Intervention de Bruno le Maire

Réunion du mercredi 10 avril 2019 à 13h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances :

Monsieur le président de la commission des finances, il n'aurait pas été honnête de ne pas tenir compte, dans le programme de stabilité, de la dégradation de la croissance mondiale. Toutefois, je constate que la France résiste mieux, car nos fondamentaux – l'investissement des entreprises, le commerce extérieur – demeurent solides et sont renforcés par nos choix de politique économique.

S'agissant de la dette publique, les chiffres que vous citez sont évidemment exacts. Nous allons ramener celle-ci de 98,4 % à 96,8 % de notre richesse nationale d'ici à 2022 ; nous indiquons donc à la Commission européenne une baisse de 1,6 point. Je maintiens néanmoins l'objectif d'une baisse de 5 points. J'ignore si la croissance future nous permettra de l'atteindre, mais j'observe que les cessions d'actifs de l'État dans les entreprises publiques représentent une baisse de 0,5 point du ratio d'endettement, ce qui n'est pas négligeable. Il est donc important de progresser également ainsi, point par point : la réduction de la dette publique ne se fait pas d'un coup d'un seul. Cette démarche justifie, me semble-t-il, les choix que nous avons faits.

Par ailleurs, si, en France, la croissance a été élevée, notamment en 2018, c'est en raison, non pas de l'injection d'argent public, qui n'est intervenue qu'en décembre 2018, mais de nos choix de politique économique. Je vous renvoie, à cet égard, au rapport de l'OCDE, qui est très clair. Lorsqu'elle prévoit 3,2 points de richesse nationale supplémentaires en dix ans, l'OCDE attribue 1,4 point à la nouvelle fiscalité sur le capital – prélèvement forfaitaire unique, suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune et autres décisions que nous avons prises fin 2017 –, 1,4 point à la réforme du marché du travail et aux ordonnances prises par Muriel Pénicaud et 0,4 point aux mesures du projet de loi PACTE visant à soutenir les PME et à améliorer le financement des entreprises. Si la croissance est soutenue, c'est donc d'abord parce que nous avons mené une politique de l'offre – que je revendique, car c'est bien l'offre française qu'il faut améliorer. La fiscalité du capital et l'évolution du marché du travail, à quoi s'ajoutent les mesures prises en faveur de la formation et de la qualification, doivent nous permettre d'atteindre notre objectif.

Monsieur le rapporteur général, le contrat de croissance que je propose pour la zone euro est, je le répète, vital. Tout d'abord, les ministres des finances ne peuvent pas contempler le ralentissement de la croissance en disant qu'ils ne peuvent rien faire – sinon, ce n'est pas la peine qu'ils fassent de la politique. Ensuite, le chacun pour soi n'est pas de mise. En effet, les membres de la zone euro sont solidaires parce qu'ils partagent la même monnaie et que la part des échanges commerciaux qu'ils réalisent entre eux atteint parfois 50 % à 60 % de la totalité de leurs échanges commerciaux respectifs. Ainsi, lorsque cela va mal chez l'un, il y a fort à parier que cela ira mal également chez l'autre. Enfin, si l'on ne travaille pas à la convergence et à la relance de la croissance, on court le risque de voir, à terme, la zone euro se disloquer. Nous ne pouvons donc pas – et je le dirai demain, en marge du G7, à mes homologues européens – rester les bras croisés face au ralentissement de la croissance ! J'ai évoqué un contrat ; il ne s'agit donc pas de demander à nos amis allemands, comme l'ont fait très souvent les ministres des finances français, de dépenser davantage. Il s'agit de proposer que, de notre côté, nous poursuivions notre effort de redressement des finances publiques et la transformation de notre modèle économique et social – assurance chômage, retraites, fonction publique – et que, de leur côté, ceux de nos amis dont la situation budgétaire est meilleure que la nôtre effectuent, parce que la solidarité l'exige, les dépenses d'investissement nécessaires pour améliorer la situation de la zone euro. Si le chacun pour soi doit l'emporter, ce n'est pas la peine d'être membre d'une union monétaire.

Sur le véhicule législatif, je ne peux pas me prononcer, car c'est le pilote qui décide du véhicule ; cela dépendra donc des décisions qui seront prises par le Président de la République.

Madame Peyrol, vous m'avez interrogé sur la charge de la dette. Un grand économiste français, Olivier Blanchard, a suscité un débat entre les économistes en affirmant récemment, dans un article très intéressant, que la dette est devenue un problème de second rang dès lors que les conditions de son financement sont plus accommodantes. Je ne partage pas ce point de vue. Certes, les conditions sont actuellement favorables : la BCE a annoncé qu'elle poursuivrait une politique accommodante alors qu'elle aurait dû l'interrompre ce printemps ; les taux à court terme sont négatifs, de l'ordre de moins 0,60 %, et ceux des titres supérieurs à un an sont de 0,53 %. Mais nous pouvons anticiper les effets, à l'horizon 2020, d'une politique qui deviendrait progressivement moins accommodante. C'est pourquoi nous avons prévu un relèvement des taux à dix ans de 75 points de base par an, ce qui les porterait de 1,25 % en 2019 à 3,5 % en 2022. J'estime, pour ma part, que la dette a toujours un coût et que la responsabilité politique exige d'anticiper une politique monétaire moins accommodante et un relèvement des taux. Le fait que nous puissions renouveler régulièrement le financement de la dette publique française à des taux plus bas ne doit pas nous exonérer de l'obligation de la réduire. C'est, en tout cas, la position du ministre des finances et du Gouvernement.

Madame Louwagie, je ne veux pas spéculer sur une possible crise financière de la même ampleur que celle de 2008. Je redis simplement que les États membres n'ont pas tiré toutes les conséquences de cette dernière et qu'ils mettent en péril la zone euro en ne prenant pas toutes les décisions nécessaires pour la consolider, qu'il s'agisse de l'union bancaire, de l'union des marchés de capitaux ou du budget de la zone euro, qui doit précisément nous permettre d'amortir les chocs. Sachez, par exemple, que, faute d'union bancaire, les règles nationales doublent celles du superviseur européen, de sorte que nous ouvrons tout grand le marché européen à nos compétiteurs américains. La part de marché des banques américaines et anglo-saxonnes en Europe est ainsi passée, en quelques années, et c'est fort regrettable, de 43 % à 47 %. Il est de notre responsabilité de réaliser l'union bancaire ; tous les éléments techniques sont sur la table, il suffit d'en avoir la volonté politique.

Monsieur Laqhila, comme Gérald Darmanin et moi-même l'avons indiqué dans nos interventions liminaires, le programme de stabilité que nous vous présentons n'inclut pas les décisions qui seront annoncées par le Président de la République la semaine prochaine ou dans les prochains jours.

Monsieur Bricout, le Brexit sans accord est devenue une possibilité et il aurait en effet un impact économique. Mais un report indéfini de la décision serait un poison lent pour la construction européenne. L'impact d'un Brexit sans accord se transmettrait par deux canaux : premièrement, les droits de douane, même si le Royaume-Uni a annoncé qu'ils seraient, dans leur grande majorité, supprimés ; deuxièmement, et c'est le point le plus important, les chaînes de production, qui rencontreraient des difficultés d'approvisionnement. C'est la raison pour laquelle, actuellement, beaucoup d'entreprises stockent massivement. Je citerai un exemple très concret : il serait compliqué pour Airbus de réaliser un avion sans les ailes, qui sont fabriquées au Royaume-Uni...

Madame Rubin, vous avez une drôle de définition de ce qu'est une politique d'austérité ! Je ne crois pas que nous menions une telle politique lorsque nous baissons les impôts de 12 milliards d'euros et que nous soutenons les personnes qui travaillent à travers la prime défiscalisée, la prime pour l'emploi, la suppression des cotisations d'assurance maladie et d'assurance chômage ou la défiscalisation des heures supplémentaires. Du reste, l'Observatoire français des conjonctures économiques, que l'on ne peut pas soupçonner de soutenir sans réserve le Gouvernement, indique lui-même que nos mesures sont favorables au pouvoir d'achat des ménages les plus modestes. Vous prétendez par ailleurs que notre politique serait inefficace en matière d'emploi. On peut toujours proclamer qu'il fait grand soleil lorsqu'il pleut. Le fait est que nous avons créé un demi-million d'emplois depuis 2017 et que, pour la première fois depuis 2009, le taux de chômage est passé sous la barre des 9 %. Je ne dis pas que c'est suffisant – le chômage reste le problème numéro un de la société française en matière économique –, mais nous sommes sur la bonne voie.

Monsieur de Courson, notre responsabilité n'est pas de dire que nous approchons du bas de cycle ; elle est de poursuivre la transformation économique du pays pour pouvoir précisément résister au ralentissement de la croissance et d'unir nos efforts à l'échelle européenne. Tel est, encore une fois, l'objectif du contrat de croissance que je propose.

Monsieur Coquerel, en ce qui concerne les emplois créés par les investissements étrangers, les chiffres que j'ai cités – 34 000 en 2017, 31 000 en 2018, et une augmentation de 20 % au cours des trois premiers mois de l'année 2019 – sont ceux de Business France.

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