Intervention de édouard Sauvage

Réunion du mardi 9 avril 2019 à 10h30
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

édouard Sauvage, directeur général de GRDF :

Nous sommes le lendemain du 8 avril, date importante pour les industries électriques et gazières car elle marque l'anniversaire de la loi du 8 avril 1946 qui a décidé de la nationalisation des entreprises privées de distribution d'électricité et de gaz, tout en maintenant un modèle concessif. Nous vivons encore avec ce modèle, dans lequel les autorités concédantes ont le choix de leur concessionnaire dès lors qu'elles gardent le concessionnaire qui existait en 1946. Sachant que là où il n'existait pas de desserte du gaz, nous fonctionnons aujourd'hui avec des délégations de service public classiques, avec appels d'offres et concurrence sur le choix du concessionnaire.

Le modèle de distributeur national unique est-il efficace ? Il n'est pas toujours facile d'établir des comparaisons internationales avec les entreprises locales de distribution ou d'autres distributeurs, notamment avec les Stadtwerke en Allemagne, car leur comptabilité ne sépare pas toujours nettement gaz, électricité et les autres services qu'ils peuvent rendre tels que les réseaux de chaleur. Mais toutes les études de benchmarking du régulateur montrent que nous sommes plus efficaces que ceux auxquels nous sommes comparés.

Lors de nos discussions avec le régulateur sur les tarifs, le consultant qui travaillait pour la CRE avait établi une courbe de régression en fonction du nombre de clients laissant apparaître que le coût unitaire des petits distributeurs était très élevé, et comme nous avons beaucoup de clients, il en déduisait que notre coût unitaire devait être très bas. Si évidemment nous sommes plus efficaces que de petits distributeurs, le modèle a des limites, on ne peut imaginer appliquer systématiquement un facteur dix. Compte tenu de la robustesse du réseau gazier et du fait que les consommations énergétiques, notamment dans le résidentiel, sont en réduction régulière grâce à l'efficacité énergétique, chaque client nouveau représente un coût marginal presque nul pour le réseau. Nous avons donc un modèle extrêmement vertueux et efficace, et nous sommes convaincus que son maintien sera une bonne solution en termes de pouvoir d'achat.

J'en profite pour rappeler que l'efficacité énergétique est la clé de la décarbonation. Remplacer les vieilles chaudières à gaz par des chaudières plus efficaces offre un gain immédiat aux consommateurs en réduisant leur consommation d'environ 30 %. Si la France avait le parc de chaudières à gaz des Pays-Bas, nous économiserions pas loin de 50 TWh, soit presque 10 % de la consommation. Nous avons calculé l'efficacité du coût de remplacement d'une ancienne chaudière gaz ou – mieux encore – d'une chaudière fioul par une chaudière à haute performance énergétique, et la tonne de CO2 évitée revient entre 40 et 60 euros.

Nous sommes absolument convaincus que si nous pouvions mener cette analyse du coût en euros pour une tonne de CO2 évitée pour les différentes politiques possibles, le remplacement de vieilles chaudières par des chaudières neuves apparaîtrait comme l'une des mesures les plus efficaces. À cet égard, nous nous réjouissons que le Gouvernement ait mis en place un CEE « Coup de pouce », l'équivalent d'une prime à la casse des vieilles chaudières, et nous sommes tout à fait convaincus que dans les zones desservies en gaz, remplacer les chaudières à fioul par des chaudières à gaz sera la solution la plus efficace pour réduire le bilan carbone et éviter de créer une tension sur la pointe du réseau électrique.

L'acceptabilité des projets de méthanisation souffre toujours du même phénomène : on est toujours d'accord en général, mais jamais quand cela se fait à côté de chez soi… Je rappelle que les conclusions du débat public sur la programmation pluriannuelle de l'énergie plaçaient assez nettement la géothermie et le biogaz en tête parmi celles qui doivent être développées et accélérées. Les taux de réponses selon lesquelles ces filières devaient être stoppées étaient très faibles, de l'ordre de 2 à 3 %, tandis que d'autres connaissaient des taux autour de 10 %. Ces deux filières sont donc plébiscitées par nos concitoyens en général.

La filière de la méthanisation est également fortement soutenue par les régions : six régions figuraient parmi les signataires de la récente tribune publiée pour soutenir le biométhane. Cette tribune a été préparée très rapidement, faute de quoi je ne doute pas que d'autres régions auraient souhaité s'y joindre car toutes veulent développer significativement le biométhane dans leur schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET). La somme des ambitions affirmées dans ces schémas est plus importante que les annonces actuelles de la PPE.

Pour ce qui est de l'acceptation au plan local stricto sensu, on constate parfois des phénomènes locaux de rejet, mais relativement limités. Sur la centaine de méthaniseurs en fonctionnement, je n'ai pas connaissance d'un projet véritablement bloqué ou fortement ralenti par des recours. Si le projet est bien expliqué en amont – nous avons un partenariat avec les chambres d'agriculture pour mieux conseiller les agriculteurs à ce sujet – il est possible d'expliquer aux riverains que les odeurs seront moins gênantes qu'avant parce que les digestats produisent moins d'odeurs que les boues d'épandage. Le procédé est parfaitement contrôlé, l'obstacle visuel est très limité si le méthaniseur est bien placé – cela ne prend pas plus de places qu'une grange agricole. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de réactions de rejet, mais elles sont aujourd'hui minimes par rapport à l'ensemble des projets. Là aussi, la course à la réduction des coûts ne doit pas se traduire par une baisse de la qualité des projets. Il me semble donc très important que, dans les réflexions à venir sur les tarifs de rachat, nous prenions soin d'intégrer des bonus en cas de financement participatif ou pour les projets particulièrement bien intégrés dans leur paysage et s'insérant dans une agriculture durable et soutenable.

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