Bonjour. Je m'appelle Gabrielle Scherrer.
Je suis actuellement en bac pro vente. Je suis une ancienne de l'ASE. Mon parcours a été très difficile. Ma mère est atteinte de schizophrénie et est bipolaire depuis ma naissance. Les médecins n'avaient pas diagnostiqué sa maladie.
Toute petite, j'ai fait deux AVC : le premier à un an, le second a causé mon handicap actuel. Mon père a été souvent là pour moi, ma mère pas du tout. On m'a laissé trois jours avec ma mère alors que j'avais fait un AVC. Je ne sais pas comment j'ai fait pour survivre. Mon père est décédé quand je suis sortie de l'hôpital. Cela a été un énorme choc. Après, alors que j'avais quatre ans, ma mère m'a laissée dans une caravane pendant vingt-quatre heures, tout le temps.
L'ASE appelait ma mère au téléphone, parce qu'elle n'était jamais là aux rendez-vous, seulement mon père. Cela a causé plusieurs problèmes. Ensuite, c'est mon grand-père qui a appelé en urgence l'aide sociale à l'enfance.
À quatre ans, ils sont venus me chercher en Normandie pour que j'aille à l'ASE. Cela été très difficile parce que je venais de comprendre que mon père était décédé. Et mon père, c'était vraiment tout ce que j'aimais, un peu moins ma mère parce que cela a été compliqué. Ma mère n'a pas du tout accepté que je sois placée. Nous avons eu plusieurs problèmes avec ça.
Après être restée deux jours dans un foyer d'urgence, j'ai été placée dans un foyer, de mes quatre ans à mes huit ans. J'ai vécu l'horreur, vraiment l'horreur. Dès le début où je suis arrivée, je voulais être gentille, mais quand on est handicapé, avec les jeunes, vous ne savez jamais comment ils vont réagir, comment ils vont être. Les enfants qui étaient là avaient quinze ans, dix-sept ans, quatre ans, deux ans. Ça a été l'enfer parce que j'ai eu des tapages nocturnes, j'ai été violée, tout cela de mes quatre à mes huit ans. Après cela, j'arrivais avec quatre plaintes, pas n'importe quelles plaintes. Quand on m'a récupérée, ça a été compliqué. Un éducateur est venu me dire que j'allais finir en famille d'accueil. Changer de foyer ne pouvait me rendre plus heureuse. Mon éducateur m'a demandé ce qui avait pu m'arriver pour que je sois aussi renfermée. Je lui ai tout expliqué. Le jour où je me suis permis de « mettre ma voix » contre tous ceux qui avaient abusé de moi ou qui m'avaient frappée, tous les jours – vous ne vous rendez pas compte, tous les jours, tous les jours, c'était la même chose. C'était des choses horribles. Comme j'étais handicapée, on devait me laver le dos, on devait me faire plein de trucs. Bref, j'ai déposé plainte. Je suis arrivée devant le juge. La première chose qu'il m'ait dite, c'est : « Vous n'êtes pas accompagnée d'un avocat ? » Non, on ne m'avait pas mise au courant, à huit ans, qu'il fallait un avocat. J'étais seule devant toutes les personnes qui m'avaient abusée. Cela a été un enfer. Il n'y en a que deux qui ont fait suite.
Ensuite, je suis passée dans une famille d'accueil où c'était strict, mais heureusement je n'avais pas de problèmes. Malheureusement, on m'a ensuite placée dans un centre spécialisé pour handicapés. J'ai très mal vécu cette période, même si j'y avais des amis et des gens qui tenaient à moi. Il me paraissait impensable que l'on en soit arrivé là, sans compter que j'avais des tas de problèmes familiaux. Ma mère était en pleine crise de schizophrénie et bipolaire. Ma mère venait souvent me voir le week-end. Nous ne faisions que nous engueuler, nous frapper. Face à ma mère, le seul recours que j'avais était la fuite. Et je fuyais, je fuyais, jusqu'au moment où ma grand-mère m'a dit que c'était fini, que j'irais chez elle quand cela n'irait pas. Ma grand-mère m'a énormément aidée. J'avais beaucoup de crises d'angoisse quand je dormais. C'était horrible, je n'arrivais plus à dormir, on a dû me prescrire plein de médicaments pour que je dorme.
Je reviens à la façon dont cela se passait au foyer. Au foyer, c'était l'angoisse. Comme j'étais handicapée et que je souffrais d'un nouvel handicap, on avait multiplié par deux les doses de médicaments. La nuit, je ne sentais absolument rien. Quand les garçons venaient me voir, je ne pouvais même pas hurler, je ne pouvais rien faire. C'était angoissant. Ma grand-mère m'a énormément aidée et je la remercie.
J'ai ensuite été placée à deux reprises en famille d'accueil. Ensuite, on ne savait pas trop où me mettre. Me placer en foyer, la situation se répétait. J'ai encore du mal à avouer cela.
La troisième famille d'accueil savait que je n'allais pas rester longtemps et elle me laissait dans ma chambre, sans même venir me voir de temps en temps. J'avais vraiment toute la liberté que je voulais, mais ils n'en avaient rien à foutre de moi.
Le jour de mes seize ans, on m'a dit que je partais de l'ASE et qu'on allait me trouver un foyer de jeunes étudiants, alors qu'ils avaient vu mon dossier et ce qui s'était passé. Je leur ai demandé : « Pourquoi vous me remettez-vous dans cette merde ? »
J'ai appris à prendre mes décisions. Aujourd'hui, je suis partie de l'ASE définitivement. Je suis en foyer de jeunes étudiants jusqu'à la fin de l'année. Ensuite, on verra ce que je fais.