L'impact de la 5G sur nos sociétés sera aussi profond que l'a été celui du GSM2G il y a trente ans, et sans doute sans commune mesure avec celui des 3 et 4G au cours des quinze ou vingt dernières années. Profonde évolution technologique, la 5G s'accompagnera surtout d'une révolution des usages, grâce notamment à une connectivité ultra-robuste à très faible latence et au découpage du réseau en tranches.
Nous sommes tous conscients de l'urgence du déploiement de la 5G dans notre pays. À une époque de concurrence mondiale acharnée, le retard pris dans le développement d'infrastructures au coeur même de l'économie du XXIème siècle aurait pour conséquence un décrochage immédiat de la compétitivité et de l'attractivité de notre pays. Dans le même temps, le déploiement rapide de la 5G ne doit pas se faire à n'importe quel prix. Le plus risqué : la perte de maîtrise du réseau. Celle-ci présenterait deux types de risques.
Le premier, c'est celui de la possibilité pour une organisation malveillante – étatique ou non – à l'égard de notre pays d'en perturber le fonctionnement. Sans communications, c'est l'économie qui s'arrête, c'est l'effort de défense et de sécurité qui est mis en danger.
Le deuxième risque, c'est celui de l'espionnage, qu'il soit politique, industriel ou économique. La quasi-totalité de l'information et des données produites sur un territoire transitera par les réseaux mobiles. Celui qui en fournit l'infrastructure a ainsi la possibilité d'en surveiller, voire d'en capter le contenu.
L'autonomie stratégique est un objectif clé en raison de son impact décisif sur la souveraineté nationale, y compris dans le domaine cyber. Dans le même temps, la stratégie de cybersécurité de I'Union européenne vise à « construire une plus grande résilience et une plus grande autonomie stratégique ». Le commissaire européen en charge du dossier a d'ailleurs récemment rappelé qu'en matière de 5G, « les vulnérabilités présentes dans un État membre mettent en péril la sécurité de tous les États membres ».
C'est dans ce contexte que s'inscrit la présente proposition de loi, qui apporte une réponse appropriée en créant un régime d'autorisation préalable à l'exploitation de matériels et de logiciels de réseau et des sanctions pénales en cas de manquement.
Mais je souhaiterais appeler votre attention sur la situation particulière des forces de sécurité intérieure.
Ces dernières, aujourd'hui, s'appuient de plus en plus sur les réseaux radio civils, et elles le feront de manière quasi exclusive à terme. Elles sont donc, à l'instar des services d'urgence – et, d'ailleurs, de tous les services de l'État – directement intéressées en tant qu'utilisatrices par la disponibilité, la couverture et la sécurité de ces réseaux.
Pour être « à la page » de la société qu'elles protègent, les forces de sécurité intérieure pourraient dépendre de la 5G pour leurs besoins propres en communication, mais surtout pour leurs capacités d'investigation et de renseignement.
Plus que les armées, les forces de sécurité intérieure sont – en raison de leur dimension territoriale – directement concernées par l'aménagement numérique du territoire et donc par la satisfaction des objectifs de couverture assignés aux opérateurs.
Un équilibre doit donc être recherché entre garantie des intérêts régaliens d'un côté et moindre complexité administrative et impact économique pour les entreprises de l'autre.
Les deux éléments clés du régime proposé par la présente proposition de loi – autorisation préalable à l'exploitation de nouveaux équipements et pouvoir d'injonction pour mise en conformité – me semblent de nature à assurer les intérêts de l'État.
Je souhaiterais prendre en exemple le cas certes un peu particulier de la gendarmerie. L'accroissement des débits permis par la 5G facilitera la transition vers la « brigade sans fil », objectif vers lequel tend cette arme depuis plusieurs années et qu'a matérialisé l'introduction de Néogend. L'usage de la 5G par la gendarmerie dépendra de deux éléments.
Tout d'abord, la couverture de l'ensemble du territoire national par cette technologie – ce qui n'est pas l'objet de la présente proposition de loi, mais demeure une question sur laquelle nous serons tous extrêmement vigilants. Ensuite et surtout, la sécurité : le nomadisme auquel nous aspirons suppose des progrès en vidéo, en biométrie, en internet des objets, autant de sources d'informations précieuses dans les enquêtes, mais aussi de vulnérabilités. Ce nomadisme ne sera rendu possible que par des travaux de sécurisation des liaisons de tout type, ce à quoi la présente proposition de loi apporte une première réponse encourageante.
En conclusion, le régime que nos collègues – que je remercie – nous proposent d'adopter constitue une véritable avancée. Cette proposition de loi est juste, équilibrée et urgente.