Depuis plusieurs mois, le développement des réseaux 5G soulève de nombreuses questions quant à nos exigences en matière de sécurité nationale.
La proposition de loi que nous examinons vise à préserver les intérêts de notre défense nationale dans le cadre de l'exploitation des réseaux radioélectriques mobiles.
La question des communications constitue en effet un enjeu décisif de souveraineté dans une société de plus en plus interconnectée.
L'organisation de notre société repose de plus en plus sur les outils numériques ; il faut donc la protéger contre les risques croissants de cyberespionnage.
Or notre pays, et l'Union européenne de façon générale, accusent un net retard dans le développement de technologies nouvelles comme la 5G et ne sont pas en mesure d'assurer prochainement une telle couverture autrement qu'en recourant à des technologies étrangères.
La présente proposition de loi vise à faire une entorse au sacro-saint principe de concurrence libre et non faussée et de commerce à tout-va. C'est à mon sens une bonne chose.
Nous devons en effet aborder sans naïveté les menaces en matière de cyberespionnage, qu'elles viennent de hackers individuels ou de puissances étrangères, bref quelles qu'elles soient, et protéger nos intérêts nationaux.
Aussi, passer préalablement par une autorisation avant de mettre en service une telle technologie est une bonne chose, à condition que les mécanismes de contrôle des outils conduisant à cette autorisation permettent réellement de s'assurer qu'ils ne font pas courir de risque majeur aux intérêts nationaux du pays et à la protection des données des citoyens français.
Il est en effet difficile de ne pas craindre des dérives – notamment en termes de surveillance de masse – qui sont autant de dangers inhérents aux technologies sans fil.
Tout un modèle de société va s'en trouver bouleversé.
Si nous sommes à ce stade favorables à un mécanisme de contrôle, nous voulons en savoir plus sur les modalités d'autorisation : cela relèvera-t-il d'une simple formalité administrative ? Comment l'administration entend-elle contrôler de tels équipements ?
Il nous faut aborder cette proposition de loi sans naïveté géopolitique : il n'est pas question de soutenir un projet destiné uniquement à encourager les États-Unis d'Amérique dans leur entreprise d'offensive économique et diplomatique contre la Chine.
Votre majorité peut faire état – pardon de le dire – de fâcheux précédents en matière d'alignement sur les exigences de l'OTAN, donc des États-Unis : je pense notamment au vote du budget de la défense, exactement fixé aux 2 % du PIB demandés par le président Trump.
Il est vrai qu'il convient de se protéger contre des risques de cyberespionnage venant de la Chine, et que cet espionnage pourrait passer par l'équipement des réseaux mobiles.
En 2017, une loi a été votée en Chine disposant que tout citoyen – ou toute organisation – doit coopérer avec le service de renseignement national et observer le secret sur toute activité de renseignement dont il aurait connaissance.
Récemment, des chefs d'entreprise allemands en déplacement en Chine ont témoigné de faits d'espionnage divers, allant de la pose de micros au démontage d'ordinateurs : le risque d'utilisation du réseau 5G comme vecteur d'espionnage est donc bien réel.
Mais il n'est pas moins vrai qu'il faut aussi se protéger contre l'espionnage – parfaitement avéré pour ce qui le concerne – par les services d'écoute des États-Unis, qui a été révélé au grand public par Edward Snowden en 2013.
Pour la seule année 2012, 62,5 millions de données téléphoniques ont ainsi été interceptées en France de façon complètement illégale.
Les États-Unis sont allés jusqu'à espionner trois présidents de la République française, ainsi que les intérêts diplomatiques français à l'ONU, à New York et à Washington !
Des informations confidentielles ont ainsi été dérobées à la France.
Selon les révélations d'un journal allemand datées de 2017, la NSA est également passée par des pays supposés alliés, comme l'Allemagne, pour espionner la France.
Il ne saurait donc s'agir de s'aligner sur la rhétorique agressive de Donald Trump à l'encontre de la Chine : la France doit se protéger du cyberespionnage, d'où qu'il vienne.
Cela m'amène à m'interroger : comment en sommes-nous arrivés là ? Il n'y a pas si longtemps, en effet, la France disposait avec Alcatel d'un géant des télécommunications.
Depuis 2012, notre ancien candidat à l'élection présidentielle et président de groupe, Jean-Luc Mélenchon, alerte l'opinion publique sur les tentatives de pillage industriel de ce fleuron français.
Qu'avons-nous fait ? Rien. Alcatel s'est fait piller ses brevets et a fini par être racheté en 2015 par Nokia : voilà pourquoi la France est en retard.
Nous aurions pu choisir une solution française et souveraine qui aurait eu le mérite de protéger notre industrie tout en développant notre technologie.
À cause des dogmes libéraux, nous avons laissé démanteler Alcatel.
Nous voilà donc réduits à devoir nous protéger contre des technologies étrangères qui pourraient constituer un vecteur d'espionnage.
Nous avons besoin d'une politique industrielle souveraine !
Aussi cette proposition de loi, si elle va dans le bon sens, entérine-t-elle en quelque sorte notre incapacité à produire une technologie française et donc souveraine.
Le groupe La France insoumise pense, à l'inverse, que la France est riche de ses savoirs et de ses ingénieurs et que si nous mettions en place une vraie politique industrielle, nous serions capables de concevoir cette solution souveraine que je défends et qui nous mettrait à l'abri des technologies étrangères qui peuvent constituer un vecteur d'espionnage.
Enfin, au-delà de l'aspect géopolitique, le développement de la 5G entraînera un changement sociétal inédit. Il aura aussi des conséquences graves – qui sont encore peu maîtrisées – pour la santé comme pour l'environnement.
Nous devons, je le crois, rester vigilants face à de tels risques, car certains de nos concitoyens sont plus sensibles que d'autres à l'exposition aux ondes à haute fréquence.
Pour toutes ces raisons, cette proposition de loi nous semble, sous les réserves et les limites précédemment évoquées, une piste intéressante pour répondre aux menaces de cyberespionnage.