Intervention de Cédric Philibert

Réunion du jeudi 4 avril 2019 à 16h40
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Cédric Philibert, analyste expert des énergies renouvelables à l'Agence internationale de l'énergie (AIE) :

De fait, c'est largement le coût du passé, c'est-à-dire que si l'on continue d'investir fortement dans les renouvelables, même en recourant à des systèmes de taxe carbone, même en fléchant les recettes de la CSPE, l'apport sera très faible par rapport à l'investissement passé, qui a été d'une tout autre ampleur. Pour l'avenir, il faut effectivement parler d'investissements lourds, la question étant de savoir comment financer ces investissements.

J'entends bien la question portant sur les 3 %, mais elle sort quelque peu de mon champ de compétence, car il faut définir ce qu'est un investissement et ce qu'est une dépense de fonctionnement ? Le salaire d'un professeur est-il une dépense de fonctionnement ? Un équipement sportif qui ne sera utilisé qu'une seule fois pour un grand événement est-il un investissement ? On pourrait dire que c'est exactement l'inverse. Il est, par conséquent, difficile de distinguer une dépense de fonctionnement d'une dépense d'investissement.

Pour les collectivités locales, une solution a été trouvée il y a très longtemps, sous la forme du tiers financement, qui a permis d'orienter l'investissement privé pour contourner les difficultés qui existaient entre le titre 3 et le titre 4 des chapitres budgétaires relatifs au financement des investissements. Les collectivités ne pouvaient pas facilement financer des investissements, contrairement aux dépenses de fonctionnement récurrentes. On a donc inventé le tiers financement, qui a permis de rénover de nombreux bâtiments publics et de les adapter aux normes énergétiques. Cela suppose de prendre des précautions, car ces opérations engendrent parfois de petites « fuites » de financement. Il n'en reste pas moins que c'est un moyen d'orienter l'épargne privée vers des investissements utiles.

Le faible loyer de l'argent aujourd'hui, le niveau extrêmement bas des taux d'intérêt, démontrent la présence, dans le monde, d'une abondance d'épargne qui ne demande qu'à se porter sur des investissements longs mais sûrs. On le constate aujourd'hui avec le faible coût des énergies renouvelables. J'en parlais il y a peu avec un banquier qui finance ce type d'investissement en Espagne, où les énergies renouvelables sont désormais un investissement privé totalement rentable. Les gens investissent et vendent l'électricité sur le marché de l'électricité ou via des accords bilatéraux avec des acheteurs. Il n'existe aucun système public de subventions ou de financements cachés, et le solaire est à 30 ou 35 euros le MWh.

Cela s'explique, certes, par la bonne ressource espagnole, mais aussi par le très faible coût du capital exigé pour y parvenir. L'Espagne signe en effet un accord d'achat sur quinze ans, à un prix garanti pour des quantités garanties et une technologie totalement garantie. Elle sait donc exactement quel sera le retour sur investissement. Elle trouve auprès des banques des prêts aux mêmes taux que ceux qui s'appliquent à l'achat d'un logement, soit 1,5 %. Elle finance ainsi du solaire avec un coût moyen pondéré du capital de l'ordre de 3,5 % ou 4 %, taux qui couvre à la fois la rémunération de la part d'investissements propres et la rémunération du banquier. L'épargne abonde, il faut donc trouver le moyen de la diriger vers la transition énergétique. Il ne s'agitpas forcément de dépenses publiques.

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