Intervention de Maëlle Bouvier

Réunion du jeudi 11 avril 2019 à 9h10
Mission d'information sur l'aide sociale à l'enfance

Maëlle Bouvier :

La parole de l'enfant doit être entendue, c'est évident, et ce à tout âge, mais il faut aussi qu'elle soit démêlée. Si on demande à un enfant de cinq ans s'il veut rester avec ses parents, il dit « oui ». Je suis contente que l'on ne m'ait pas posé la question !

Je m'en mordrai toujours les doigts : le jour où l'on m'a posé une question qui comptait – on m'a demandé si je voulais être placée en famille d'accueil avec mon frère –, j'ai dit « non », parce que nous étions en foyer, parce qu'il était un peu le souffre-douleur et que j'avais développé un très fort instinct de survie à l'époque. Donc, j'ai dit « non », en me disant que cela m'éviterait bien des problèmes. On ne m'a pas écoutée. J'ai été placée avec lui et je suis reconnaissante que l'on ne m'ait pas écoutée, parce que c'est mon frère et que je l'aime très fort.

Cela a été dit, l'ouverture sur l'extérieur est fondamentale : pouvoir développer des loisirs mais aussi avoir des moments d'insouciance, pouvoir aller dormir chez sa meilleure copine, faire une soirée pyjamas. J'ai fait de la danse, j'écrivais des poèmes, j'avais une vie normale en famille d'accueil. Cela m'a beaucoup aidé à gérer ma colère parce qu'elle prenait beaucoup de place, mais comme le reste était stable, normal, et que j'avais des moments d'insouciance, cela m'a aidée à me préserver.

L'accompagnement psychologique est fondamental, mais dans la durée. On ne peut pas se contenter d'aller voir un psy deux ou trois fois en se disant qu'on a compris le problème. Non, il faut pouvoir s'inscrire dans un accompagnement psychologique de long terme, d'autant qu'au début on n'a pas toujours envie de parler. La fois d'après, on va peut-être faire un dessin, et la fois suivante on va pleurer. Cela prend du temps avant d'arriver à s'exprimer. Pour cela, il faut de la stabilité.

Le fait d'enchaîner des placements et de changer de territoire n'aide pas. D'où la nécessité de la stabilité.

Sur le dernier point portant sur l'affectif, avec ma famille d'accueil nous avons créé des liens très forts. On entendait aux infos que des enfants étaient retirés à leur famille d'accueil parce qu'il y avait trop d'amour. Du coup, on avait peur, on avait tellement peur, c'était très dur. Ma famille d'accueil essayait de mettre un peu de distance. Nous, on se demandait comment gérer tout ça. On se disait « tout se passe bien, on s'aime ; du coup, on va nous enlever. » En fait, on ne le disait pas, mais on le pensait et on le ressentait.

Je pense qu'il faut briser ce tabou une fois pour toutes. Je rejoins ce que disait Lyes, et tous les autres d'ailleurs, sur l'idée de l'adoption. Je vous encourage à vous pencher sur ce qui passe en Allemagne notamment. En Allemagne, les familles d'accueil peuvent adopter beaucoup plus facilement qu'en France. Je l'ai appris dans un reportage que j'ai vu sur Arte. Cela m'avait profondément marquée à l'époque. Cela n'a jamais été mon cas, je n'ai jamais voulu être adoptée. Ma famille d'accueil c'est ma famille d'accueil, ma famille c'est ma famille. Cela me va comme ça. Mais dans certains cas, c'est tellement important, ce serait la clé.

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