Intervention de Sonya Nour

Réunion du jeudi 11 avril 2019 à 9h10
Mission d'information sur l'aide sociale à l'enfance

Sonya Nour :

Maëlle a tout dit. Ce qui m'a manqué, c'est de la stabilité et de l'amour. Je ne comprends pas comment on a pu… J'étais un numéro de dossier. On ne savait pas toujours exactement ce qu'on allait faire de moi ou de mes soeurs. On me ballottait alors qu'on savait pertinemment que ma mère était gravement malade, qu'elle était incapable de soins parce qu'elle ne reconnaissait pas qu'elle était malade. Pourtant, ça faisait le forcing pour que nous restions chez elle. J'ai vu le juge à plusieurs reprises. Il nous demandait ce que nous voulions. Mais la première chose que dit un enfant, c'est : « Je veux ma maman. » Au vu du passif, comment le juge et les éducateurs peuvent-ils décider d'arrêter le placement et de renvoyer les enfants chez eux ? Comment est-il possible que j'aie été placée dans sept foyers et huit familles d'accueil ? Et que l'on m'ait reproché à l'adolescence de ne pas avoir de stabilité émotionnelle. Comment est-il possible que l'on ait pu me dire : « Tu n'auras pas de contrat jeune majeur parce que tu es instable. » Mon seul destin était : « Tu survivras à la rue. » Et c'est tout.

Cela pose plusieurs questions. Sommes-nous capables de dire stop à la famille ? Est-on en mesure de dire à un parent qu'il n'est pas en capacité de s'occuper de ses enfants et de mettre fin à l'autorité parentale ? C'est fondamental. Alors que j'étais dans une situation de détresse émotionnelle, que j'avais vécu des événements extrêmement lourds et très violents, parce que vivre avec une psychotique qui ne se soigne pas c'est très dur, comment ma mère a-t-elle pu avoir un impact à l'intérieur des structures ? Comment a-t-il été possible qu'elle ait encore du pouvoir ? Ça me mettait dans une situation telle que je ne pouvais jamais accepter le placement. On me disait que ma mère était capable, alors que, dans le même temps, j'ai été placée. Un enfant ne peut pas supporter cela. C'est psychiquement intenable.

Il faut revoir cette question de la famille. Ce ne sera pas facile dans une société où l'on affirme que les liens du sang sont un élément fondamental et qu'il faut revenir à la famille. Tu as tout dit, Maëlle : stabilité et amour, même quand il n'y a pas les liens du sang.

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