine que vous le serez. Pourquoi ne pas prévoir que l'installation d'une antenne dans une grande métropole soit suivie de celle d'une antenne dans une ville moyenne ? Un travail doit être conduit dès maintenant sur la façon de couvrir tout le territoire par la 5G.
J'avais déposé un amendement visant à compléter l'article 42-2 du code des postes et des communications électroniques sur les modalités d'attribution des fréquences, afin de préciser que celles-ci devaient prioritairement prendre en compte les impératifs d'aménagement numérique du territoire. Il a été jugé irrecevable. Il s'agit pourtant là d'un sujet qui intéresse particulièrement les Français et sur lequel ils ont de grandes attentes. Il ne faut pas qu'une nouvelle fracture numérique se crée à l'occasion de la 5G : nous ne l'accepterions pas, et les Français ne l'accepteraient pas non plus !
Le groupe UDI, Agir et indépendants souhaite en conséquence l'organisation d'un débat à l'Assemblée nationale, afin que le Gouvernement nous présente sa stratégie 5G et écoute – et surtout entende – nos souhaits, ceux de nos concitoyens et ceux de nos entreprises avant l'établissement du cahier des charges d'attribution des fréquences.
En attendant, notre groupe votera bien évidemment cette proposition de loi.