En ce qui concerne la constitution des indicateurs de mesure de l'égalité, je tiens à souligner le travail de méthodologie qui est en cours, notamment sur les questions d'inégalité salariale et de déroulement de carrière. La méthodologie présentée aux organisations syndicales le 8 mars dernier a été très bien accueillie, dans la mesure où elle est précise et adaptée à un certain nombre de spécificités de la fonction publique.
S'agissant du rapport de situation comparée, tout ce qui contribue à une lecture globale, simple et à un alignement entre public et privé nous paraît aller dans le bon sens. Nous sommes donc ouverts à la redéfinition de ce rapport, dès lors qu'il s'agit d'améliorer l'exploitation des données partagées avec l'ensemble des parties prenantes. L'établissement d'une synthèse comportant cinq indicateurs nous paraît une bonne piste ; néanmoins, il relève du niveau réglementaire, voire d'un texte d'application. Je vous propose donc que nous l'évoquions avec les partenaires sociaux, notamment les employeurs publics, et qu'au-delà des suites que nous pourrons donner à votre recommandation, nous ayons, avec votre Délégation, un échange sur ces questions.
Votre proposition concernant le fonds en faveur de l'égalité professionnelle soulève davantage de difficultés. Ce fonds, créé en application des dispositions du protocole du 30 novembre 2018 dans les trois versants de la fonction publique, est alimenté, pour partie, par les pénalités appliquées en cas de non-respect des obligations fixées par le législateur, tant en matière de nomination équilibrée que, demain, de mise en oeuvre d'un plan d'action. S'agissant de la fonction publique de l'État, le fonds a été créé par une circulaire publiée il y a maintenant quelques semaines ; il relève du programme 148 « Fonction publique » du budget de l'État. Le fonds doit permettre de cofinancer des actions menées par les ministères et les établissements publics de l'État ; il est alimenté par les crédits du programme 148 et par l'affectation d'une partie des pénalités versées par les ministères. Nous avons prévu qu'il puisse également financer des actions en matière d'égalité professionnelle menées avec des partenaires issus d'autres versants de la fonction publique, notamment des actions de formation, de communication ou de structuration de réseau. En effet, la fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale ne disposent pas actuellement d'un outil de financement de ces actions équivalent à celui de la fonction publique de l'État. Dans une logique d'amorçage et d'accompagnement, nous avons donc autorisé le fonds de la fonction publique de l'État à financer ce type d'actions, à condition, évidemment, que ce soit dans le cadre d'un partenariat – nous n'allons pas financer des actions propres à la fonction publique territoriale ou à la fonction publique hospitalière.
Le fonds sera alimenté – pour partie seulement, car ce serait insuffisant – par les pénalités récoltées au titre de l'année 2018. Un premier appel à projets est en cours ; ceux-ci seront sélectionnés entre le mois de mai et le mois de juin prochains. Dans la mesure où les deux autres versants de la fonction publique ont à peine entamé la réflexion sur les conditions de création de leurs fonds respectifs, il nous paraît un peu précoce d'inscrire dans la loi les modalités concrètes de financement ou d'affectation. Sur le principe, je n'y suis pas défavorable : cela aurait une vertu pédagogique. Mais il me paraît plus utile d'attendre de savoir comment les fonctions publiques territoriale et hospitalière vont structurer cet outil spécifique de financement avant d'adopter des dispositions législatives dans ce domaine. Peut-être l'examen du programme 148 notamment, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2020, nous permettra-t-il d'avancer, en fonction des progrès de la concertation.
Quant au dispositif de signalement des actes de violence et de harcèlement, nous voulons en effet le généraliser et le systématiser. Les administrations, les collectivités et les établissements soumis à l'obligation d'élaborer un plan d'action devront intégrer ce dispositif. Ainsi, le simple fait de vérifier la réalité de l'existence d'un plan d'action permettra de s'assurer qu'un dispositif de signalement a bien été prévu et, le cas échéant, de sanctionner les employeurs publics qui n'auraient pas respecté cette obligation. Dans la fonction publique territoriale, ce dispositif sera mis en place par les centres de gestion, de sorte que le contrôle exercé sur ces derniers nous permettra de vérifier que cette obligation est bien respectée. Dans la fonction publique hospitalière, une mutualisation est envisagée, par exemple au niveau des groupements hospitaliers de territoire. Il nous semble que de telles solutions mutualisées devraient être choisies pour la sphère sociale et médico-sociale, dans la mesure où la fonction publique hospitalière comprend de très nombreux établissements, notamment des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ou des structures médico-sociales, qui ont des effectifs de petite taille. Pour notre part, nous ne sommes pas hostiles à ce que les dispositifs de signalement soient, autant que possible, mutualisés ; la rédaction actuelle du projet de loi n'y fait pas obstacle, au contraire : nous souhaitons l'encourager aussi vivement que possible.
La loi prévoit, depuis 2012, des dispositions imposant le principe de nominations équilibrées aux emplois de direction. Le projet de loi franchit un cap en imposant, en sus du maintien du dispositif de primo-nominations équilibrées – qu'on appelle parfois le « thermomètre initial », en référence à l'accord de 2013 –, aux employeurs publics de tendre progressivement vers un équilibre s'agissant de la population en poste. En outre, nous voulons agir en amont sur la constitution des viviers de candidats en assurant une répartition équilibrée entre les femmes et les hommes des avancements et des promotions au choix, afin de corriger les déséquilibres constatés par grade. C'est une avancée d'autant plus considérable que le respect de cet équilibre sera vérifiable grâce à la publication, d'une part, de la répartition des effectifs concernés et « promouvables » et, d'autre part, de la répartition des effectifs effectivement promus. Cependant, ces mesures n'épuisent pas le sujet de l'accès aux responsabilités et du déroulement de carrière des femmes. C'est pourquoi nous allons revoir les règles de recrutement et de formation des agents de catégorie A, ainsi que la structuration des parcours de carrière ; c'est l'objet de l'ordonnance prévue à l'article 22, qui concernera également la haute fonction publique.
Nous allons également nous pencher sur la place du concours interne. Je précise que l'organisation des concours, les types de concours et la nature des épreuves relèvent d'un chantier réglementaire. Nous nous sommes engagés, avec Gérald Darmanin, en lien avec les organisations syndicales et les employeurs, à mettre à profit l'année 2019 pour ouvrir une véritable concertation sur la question des concours et des recrutements avec la volonté, d'une part, de rendre les métiers et les concours plus attractifs et, d'autre part, d'adapter ces derniers à des filières qui peuvent s'apparenter actuellement à des pré-recrutements.
Prenons l'exemple de l'apprentissage. Aujourd'hui, un établissement public qui accueille un apprenti est moins aidé qu'un établissement du secteur privé car il ne bénéficie pas d'exonérations de cotisations ou de primes de recrutement. Surtout, pour un agent public diplômé qui souhaite rester dans la collectivité ou l'établissement public à la fin de son cycle d'apprentissage, les seules options ouvertes sont une stagiairisation au dernier échelon de la catégorie C, ce qui n'est pas attractif, ou le concours externe pour le nommer à des emplois correspondant mieux à sa formation. Or la formation par apprentissage ne prédispose pas à la réussite du premier groupe d'épreuves, très académiques. Les diplômés en apprentissage y sont en concurrence avec les diplômés du secteur universitaire ou de filières générales, dont le taux de réussite au premier groupe d'épreuve est supérieur, alors que les apprentis ont une meilleure qualification professionnelle.
Le texte aborde un autre chantier, dont l'aspect réglementaire doit encore faire l'objet de concertations : la neutralisation des conséquences de la vie familiale sur les carrières. Les périodes de congé parental ou de grossesse sont déjà neutralisées, mais nous pouvons aller plus loin.
Dans le cadre de l'accompagnement des mobilités et des dispositifs de reclassement prévus dans d'autres dispositions du projet de loi, nous souhaitons améliorer l'accompagnement des conjoints et des conjointes. Lorsqu'une mutation professionnelle est imposée à un membre du couple, il est plus fréquent que la femme suive son compagnon que l'inverse. Nous pouvons regretter cet état de fait, mais il s'impose à nous. Le 27 mars 2019, nous avons publié un décret sur les questions de mobilité qui répond en partie à cette situation : le régime de la disponibilité pour convenance personnelle a été aligné sur celui du détachement. Lorsqu'un agent titulaire de la fonction publique va occuper un poste en détachement, sa carrière est garantie et son déroulement de carrière est préservé. Mais lorsqu'il demande une disponibilité pour convenance personnelle – pour élever un enfant à la suite d'un congé parental ou parce que son conjoint ou sa conjointe a fait l'objet d'une mutation forcée et qu'il doit le suivre sans nécessairement trouver un poste disponible – l'avancement est gelé.
Le décret du 27 mars prévoit que pour une durée maximale de cinq ans, et à condition de revenir au sein de l'administration d'origine dans ce délai, l'avancement et le droit à la promotion sont préservés au bénéfice de l'agent qui demande une mise en disponibilité. Nous encouragerons ainsi les expériences dans le secteur privé en favorisant le retour de l'agent public dans son administration d'origine, et nous permettrons que celles et ceux – souvent celles – qui font valoir leur droit à une disponibilité personnelle pour un projet familial ou une mobilité géographique imposée du conjoint, ne soient pas pénalisés dans leur déroulement de carrière pendant ce laps de temps.