Madame la garde des sceaux, reconnaissez que l'établissement d'un seuil d'âge aurait au moins permis de protéger les enfants victimes de pédocriminalité.
Je voudrais également vous interpeller sur un sujet que beaucoup considèrent comme injuste, celui de l'amnésie traumatique, qui concerne 40 % des victimes de violences sexuelles. Les récentes réformes de la prescription, dont celle de la loi dont il est question ce soir, n'ont pas de portée rétroactive et ne peuvent donc s'appliquer aux victimes nées dans les années 1970 et 1980. Pour ces victimes d'amnésie traumatique, le seul moyen de poursuivre leur agresseur est de démontrer l'existence d'une cause de suspension du cours de la prescription.
Or la Cour de cassation a développé une jurisprudence excessivement stricte. Même si la victime démontre qu'elle ne pouvait pas agir, cela ne suffit pas ; il faut démontrer l'existence de manoeuvres élaborées par l'auteur. Cette jurisprudence inacceptable est contraire au droit européen et sera bientôt condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme. Elle méconnaît en effet le droit à une enquête, consacré par l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, et le droit à un procès équitable, prévu par l'article 6 de la même convention, puisque la prescription empêche ces personnes d'avoir accès à un tribunal.
Votre loi n'a pas pris en compte le dramatique problème de l'amnésie traumatique. Toutes les victimes devraient pouvoir disposer des mêmes droits, ne serait-ce que par esprit de justice et de réparation pour ces personnes, qui ont subi une agression si inacceptable que son oubli a été le seul moyen d'y faire face et de survivre. L'histoire de l'abbé Preynat, que le film Grâce à Dieu relate comme un magnifique reportage, montre combien l'amnésie traumatique est un vrai sujet. Votre loi a oublié ces victimes, mais pas nous ! Que pensez-vous de ce sujet de l'amnésie traumatique ?