Lorsqu'on analyse un système énergétique, il ne faut pas perdre de vue, au-delà de la consommation annuelle, la problématique de la pointe énergétique liée à l'ensemble des usages à un instant T. Or le constat est simple : la pointe hivernale en France est globalement quatre fois plus élevée que la consommation d'été, ce qui pose d'emblée la question du stockage de l'énergie, question d'autant plus cruciale que l'on s'inscrit dans une logique de décarbonation.
Permettez-moi ici une incidente de pur bon sens : si nous avons besoin en France de plus d'énergie en hiver qu'en été, c'est tout simplement qu'il y a moins de soleil en hiver qu'en été… Ce qui, selon moi, donne une idée de ce qui ne peut pas être une solution pour atteindre la décarbonation totale, quand bien même on peut continuer de développer la production d'énergie thermique ou électrique à partir de solaire !
Cette pointe hivernale, il existe différents moyens de l'atténuer, grâce notamment à des opérations d'efficacité énergétique, en particulier dans le secteur du bâtiment. Néanmoins, on ne la fera jamais totalement disparaître pour des raisons évidentes : quelle que soit l'évolution du réchauffement climatique, je ne sache pas que l'orientation de l'axe de la Terre par rapport au Soleil soit susceptible de se modifier dans les prochaines décennies…
Cela étant dit, compte tenu de la part prépondérante du gaz dans l'équilibre énergétique de notre pays, si l'on souhaite décarboner notre consommation énergétique, il est indispensable d'envisager la décarbonation du gaz.
Permettez-moi de vous livrer ici quelques ordres de grandeur, qui illustrent le risque qui existe, au-delà des contraintes de stockage saisonnier, à trop se polariser sur une électrification des usages. Dans les années 2016-2017, la consommation de gaz servant à produire de l'électricité – environ 73 ou 74 térawattheures – a représenté pratiquement la moitié de la consommation de gaz dans le secteur résidentiel, soit 155 térawattheures.
Sachant que le rendement de la production d'électricité à partir de gaz centralisé offre un rendement deux fois moindre que celui de la production d'énergie à partir de chaudières à gaz performantes qui chauffent directement un logement, on aboutit au paradoxe suivant : pour économiser la consommation de gaz dans le pays, il est préférable, en l'état actuel des choses, d'isoler les logements chauffés à l'électricité plutôt que les logements chauffés au gaz… Cette photographie peut évidemment changer dans les années à venir mais, dès lors que l'on parle de réduire au plus vite, et non en 2050, les meilleurs effets de levier se retrouvent dans l'amélioration de l'efficacité énergétique partout, mais tout spécialement dans les usages électriques : on a donc besoin d'un volant très significatif de gaz, y compris en base annuelle, pour faire fonctionner le système électrique.