Intervention de Mamédi Diarra

Réunion du jeudi 11 avril 2019 à 9h10
Mission d'information sur l'aide sociale à l'enfance

Mamédi Diarra :

Je ne suis pas un ancien MNA. Par contre, dans l'association Repairs 94 et Repairs 75, nous avons l'occasion d'en rencontrer beaucoup. Par ailleurs, dans nos fonctions statutaires et légales, nous siégeons dans certaines instances, dont les commissions de sélection et de validation d'appel à projets pour la création d'établissements sociaux et médico-sociaux. Dans ces commissions, je peux observer ce qui se passe au niveau des différents départements de France. Depuis quelques années, nous repérons quelque chose qui se met en place doucement, dans le silence un peu général, à savoir des appels à projets ciblés MNA. Sur le papier, cela peut être séduisant. On se dit qu'ils ont des difficultés particulières pour accéder à la nationalité, au séjour, etc, et qu'il faut peut-être trouver des structures à même de les accompagner sur plein de choses. Voilà, sur le papier, ça peut être séduisant. Sauf que, dans les faits, on propose des dispositifs d'accompagnement low cost. Je ne mâche pas mes mots en disant low cost. Les prix de journée battent toute concurrence. Des prix de journée qui permettent, la plupart du temps, de les mettre dans des hôtels sociaux plutôt délabrés, et donc sans accompagnement éducatif effectif. Et surtout sans l'équité et l'égalité vis-à-vis des autres enfants de l'aide sociale à l'enfance qui sont également des mineurs. Qu'il soit MNA ou pas, il est avant tout un enfant en situation de danger.

Ces dernières années, nous avons vu se développer dans les départements ces dispositifs spécifiques « MNA », dont Joao a un peu parlé, et qui ne répondent pas aux difficultés des MNA. Au sortir de ces dispositifs, ils n'ont toujours pas de situation administrative stable. Ils viennent nous voir à l'association, qui se trouve démunie. Nous avons des contacts avec des partenaires, on essaie de débloquer les choses, mais c'est long. Là, se pose la question de la formation en amont des professionnels, parce que l'accès au séjour, c'est tout un cursus. Le nombre d'années passées à l'ASE peut influer, certaines demandes doivent être formulées avant la majorité et qui ne le sont pas. Parfois, des jeunes n'accèdent pas la nationalité parce que la demande n'a pas été faite avant leurs dix-huit ans. À dix-huit ans plus un jour, c'est trop tard. Toutes ces choses-là ne sont pas acquises par le système de la protection de l'enfance.

Mon dernier mot relève plus de l'anecdote mais je voudrais revenir à la question des juges. Les juges manquent de formation peut-être et d'informations concrètes. À une époque où j'avais commencé à faire du droit et que je me demandais encore si j'allais être juge pour enfants ou pas, je me disais qu'un juge ne rencontre jamais les jeunes en foyer, il ne va jamais dans les familles d'accueil alors qu'il en a le pouvoir. S'il le veut, il peut le faire, mais il n'en a pas le temps.

Il faudrait qu'ils aient des stages en structure, sur le terrain afin qu'ils puissent aller à la rencontre des foyers, à la rencontre des familles d'accueil, qu'ils puissent y passer du temps, qu'ils puissent voir comment cela fonctionne pour savoir tout simplement où placer les enfants. Ce serait la base.

Pour anecdote, dans mon cursus de droit, je me souviens en première et en deuxième année, lorsque je discutais avec mes camarades, certains disaient : « Moi, je voudrais être juge pour enfants. » parce que, dans la tête, c'est super, on va défendre les enfants, on va les sauver, etc. C'est sympa, mais moi je leur ai expliqué la réalité de l'ASE, ce que j'ai vécu, ce que d'autres vivent. À ce moment-là, ils m'ont répondu : « Ah bon, ah, ah bon, ah… » Ils sont tombés des nues. Malheureusement, ce sont des gens comme ça qui deviennent juges, sans avoir vu, à un moment donné, l'ASE en vrai. La question de formation des professionnels du monde judiciaire se pose.

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