Intervention de Anna Creti

Réunion du jeudi 4 avril 2019 à 16h40
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Anna Creti, professeure à l'université Paris-Dauphine :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, madame la rapporteure, je débuterai mon propos en vous présentant notre association, notre contribution sur le marché de l'énergie au titre de la transition énergétique ainsi que les propositions que nous formulons, notamment sur la préservation du pouvoir d'achat des Français.

L'analyse des marchés énergétiques, dans ses parties électricité et gaz naturel, a occupé une grande partie de mes études, de mes travaux et de ma carrière.

J'ai suivi l'évolution de ces marchés dans deux perspectives : d'une part, pour comprendre les mécanismes de concurrence. J'ai commencé à m'y intéresser après l'introduction des directives de 1996 et de 1998 ouvrant la concurrence aux secteurs de l'électricité puis du gaz. À ce titre, j'ai pu comprendre la gestion complexe de ces secteurs et la difficulté qu'il y a à les rendre incontestables.

J'ai longuement travaillé sur le mécanisme d'abus de position dominante dans différents pays, dans une perspective essentiellement européenne et de comparaison avec le marché des États-Unis. L'objet de cette phase de mes travaux a été de comprendre à quel point ces marchés sont sensibles aux stratégies des acteurs, notamment les anciens monopoles verticalement intégrés – mais pas uniquement.

L'objectif « 202020 » m'a amenée à intégrer dans ma vision du marché électrique les préoccupations liées à l'environnement, ce que j'ai développé par une recherche « biface » en étudiant, d'un côté, les transformations du secteur électrique et gazier au regard de ces questions, et, de l'autre, la réglementation environnementale sous l'angle du marché des quotas. J'ai donc polarisé une grande partie de mes travaux sur l'étude des énergies renouvelables, l'intégration des énergies renouvelables dans les marchés électriques en étudiant des marchés assez différents – italien, danois et français. Malgré l'appartenance de ces pays au marché unique de l'électricité, des spécificités fortes caractérisent la volonté économique et politique d'intégrer les énergies renouvelables dans ces marchés.

Ces travaux m'ont amenée à avoir une vision de la transition énergétique qui ne peut être proposée en tant que modèle unique. À titre d'exemple, pour des raisons essentiellement d'indépendance énergétique et d'importation de gaz de pays très éloignés, la transition énergétique en Italie a commencé bien avant les préoccupations contenues dans la directive de 2008.

Au moment où les énergies renouvelables ont investi ces marchés, l'Italie était déjà prête à les recevoir. Elle avait investi depuis de nombreuses années dans l'intégration des énergies renouvelables, notamment en étudiant le potentiel renouvelable, à la fois éolien et solaire. C'est ainsi que, depuis 2014, l'Italie a atteint – il est rare de pouvoir dire que l'Italie est « un bon élève » – les objectifs qui figuraient dans la directive de 2020. Aujourd'hui, se pose la question d'aller au-delà des objectifs de 32 %, qui sont ceux actuellement prescrits par la nouvelle directive. L'Italie marque une volonté forte d'intégrer les renouvelables dans le mix énergétique d'un pays qui est essentiellement consommateur de gaz. Sa consommation est très pauvre en matières fossiles. Il consomme du charbon en faible proportion.

Par ailleurs, l'électricité en Italie présente une particularité par rapport à la France s'agissant des prix. Je consacrerai le temps qui me reste à cette question pertinente et utile à nos réflexions.

Les énergies renouvelables portent leurs effets tout au long de la filière. Des coûts sont liés à l'investissement, d'autres sont liés, de façon plus subtile, à la modification du paysage énergétique en termes d'acteurs, d'autres encore au financement de ces investissements. La France a opéré une transition fiscale. L'Italie n'a pas utilisé de la même façon l'instrument fiscal.

Un deuxième effet se répercute en amont. Quel est l'apport de ces énergies dans les marchés de l'électricité ? L'Italie a bénéficié d'un avantage sous la forme d'une baisse des prix de l'électricité. En dix ans, en moyenne, les prix de l'électricité sont passés, sur les marchés amont, de 70 et 80 euros par mégawattheure (MWh) à moins de 30 euros aujourd'hui, s'alignant ainsi quasiment sur les prix français.

S'il faut évaluer les coûts et les avantages de l'intégration des énergies renouvelables, il convient de ne pas oublier d'évaluer les bénéfices en amont sur l'ensemble de la filière, aussi bien que les coûts pour les consommateurs en aval. Cette dernière question m'a intéressée. J'ai étudié les mécanismes de diffusion des énergies renouvelables au niveau du consommateur final, en me polarisant plus spécifiquement sur les marchés français et les petits consommateurs, et donc sur les incitations auprès de ces petits consommateurs, notamment résidentiels, à s'équiper de panneaux solaires. J'ai étudié plusieurs types de littérature, non pas seulement économique mais également sociologique, qui révèlent qu'un consommateur français qui s'équipe de panneaux solaires ne le fait pas pour obtenir uniquement un gain, y compris futur, sur sa facture d'électricité actuelle, mais aussi parce qu'un fournisseur aura réussi à le convaincre qu'il s'agit d'un investissement intéressant et parce qu'il est animé d'une conscience verte.

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