Intervention de Thierry Trouvé

Réunion du mardi 9 avril 2019 à 10h30
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Thierry Trouvé, directeur général de GRTgaz :

Pour ce qui est de l'opposition entre le gaz et l'électricité, Édouard Sauvage et moi-même sommes convaincus que la transition énergétique passe par une approche système, une vision holistique et une bonne complémentarité entre le gaz et l'électricité. J'en veux pour preuve que, pour ce qui est des activités de transport, on n'a jamais aussi bien travaillé avec RTE que depuis ces dernières années. François Brottes n'est plus là pour le confirmer, mais je peux vous dire que nous avons énormément renforcé nos coopérations. Nous avons ainsi un projet de construction de power to gas à Fos-sur-Mer associant plusieurs acteurs, notamment RTE, qui nous a rejoints depuis plus de deux ans. J'ai visité le chantier en compagnie de François Brottes il y a quelques mois, et ce projet l'intéresse beaucoup. Philippe Madiec, ici présent, travaille en étroite collaboration sur les questions de réseaux avec les équipes de RTE. Nous sommes persuadés qu'il est possible de réaliser des économies en associant nos efforts pour atteindre les optimums plutôt qu'en travaillant chacun de son côté. Nous appliquons le même principe au niveau européen puisque, sous l'impulsion de la Commission européenne, les associations européennes de transporteurs de gaz et d'électricité élaborent de plus en plus souvent des scénarios communs afin de déterminer des optimums.

Un autre exemple de notre complémentarité est la mise au point de chaudières hybrides associant gaz et électricité : c'est grâce à des solutions de ce type que nous réussirons une transition énergétique coûtant le moins cher possible.

Il est possible que certains acteurs de la production d'électricité confrontés à des problématiques de gestion de parc développent pour cette raison des idées différentes, mais c'est une exception : sur le principe, les principaux acteurs du gaz et de l'électricité sont totalement en phase, même s'il reste beaucoup de travail à accomplir.

Le stockage est une question importante, à laquelle je répondrai sous deux angles différents.

Premièrement, la loi que vous avez votée en 2017 ainsi que ses textes d'application ont permis de résoudre un problème préoccupant du point de vue du gestionnaire de réseau de transport que nous sommes. Durant l'été et l'hiver derniers, les stockages ont été très bien remplis, et les opérateurs de stockage viennent de procéder à la deuxième campagne de vente en vue de l'hiver prochain – le remplissage a d'ailleurs déjà commencé –, qui leur a permis de vendre aux enchères la totalité de leurs capacités : de ce point de vue, la réforme produit donc ses effets. Comme l'a souhaité le législateur, un complément est ensuite reversé par les opérateurs de transport aux opérateurs de stockage, ce qui leur permet de boucler leur budget. Grâce à la mise en place de ce système, nous n'avons plus autant d'inquiétudes que par le passé, car nous démarrons la campagne d'hiver en ayant déjà sous nos pieds le gaz que nous allons devoir fournir.

Deuxièmement, le stockage du biométhane est techniquement possible. Les opérateurs de stockage ont procédé à des études montrant qu'ils sont capables d'accueillir du biométhane dans leur système de stockage. Aujourd'hui, ce n'est pas encore le cas de manière très concrète en raison du fait que peu d'installations de biométhane sont déjà raccordées au réseau permettant le stockage de la production. Si le biométhane est donc le plus souvent directement injecté dans le réseau de distribution, il arrive qu'en été, la consommation de gaz soit plus faible sur un petit réseau de distribution, ce qui peut aboutir à la constitution d'excédents. Transporteurs et distributeurs ont donc conçu ensemble des systèmes dits de rebours qui permettent de renvoyer l'énergie du réseau de transport à basse pression vers le réseau de distribution, où la pression est plus forte, grâce à de petits compresseurs – le coût correspondant est déjà intégré dans les chiffres que nous vous avons donnés tout à l'heure. Nous sommes actuellement en train de construire les deux premiers rebours dans l'ouest de la France, et prévoyons d'en mettre en place beaucoup d'autres, en collaboration avec les distributeurs. Ainsi, nous dessinons progressivement les réseaux qui vont permettre de collecter la production de méthane et de l'acheminer vers les sites de stockage.

J'insiste sur la nécessité de prendre dès aujourd'hui les bonnes décisions. Si le signal politique émis, c'est qu'on n'a pas besoin du biométhane et que cette énergie n'est pas une solution d'avenir, on risque de voir les infrastructures de stockage, qui sont une chance pour la transition énergétique, fermer les unes après les autres, et ce seront autant d'investissements perdus pour la collectivité. En outre, le fait d'être en mesure de stocker un tiers de la production représente une capacité décisive, sur laquelle le réseau électrique a d'ailleurs intérêt à s'adosser, notamment sous la forme de systèmes hybrides au stade de l'utilisation finale, car de telles solutions permettent de lisser l'effet de pointe que j'évoquais tout à l'heure.

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