Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi de transformation de la fonction publique que la commission des Lois examinera au début du mois de mai est une réforme attendue par nos concitoyens et par les 5,5 millions de femmes et d'hommes qui travaillent chaque jour pour le service public. Le titre de ce projet de loi poursuit une ambition très claire : transformer la fonction publique, non pas pour renier ses fondements, mais pour mettre en oeuvre les moyens nécessaires à sa modernisation.
Cet impératif de modernisation s'inscrit précisément dans un contexte où les fonctionnaires sont souvent la cible de critiques injustes et de stigmatisations qui alimentent un climat de défiance nauséabond. Nous devons toutes et tous être fiers de notre fonction publique et des agents qui y travaillent : leur engagement au service de l'intérêt général doit être salué. Quel que soit leur domaine d'intervention, au sein de l'État, dans les collectivités ou à l'hôpital, nous pouvons compter sur leur professionnalisme et leur dévouement en faveur du bien public. Ils sont les chevilles ouvrières de nos décisions politiques, dans un souci de neutralité, d'expertise et de service. Il me paraît particulièrement important de le rappeler, à l'heure où il est parfois trop courant et trop facile de participer à un exercice stérile de « fonctionnaire-bashing » d'autant plus insupportable qu'il méconnaît la réalité.
Nous construisons cette réforme avec eux, pour eux ; ne laissons pas croire que nous oeuvrons contre eux. Aucune réforme ne rayonne lorsqu'elle est portée contre une partie de nos concitoyens. Ce texte et le travail parlementaire à venir oeuvrent à libérer, à protéger et à unir. Monsieur le secrétaire d'État, ce texte a fait l'objet d'un long cycle de concertations que vous avez conduites depuis plus d'un an, entre autres avec les organisations syndicales et les représentants des employeurs des trois versants de la fonction publique. Les enjeux qui entourent cette réforme sont nombreux. Ils suscitent à la fois des espoirs, mais aussi des inquiétudes. Notre devoir collectif est d'y répondre, dans le cadre d'un débat parlementaire approfondi qui, je l'espère, sera à la hauteur des défis auxquels la fonction publique est aujourd'hui confrontée.
Je ne reviendrai pas dans le détail sur chacune des mesures que contient ce projet de loi, qu'il s'agisse de la réforme des instances de concertation, du développement du recours au contrat, de la mobilité, de l'accompagnement des transitions professionnelles ou des mesures en faveur de l'égalité.
À titre personnel – et je pense que la plupart de mes collègues partagent cet avis –, je me félicite de l'exemption du jour de carence pour les femmes enceintes prévue par l'article 32. C'est une avancée concrète, que j'appelais de mes voeux depuis près de deux ans.
D'autres avancées sont indispensables. Les nombreuses auditions que je mène en tant que rapporteure soulignent un besoin de clarification ou d'approfondissement du texte.
Développer une véritable stratégie managériale dans la fonction publique n'est pas un gros mot. Comme je l'ai déjà souligné dans l'avis budgétaire que j'ai rendu sur le programme « Fonction publique » du projet de loi de finances pour 2019, le management n'est pas un concept réservé à la sphère privée : parce que les fonctionnaires mettent en oeuvre nos politiques publiques, le sens de l'action doit être porté ; la situation et les envies des agents doivent être entendues. C'est une réalité du quotidien – notamment dans les services publics de proximité – que vivent chaque jour des milliers d'agents publics qui exercent des fonctions d'encadrement technique ou intermédiaire. Les prochaines semaines seront utiles afin de réfléchir aux propositions que j'aurais l'opportunité de vous présenter lors de l'examen du texte en commission des Lois, qu'il s'agisse d'outils supplémentaires ou de dispositifs d'évaluation.
À ce stade, monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais vous interroger sur plusieurs sujets essentiels abordés par le projet de loi. L'article 22 entend habiliter le Gouvernement à prendre différentes mesures relatives aux modalités de recrutement, à la formation, au développement d'une culture commune et à la mobilité des trois versants de la fonction publique. Pouvez-vous nous préciser vos intentions en la matière ? Cette question touche également aux évolutions relatives à la haute fonction publique : quelles sont les perspectives envisagées par le Gouvernement ?
Par ailleurs, en lien avec la réforme de l'apprentissage dans le secteur privé qui modifie notamment les modalités de financement, quels sont les engagements du Gouvernement afin de garantir le développement de l'apprentissage dans la fonction publique ?
L'article 17 habilite le Gouvernement à réformer par ordonnance les règles relatives à la protection de la santé des agents publics. Pouvez-vous nous préciser quelles avancées pourront être opérées en matière de médecine préventive et de complémentaire santé ?
L'article 6 du projet de loi pose le principe d'un égal accès à l'emploi public applicable au recrutement contractuel. Un décret précisera les modalités de cette procédure. Cela inquiète les employeurs publics. Quels en seront les contours ?
Enfin, promouvoir l'égalité des chances doit constituer l'un des piliers de notre action. L'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que tous les citoyens « sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics ». Il nous appartient de faire davantage en ce domaine. Je me réjouis que le titre V du projet de loi apporte de nombreuses garanties en matière d'égalité professionnelle, afin de réduire les inégalités qui minent la carrière des agents. Mais, monsieur le secrétaire d'État, ne pourrait-on pas aller plus loin, en renforçant par exemple le dispositif des classes préparatoires intégrées aux écoles du service public, afin de consacrer une véritable égalité des chances ?