Intervention de Hubert Julien-Laferrière

Séance en hémicycle du jeudi 11 avril 2019 à 15h00
Statut d'autonomie de la polynésie française - diverses dispositions institutionnelles en polynésie française — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHubert Julien-Laferrière :

Je m'associe bien entendu à tout ce que mes collègues ont dit de l'histoire et de la singularité de la Polynésie.

N'ayant que cinq minutes de parole, je me contenterai de saluer ces deux textes qui représentent une nouvelle étape importante de la décentralisation et, pour la Polynésie, une nouvelle étape importante de son autonomie.

Sont en effet prévus des compétences élargies pour les communes, des coopérations intercommunales favorisées pour accompagner le développement du Fenua et des archipels, des outils opérationnels adaptés au contexte polynésien ainsi qu'un approfondissement de son statut lui permettant d'assumer pleinement sa double appartenance à la France et au Pacifique.

À l'heure où nous parlons et où nous débattons de ces deux projets de loi, la Polynésie est en train de se doter d'un Schéma général d'aménagement – un SAGE – qui permettra à l'ensemble des acteurs de partager une stratégie du développement et de l'aménagement du pays et de chacun de ses archipels au cours des deux prochaines décennies.

L'enjeu est important : c'est d'abord un développement plus équilibré entre d'une part les Îles du Vent, d'autre part les Îles sous le Vent.

C'est dans le contexte de l'élaboration de ce SAGE que le projet de loi organique élargit dans le cadre des lois de pays les compétences des communes et des établissements publics de coopération intercommunale en matière de développement économique, de jeunesse, de sport, d'aménagement de l'espace, de politique du logement et de la ville, les rapprochant ainsi de celles exercées en métropole ou dans les départements et régions d'outre-mer par ces mêmes collectivités.

Sur un territoire qui, cela a été dit, est grand comme l'Europe, cette étape de la décentralisation est en effet indispensable en vue d'améliorer l'efficacité des décisions prises dans le cadre des politiques publiques dans l'ensemble de la Polynésie.

Je voudrais cependant, madame la ministre, mettre l'accent sur un point du droit local qui nécessite je crois quelques précisions que nos débats présents et à venir pourront apporter.

Vous le savez, l'article D. 111-1 du code de l'aménagement de la Polynésie française a instauré une relation un peu singulière entre le pays et les communes : la loi du pays exige en effet un rapport de conformité entre le document local, le plan général d'aménagement, et le document de rang régional, le SAGE, dont l'élaboration, je l'ai dit, s'achève. Ce rapport de conformité est nécessaire, comme le prévoit l'article D. 113-2 du même code.

Cette relation est un peu singulière au regard de notre droit commun.

En effet, elle impose le respect du document du pays en tous points et exclut toute possibilité d'interprétation : sur le plan juridique, on pourrait assimiler cette situation à une tutelle d'une collectivité sur une autre, à la différence de ce qui existe dans le droit commun, même outre-mer.

Je sais, même si je connais moins bien l'histoire de la Polynésie que certains de nos collègues ici présents, que cet état de fait s'explique par l'histoire : je n'ignore en effet pas que les communes y sont des constructions récentes, puisque les plus anciennes n'ont, parce qu'elles ont succédé aux districts qui étaient administrés par un chef nommé, que quelques décennies d'existence.

Il me semble cependant que nous pourrions, à l'occasion de l'examen de ces deux projets, suggérer au représentant de l'État de pratiquer une subsidiarité utile compte tenu de la situation particulière du territoire.

Cela étant, ces deux textes concrétisent sans nul doute de nombreuses avancées pour cet espace insulaire de la superficie – faut-il le rappeler – de l'Europe tout entière : création d'autorités administratives indépendantes, mutualisation des moyens pour la production et la distribution d'électricité et diversification des coopérations au sein de syndicats mixtes ouverts.

Bref, il s'agit d'avancées juridiques très importantes pour le développement de l'ensemble des territoires de la Polynésie.

Je voudrais en terminer par l'impératif écologique. L'exemple de l'assainissement est assez flagrant : s'il relève du champ de compétence des communes, celles-ci disposent encore, vous le savez, de trop peu de moyens pour l'assurer.

L'une des conséquences de cette situation est que toutes les communes de Polynésie – sauf Bora-Bora, pour des raisons d'attractivité touristique que l'on connaît – sont très en retard dans ce domaine et que les lagons sont touchés par la pollution.

On pourrait également s'interroger sur les moyens qui seront par exemple accordés à un atoll pour traiter de l'élévation du niveau de la mer résultant du changement climatique.

Nous voyons bien ici qu'au-delà de la loi, il faudra à mon sens à l'avenir asseoir des politiques publiques locales très volontaristes dans l'ensemble des territoires de la Polynésie.

Il se trouve que 2019 marque le dixième anniversaire de la convention signée le 9 octobre 2009 entre l'État et la Polynésie française en matière de développement durable et d'environnement.

Les dix ans de cette convention peuvent être l'occasion d'en dresser le bilan afin de trouver de nouveaux moyens, compte tenu de défis écologiques toujours plus présents.

Autre question cruciale et d'ailleurs toujours plus d'actualité : la prise en compte du risque, notamment celui lié aux inondations ou aux glissements de terrain.

Je n'ai pas le temps de développer ce point, puisque je vois que mon temps de parole est écoulé. Cette situation pose néanmoins la question de l'intervention des agences nationales comme l'Agence nationale pour la rénovation urbaine et l'Agence nationale de l'habitat.

Je vous avais d'ailleurs interrogé par écrit, madame la ministre, sur cette question et sur la particularité des collectivités de l'article 74 de la Constitution : ne faudrait-il pas se poser la question d'une agence spécifique qui interviendrait en matière d'insalubrité tant auprès des propriétaires occupants qu'auprès des propriétaires bailleurs ainsi que sur l'espace à restructurer ?

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