Je vous sais gré, messieurs les ministres, de venir devant nous à l'issue du Conseil des ministres, mais il ne me paraît pas admissible que la commission des finances de l'Assemblée nationale soit finalement moins bien traitée par le Gouvernement que les médias. Depuis huit jours, ils disposent d'un certain nombre d'éléments d'information sur le programme de stabilité et, depuis hier, ils en ont la version définitive. Pour notre part, nous aurons dû attendre 10 heures 30 ce matin pour en disposer, tandis que le président Migaud s'exprimait devant nous. Outre le caractère sportif de l'exercice, qu'il a évoqué ce matin, le procédé est peu courtois à l'égard des députés.
Sur le fond, vous avez révisé vos prévisions de taux de croissance, désormais ramenées à 1,4 % pour chaque année jusqu'en 2022. Vous tenez probablement compte, ainsi, de l'avis du Haut Conseil des finances publiques, qui jugeait, l'an dernier, le scénario de finances publiques fondé sur une trajectoire de croissance optimiste.
Au cours de ces deux premières années de mandat, la croissance du PIB était plus forte, soit 2,3 % en 2017 et 1,6 % en 2018, mais vous avez augmenté les impôts sans vous attaquer à la dépense publique. Cela emporte plusieurs conséquences. Tout d'abord, le niveau des prélèvements obligatoires a continué à augmenter, atteignant 45 % du PIB. Selon les chiffres de l'OCDE et d'Eurostat, nous serions sur le podium si un championnat des pays au plus fort taux de prélèvements obligatoires était organisé ! Nous avons d'ailleurs dépassé le seuil des 1 000 milliards d'euros de prélèvements dès 2017, pour atteindre un montant prévu de 1 070 milliards d'euros cette année. En outre, le déficit continue de se creuser, atteignant le niveau record de 3,1 % du PIB en 2019, les dépenses publiques continuant à augmenter en volume de 0,2 %, après avoir crû de 1,4 % en 2017 et de 0,6 % en 2018. C'est une augmentation de 51 milliards d'euros en deux ans.
La dette, d'un montant de 2 147 milliards d'euros le 31 décembre 2016, s'est envolée pour atteindre un montant supérieur à 2 300 milliards d'euros, soit plus de 150 milliards d'euros supplémentaires.
Le plus grave est que vous visez à une baisse de l'endettement non plus de 5 points mais de 1,6 point de PIB au cours du quinquennat. Abandonnant votre objectif initial, vous ne nourrissez plus qu'une ambition trois fois moindre.
Vos choix nous interloquent quelque peu. Vous avez fait celui d'augmenter les impôts sans réduire la dépense au cours des années de forte croissance et, maintenant que la croissance est moindre, vous envisagez de baisser les impôts, sans non plus engager d'efforts en matière de dépense publique. Finalement, vous éloignez la France des objectifs à moyen terme de la loi de programmation.
Le Président de la République annoncera des mesures d'ici à quelques jours, qui ne seront pas neutres au regard du programme de stabilité. J'imagine que vous avez envisagé un scénario. Comment comptez-vous donc les financer ? Ferez-vous comme pour le financement des mesures d'urgence économiques et sociales prises à la fin de l'année dernière ? Et que se passerait-il si la France devait connaître une crise telle que celle de 2008 ? Serions-nous en mesure de réagir ?