Intervention de Hélène Elouard

Réunion du mardi 26 mars 2019 à 17h30
Commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la république, quatorze ans après la loi du 11 février

Hélène Elouard, accompagnante d'élèves en situation de handicap (AESH) et animatrice du Collectif AESH national CGT :

Mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de nous recevoir.

Je suis représentante et animatrice du collectif AESH national de la CGT Éduc'action. Comme l'a dit Mme la présidente, ce collectif regroupe de nombreux collectifs AESH CGT Éduc'action dans toute la France. Au vu de la précarité de la fonction et des attentes des AESH, de nombreux collectifs se montent de plus en plus dans toute la France.

Je souhaite revenir sur les divers points qui ont été évoqués, comme les pratiques illégales, le décalage entre les notifications MDPH et la présence humaine effectivement mise à disposition, la précarité, et l'absence de formation professionnelle.

Comme vous le savez, la profession d'AESH est féminine à 90 %. Ce sont souvent des femmes seules, avec enfants, isolées, migrantes, ce qui accentue la précarité, la pression de l'institution, du personnel administratif et du corps enseignant ainsi que la difficulté des conditions de travail. Toutefois, le nombre de collègues hommes augmente, faute de trouver du travail ailleurs. Ensuite, ils apprennent que c'est un métier passionnant. J'y reviendrai.

Nous avons été desservis par le fait qu'après l'adoption de la loi de 2005, il a fallu recruter des personnels à la va-vite, en contrat unique d'insertion (CUI-CAE), qui n'avaient aucune formation, voire aucune affinité pour ce travail. Certaines et certains d'entre eux se sont donc retrouvés dans des situations d'échec face à un travail auquel ils n'avaient jamais été confrontés et qui n'était pas nécessairement en relation avec leur savoir-faire, leur qualification, voire leurs préférences, ce qui a entraîné une mauvaise vision de ce que peuvent être aujourd'hui la profession d'AESH, notre savoir-faire et nos compétences malgré notre absence de formation.

Le nombre d'AESH est très insuffisant face à la demande, d'abord en raison d'une carence des supports budgétaires pour les recruter, mais aussi parce qu'il est très difficile de recruter des personnels qui veulent bien faire ce travail précaire. Il se trouve que certains personnels de Pôle Emploi conseillent même de ne pas accepter cette fonction – je parle de fonction et non de métier car il n'y a pas de statut – en raison de sa trop grande précarité. Ensuite, il est difficile de garder les personnels en fonction au vu des conditions de travail très difficiles sur lesquelles je vais revenir, qui entraînent de nombreuses dépressions et démissions.

Une concertation du ministère a eu lieu jusqu'au mois de février, qui avait donné un peu d'espoir à certaines AESH. Mais au vu des résultats obtenus, beaucoup se demandent si elles ne vont pas cesser ce travail, ce qui est regrettable.

Comme vous le savez, les AESH sont majoritairement employées à temps partiel. Jusqu'à présent, il s'agissait de contrats à durée déterminée (CDD) d'un an renouvelables cinq fois – on se demande si on a vraiment besoin d'une période d'essai de six ans pour prouver qu'on est capable d'assurer cette fonction – qui vont devenir des CDD de trois ans renouvelables une fois, ce qui représente incontestablement une petite avancée. Toutefois, ce n'est pas suffisant. On se demande pourquoi on ne peut pas avoir plus facilement un contrat à durée indéterminée (CDI). Nous voulons être titularisées et avoir un statut de fonctionnaire afin de sécuriser l'emploi.

Quand nous bénéficions de CDI, ce sont des contrats à temps partiel, principalement pour une quotité horaire de 50% à 60%, ce qui représente en moyenne un salaire de 600 à 700 euros nets par mois. C'est très peu par rapport au travail que nous effectuons et à tout ce qu'on nous demande de faire.

Comme on peut avoir à s'occuper de deux élèves dans deux établissements différents, y compris dans la même journée, on est amené à se déplacer. Or ces déplacements entre deux écoles ne sont pas pris en charge, non plus que les déplacements lorsque nous devons suivre une formation. Pourtant, lorsque l'on est dans un département très rural, on peut faire cinquante kilomètres pour se rendre à une formation. Ce n'est pas facile pour quelqu'un qui gagne 600 euros par mois de devoir avancer les frais qui seront remboursés très tardivement – jusqu'à deux ans – voire pas du tout.

Les frais de repas en cas d'accompagnement de l'élève ne sont pas non plus remboursés. En effet, s'il est indiqué, dans le projet personnalisé de scolarisation (PPS), que l'on doit accompagner l'élève à la cantine, nous devons payer notre repas, ce qui est absolument scandaleux.

Les conditions de travail sont également totalement inadmissibles et dues aux abus de l'institution vis-à-vis de personnes exerçant un travail précaire. Jusqu'à présent, comme notre contrat était renouvelé chaque année, nous subissions des pressions pour assurer des missions que nous n'avions pas à faire. Chaque année, c'est une source d'angoisse pour l'AESH qui se demande si son contrat va être ou non renouvelé. Souvent même, il n'est renouvelé qu'à la fin du mois de juillet, voire à la fin du mois d'août. L'AESH se demande aussi si elle s'occupera du même élève que l'année précédente avec qui elle s'entendait bien ou si, tout à coup, on va lui attribuer un autre élève. Voilà quelques questions qui reviennent chaque année et qui sont extrêmement difficiles à vivre.

Les pressions viennent aussi des chefs d'établissement, des directeurs et directrices qui ont souvent l'autorité déléguée par rapport au rectorat – il y a deux formes d'employeurs : le rectorat et les établissements publics locaux d'enseignement (EPLE). Parfois, les directeurs et directrices en profitent largement. En raison de la précarité, on ne va pas nécessairement se battre, oser se battre, ou oser dire quelque chose.

Se pose aussi le problème des enseignantes et enseignants qui ne sont pas formés au handicap ni à travailler avec des AESH. Certains n'ont pas conscience de la fonction d'AESH, de leur savoir-faire et de ce qu'elles peuvent apporter au sein d'une classe. Cela entraîne des dérives incroyables. En général, beaucoup de dépressions sont dues aux mauvaises relations avec les enseignantes et les enseignants et les directrices et les directeurs – je parle ici de ce qui se passe dans le premier degré.

On confond souvent les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) et les AESH, ce qui fait que l'on demande à ces dernières de changer des couches, de faire du ménage ou encore de surveiller les élèves dans la cour de récréation. Or ce ne sont absolument pas les fonctions qui nous sont attribuées. Nous n'en avons ni la responsabilité, ni l'assurance. On nous demande aussi d'assister les enseignantes et enseignants dans leur classe, ce qui n'est pas non plus notre fonction.

On est même allé jusqu'à interdire à des AESH d'aller dans la salle des professeurs, qui est la salle du personnel. Dans les petites écoles, il y a une salle de classe où mangent tous les enseignantes et enseignants. Or parfois elles en sont exclues, et certaines AESH sont contraintes d'aller déjeuner dans leur voiture. De plus, on ne leur adressera pas la parole de toute la journée, on les reléguera dans un coin quand ce n'est pas l'enseignante ou l'enseignant qui les relègue dans un placard avec l'élève en situation de handicap et leur demande de calmer l'enfant pour qu'il puisse enseigner tranquillement.

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