Pour revenir à ce qui a été dit sur le juge, contrairement à Sonya, j'ai eu l'occasion de voir le juge seul. Il me le proposait et prenait le temps. Pour autant, cela ne l'empêchait pas de ne pas m'entendre, il ne prenait pas en compte mes suggestions.
Nombre d'éducateurs que j'ai côtoyés ont transgressé le dogme de ne pas s'attacher, de ne pas manifester d'affect, de ne pas me donner d'affection, ce qui m'a permis d'avancer. Cela s'est produit dans mon premier et mon dernier foyer. Les deux structures qui ont été les plus efficaces à mon égard sont celles qui ont réussi à transgresser quelques règles qu'on leur imposait.
Enfin, je n'ai jamais vraiment été en colère avant d'être placé dans la structure maltraitante. À ce moment-là, je la gérais en l'intériorisant. J'intériorisais beaucoup. Je ne suis pas une personne très explosive, je gardais les choses pour moi. Ou alors je l'écrivais, soit pour moi, soit pour l'envoyer au juge. Je ne savais pas qu'il existait un défenseur des enfants, je ne savais pas que j'avais le droit à un avocat, mais je savais que j'avais le droit d'envoyer des courriers au juge, parce que la structure où j'avais été placé auparavant m'avait dit que, s'il se passait quoi que ce soit à un moment donné, j'avais le droit de redemander à être placé, de faire des courriers au juge pour lui expliquer. Je savais donc que j'avais cette possibilité. Ma colère, je la posais par écrit en même temps que j'expliquais les faits. Cela me permettait d'une certaine façon d'extérioriser. Et puis il y avait la thérapie. Chez moi, c'était plus de la souffrance que de la colère.