Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du jeudi 11 avril 2019 à 9h30
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics :

Je veux tout d'abord rappeler que le projet de loi pour la transformation de la fonction publique est l'aboutissement de quinze mois de concertation, tant avec les organisations syndicales qu'avec les employeurs territoriaux et hospitaliers et les représentants des différents ministères. Ces centaines d'heures de discussions ont permis de dresser la liste des points de convergence qui ont été introduits dans le texte, même si subsistent, bien entendu, quelques désaccords sur certains chapitres ou articles.

Dans le cadre de cette concertation, nous avons travaillé avec les neuf organisations syndicales représentatives et avec les employeurs territoriaux et hospitaliers dans une logique de co-construction. C'est pourquoi un certain nombre des dispositions des quatre premiers titres du projet de loi établissent une différenciation entre la fonction publique territoriale et les deux autres versants de la fonction publique.

La question de l'égalité entre les femmes et les hommes a fait, quant à elle, l'objet d'un cycle de négociations parallèle aux travaux préparatoires du projet de loi. Un bilan de l'accord du 8 mars 2013 en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique a d'abord été dressé au premier semestre de l'année 2018. Puis s'est ouverte, à la rentrée 2018, une négociation formelle avec les organisations syndicales et les employeurs publics, négociation qui s'est conclue par la signature d'un protocole d'accord le 30 novembre 2018. Ce protocole a été signé par l'intégralité des employeurs : l'État, bien entendu, l'ensemble des employeurs hospitaliers et l'ensemble des employeurs territoriaux. Toutes les associations représentatives des collectivités, c'est-à-dire non seulement les trois plus connues – l'Association des maires de France (AMF), Régions de France et l'Assemblée des départements de France (ADF) – mais aussi celles qui regroupent les collectivités par strate – l'Association des maires ruraux de France (AMRF), l'Association des petites villes de France (APVF), France urbaine, Villes de France, l'Assemblée des communautés de France (AdCF) – ont accepté de signer ce protocole.

Il a également été signé par sept des neuf organisations syndicales, ce qui lui confère un caractère majoritaire, puisque ces sept syndicats regroupent plus de 58 % des suffrages exprimés et qu'ils sont représentés au sein du conseil commun de la fonction publique. Quant aux deux syndicats qui n'ont pas signé, l'un d'entre eux, Force Ouvrière (FO), a fait le choix de ne participer à aucune des réunions de préparation ; l'autre, la Confédération générale du travail (CGT), a participé à l'ensemble de ces réunions, mais a considéré ne pas être en mesure, pour des raisons qui lui appartiennent et qui sont essentiellement liées à sa ligne politique, de signer un accord avec le Gouvernement, même si leurs représentants ont convenu que ce texte comportait des avancées.

J'avais pris le double engagement, d'une part, de traduire l'ensemble des dispositions du protocole par voie réglementaire lorsque cela est possible – c'est ce que nous faisons – et, d'autre part, d'inscrire celles de ces dispositions qui relèvent de la loi dans le projet de loi de transformation de la fonction publique. J'avais en effet insisté sur le fait – et cela explique le calendrier de concertation et de négociation – que ce texte offrait l'opportunité d'adopter rapidement ces dispositions législatives. Plusieurs de ses articles, regroupés dans le titre V, reprennent donc des mesures du protocole du 30 novembre.

Quelles sont les principales dispositions législatives relatives à l'égalité entre les femmes et les hommes ?

En premier lieu, les employeurs publics auront l'obligation d'élaborer avec les organisations syndicales représentatives un plan d'action relatif à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes qui devra être mis en place d'ici le 31 décembre 2020. Ce plan devra préciser les actions à conduire en matière de prévention et de traitement des inégalités salariales, et ce, sous peine d'une sanction financière pouvant atteindre 1 % de la rémunération brute annuelle de l'ensemble des personnels concernés. Il sera bâti au regard des éléments de constat figurant dans les rapports de situation comparée. Afin d'accompagner les employeurs publics et les organisations syndicales dans l'élaboration de ce plan d'action, une méthodologie commune d'évaluation des écarts de rémunération est prévue ainsi qu'un référentiel de plan d'action. Je précise que cette méthodologie commune a été présentée aux organisations syndicales le 8 mars 2019 afin que celles-ci puissent en discuter avec nous. Elle s'appuie sur un nombre de critères et d'indices bien supérieur à celui retenu pour le référentiel du secteur privé prévu dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Nous voulons, grâce à ce plan d'action, structurer la démarche d'égalité professionnelle et l'installer dans la durée. En effet, nous avons fait le triste constat que, très souvent, dans les organisations publiques, l'égalité professionnelle femmes-hommes était soutenue par des militants et des militantes, sans que cette question soit suffisamment institutionnalisée. Nous estimons que le fait de l'inscrire dans la gouvernance et de l'intégrer dans les compétences des instances permettra de la faire perdurer, sans avoir à craindre l'essoufflement ou la mobilité des militantes et des militants.

En second lieu, le projet de loi tend à prohiber les comportements de violence sexuelle, de harcèlement ainsi que les agissements sexistes et à contraindre les employeurs publics, dans les trois versants de la fonction publique et au plus près des territoires, à mettre en oeuvre des dispositifs de signalement de ces comportements. Plusieurs ministères se sont déjà dotés de cellules ou de référents, suite à la circulaire de mars 2018 que Marlène Schiappa et moi avons cosignée. Ces cellules et ces référents ont parfois été externalisés, de manière à en garantir l'objectivité et à permettre aux personnes concernées d'y avoir un accès discret. L'objectif est d'orienter les agents vers les autorités compétentes en matière d'accompagnement et de soutien. Une disposition particulière a été prévue pour la fonction publique territoriale. En effet, dans la mesure où il est difficile aux collectivités de petite taille de mettre en oeuvre de telles procédures, nous allons nous appuyer sur les centres de gestion pour proposer des dispositifs mutualisés aux collectivités qui y sont affiliées ou à celles qui en feraient la demande.

En troisième lieu, nous allons renforcer les dispositions de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dite « loi Sauvadet », qui imposent de procéder à des nominations équilibrées aux emplois de direction. Ce dispositif a en effet montré son efficacité puisque, pour les emplois relevant de la décision du Gouvernement, comme pour les emplois de direction de l'administration territoriale de l'État ou les emplois de direction de la fonction publique hospitalière, nous avons dépassé, pour la première fois en 2018, l'objectif fixé par le législateur de nommer au moins 40 % de personnes de chaque sexe. Cependant, nous devons poursuivre et amplifier les actions concernant les emplois d'encadrement supérieur de l'État et les emplois de direction dans la fonction publique territoriale car, dans ces secteurs, nous n'obtenons pas les mêmes résultats, les obligations n'étant pas les mêmes. Le projet de loi vise donc à étendre le dispositif des nominations équilibrées aux emplois de direction des établissements publics de l'État nommés en Conseil des ministres ainsi qu'aux emplois de direction des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) comptant entre 40 000 et 80 000 habitants et aux emplois de direction du centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Par ailleurs, nous fixons un objectif de progression de la parité sur la population en poste – qu'on appelle parfois, de manière assez inélégante, le « stock » –, avec la mise en oeuvre d'actions dédiées dans les plans d'action des ministères, des collectivités et des établissements de santé.

Il est prévu de ne pas appliquer la pénalité financière à l'administration, la collectivité ou l'établissement qui aurait déjà atteint l'équilibre sur la population en poste et qui ne respecterait pas cet équilibre sur les nominations en flux. Nous considérons en effet que le fait pour un établissement public d'avoir atteint l'objectif ultime de ces dispositions en ayant, dans ses effectifs, une répartition équilibrée entre les femmes et les hommes, le dispense, d'une certaine manière, de l'obligation d'atteindre formellement l'objectif concernant les flux, c'est-à-dire les nominations. Néanmoins, il est bien évident que si celles-ci avaient pour conséquence de provoquer un nouveau déséquilibre du stock, le dispositif reprendrait sa force et sa vigueur.

Le projet de loi impose également une nouvelle obligation en matière d'avancement équilibré. Nous avons fait le constat que les difficultés que nous pouvions rencontrer, notamment au sein de l'État, pour atteindre l'objectif de 40 % de nominations de femmes sur des emplois de direction et d'encadrement – c'est le cas, par exemple, de la direction générale des finances publiques – s'expliquaient par le fait que le vivier des candidats susceptibles d'être nommés à ces emplois de direction était excessivement masculin. Pour remédier à cette situation, nous souhaitons agir sur la question des avancements et des promotions au choix. En effet, il n'est pas acceptable que lorsqu'un établissement public accueille 80 % de femmes dans ses effectifs, ces avancements bénéficient, à 70 % ou 80 %, à des hommes. Leur répartition entre les femmes et les hommes devra donc être représentative de la répartition au sein des effectifs de l'établissement ou du corps concerné.

Cette nouvelle obligation nous permettra, nous l'espérons, de constituer des viviers de candidats et de candidates plus représentatifs de manière à atteindre plus facilement les objectifs fixés pour les emplois de direction. J'ajoute que son respect pourra être vérifié, puisque les lignes directrices de gestion établies en matière de mobilité, de promotion ou de valorisation des parcours devront tenir compte de cette garantie nouvelle dans toutes les structures. Le rapport de situation comparée sera l'occasion de faire le point sur le respect de cette obligation et sur les efforts consentis en faveur du respect de la parité et de l'équilibre des nominations. Il faut souligner, à ce sujet, que la plus grande transparence sera assurée sur les choix faits, car les parts respectives des femmes et des hommes dans le vivier des agents « promouvables » et parmi les agents inscrits sur le tableau d'avancement seront rendues publiques avec celui-ci. Ainsi tout un chacun pourra vérifier que cette obligation de répartition équilibrée a été respectée.

En quatrième lieu, le titre V du projet de loi prévoit de nouvelles garanties pour que la parentalité ne soit plus un motif de discrimination ni une source d'inégalité salariale entre les femmes et les hommes. D'une part, nous allons supprimer le jour de carence pour maladie entre la déclaration de grossesse et le départ en congé maternité. D'autre part, dans la fonction publique territoriale, nous allons garantir le maintien intégral du régime indemnitaire versé par les collectivités et leurs établissements publics pendant les périodes de congé maternité, de congé parental pour adoption et accueil d'enfants. C'est déjà le cas dans les autres versants de la fonction publique. En revanche, dans la fonction publique territoriale, les collectivités doivent formellement délibérer pour maintenir le régime indemnitaire des femmes concernées. Beaucoup de collectivités le maintiennent sans avoir délibéré, mais certaines d'entre elles suppriment le versement, au motif qu'elles n'ont pas délibéré ou ne veulent pas délibérer sur ce point. Nous allons donc garantir, par la loi, le maintien de l'intégralité des rémunérations des agents concernés.

Enfin, les droits à avancement et promotions seront intégralement maintenus pour les agents qui sollicitent le bénéfice d'un congé parental ou d'une disponibilité pour élever un enfant, et ce dans la limite de cinq ans à l'échelle d'une carrière. Il s'agit d'en finir avec la situation actuelle, dans laquelle ces droits sont réduits dans le cas d'un congé parental et gelés dans le cas d'une disponibilité. Dans le cas d'un congé parental de trois ans, le droit à avancement est en effet aujourd'hui maintenu à 100 % pendant la première année et à 50 % pendant les deuxième et troisième années. Il arrive de ce fait qu'un homme et une femme en couple, entrés la même année dans la fonction publique hospitalière avec la même formation aient, au bout de quinze ou vingt ans d'expérience, une différence de salaire qui s'explique par le fait que la femme a fait valoir son droit à deux congés parentaux et a ainsi franchi les échelons moins rapidement que son compagnon.

Enfin, nous souhaitons veiller à l'égal accès des hommes et des femmes aux métiers, aux corps et aux cadres d'emploi dans la fonction publique. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons améliorer et clarifier les règles de composition équilibrée des jurys et des comités de sélection ainsi que les règles de présidence alternée de ces mêmes jurys et comités de sélection. La mixité des recruteurs est en effet importante pour garantir la neutralité et l'efficacité du processus de recrutement.

Telles sont les principales dispositions législatives du projet de loi qui viennent compléter les dispositions réglementaires prévues pour décliner l'accord sur l'égalité entre les femmes et les hommes.

Je veux préciser un point qui peut faire débat. L'obligation de formaliser des plans de réduction des inégalités, assortie d'une sanction si ces plans ne sont pas mis en oeuvre d'ici à 2020, s'appliquera à l'ensemble des employeurs publics hospitaliers, à l'ensemble des établissements et des services de l'État, ainsi qu'aux collectivités locales qui comptent plus de 20 000 habitants. La discussion que nous avons eue avec les organisations syndicales et les employeurs territoriaux nous avait conduits à prévoir, dans le protocole, que cette obligation s'appliquerait aux collectivités comptant plus de 40 000 habitants. Mais, lors de la consultation des instances de représentation, notamment le conseil commun de la fonction publique et le CNFPT, l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) a souhaité ramener ce seuil à 20 000 habitants. Les représentants des employeurs présents au sein de cette instance ont accepté cette proposition. Ce faisant, ils ont cependant adopté une position, je dois le dire, un peu orthogonale avec celle des associations ayant signé le protocole. C'est un point qu'il faut avoir en tête, car il peut susciter des discussions avec les employeurs concernés.

Néanmoins, il convient de préciser que si l'obligation de formaliser un plan s'applique à partir de 20 000 habitants, l'intégralité des dispositions relatives à la lutte contre les discriminations et les violences, à l'accès aux responsabilités, à une répartition équilibrée entre les femmes et les hommes dans les promotions et l'avancement et à la réduction des inégalités salariales s'appliquera à l'ensemble des collectivités, y compris celles dont le ressort géographique comprend moins de 20 000 habitants. La seule différence entre les unes et les autres porte sur l'obligation de formaliser ce plan. Toutes les autres dispositions contraignantes prévues par le protocole s'appliquent bien aux collectivités, indépendamment du seuil démographique.

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