Je me félicite du débat qui nous réunit aujourd'hui et de l'adoption prochaine – du moins, je l'espère – de deux textes qui sont, pour nous, les textes de la maturité pour la reconnaissance de la Polynésie française dans notre République. Je me félicite également de leur examen aujourd'hui, car ils sont la démonstration, la preuve s'il en fallait une, que nous savons écouter les territoires et prendre les décisions qui leur conviennent et qui leur sont nécessaires.
Selon nous deux termes définissent cette nouvelle étape des longues relations entre la France du continent et la France des archipels : respect et liberté.
Il s'agit d'abord de respect mutuel, car les textes que nous examinons sont le fruit d'une écoute et d'une longue concertation avec les élus polynésiens, tant des députés que des sénateurs. Respect, surtout, car en reconnaissant la « contribution » – ainsi qu'il est convenu de l'appeler – de la Polynésie française à la construction de la capacité de dissuasion nucléaire de la France, dont mon collègue, Benoit Simian, vous parlera plus savamment que moi dans un instant, nous gravons dans la loi organique, au sommet de notre ordre juridique législatif, cette reconnaissance par la France tout entière de sa dette à l'égard de la Polynésie, des Polynésiennes et des Polynésiens. Ce sera aussi chose faite avec la dotation unique instituée par le projet de loi ordinaire. La compensation est aussi un témoignage de respect.
« Liberté » est le second terme. En effet, notre assemblée va aujourd'hui reconnaître des pouvoirs et des capacités nouvelles d'organisation aux collectivités de Polynésie afin qu'elles répondent plus facilement et plus librement aux compétences qui sont les leurs, s'engageant ainsi encore plus dans une forme de différenciation. Mon collègue Hubert Julien-Lafferrière évoquera certainement ce point mais, pour ma part, je rappellerai que c'est avant tout dans le projet de loi organique que se trouvent des dispositions ayant cet objet : nous allons par exemple, dans le contexte institutionnel très particulier de ce territoire, reconnaître la capacité des communes et des intercommunalités à contribuer de manière complémentaire à l'action de la Polynésie française. Le projet de loi ordinaire tend, lui, à favoriser le travail en commun des collectivités polynésiennes en leur donnant accès à des outils performants et adaptés, tels que les syndicats mixtes ouverts ou les sociétés d'économie mixte. On sait tous qu'une coopération intercommunale fluide est un apport bienvenu en Polynésie tout comme en France continentale.
Mais dans ce territoire « doublement insulaire », comme aime à le rappeler Maina Sage, c'est doublement un défi que de vouloir travailler ensemble pour le mieux commun : il fallait d'une part tenir compte de la spécificité locale, la Polynésie française vivant dans un schéma particulier en termes de répartition des compétences, différent de celui que nous connaissons dans l'Hexagone, d'autre part, accorder enfin de la souplesse pour permettre aux élus locaux de mener à bien leurs projets. L'article 1er du projet de loi ordinaire, dont la rédaction a été remaniée par les sénateurs, répond parfaitement à ce double objectif. Ce texte règle également l'épineux problème de l'indivision foncière – sur lequel nous avions d'ailleurs commencé à travailler en 2018, monsieur le rapporteur s'en souvient – et, ce faisant, nous apportons une solution globale, cohérente et adaptée au territoire polynésien tel qu'il est aujourd'hui. Et je tiens à souligner que ce résultat est à mettre au crédit du travail parlementaire conjoint du Sénat et de l'Assemblée nationale.
Pour conclure, madame la ministre, mes chers collègues, je souligne que ces projets de loi sont deux textes fondamentaux pour la Polynésie française car celle-ci aura ainsi encore davantage les moyens institutionnels de construire son avenir. Ils marquent que la nation reconnaît la Polynésie française comme un membre à part entière de la République, une et indivisible mais ouverte à la différence territoriale, sociale et culturelle, à tout ce qui fait un peuple fier de ses racines, apaisé par la reconnaissance de ses spécificités et confiant dans l'avenir. Je vous invite donc, chers collègues, à reconnaître la place de la Polynésie française dans l'histoire et le fonctionnement de notre république en votant sans réserve ces deux textes issus du travail de notre parlement.