Le deuxième sujet de préoccupation est le niveau d'endettement public et privé, qui est aujourd'hui historiquement élevé. Aux États-Unis, l'endettement avoisine les 150 % de la richesse nationale, si l'on cumule l'endettement des entreprises et celui des ménages. En Europe, l'endettement du secteur privé dépasse partout les 100 %, sauf en Allemagne. Pour prévenir tout risque lié à cette progression de l'endettement en France, j'ai été amené à prendre des mesures de précaution dans le cadre du Haut Conseil de stabilité financière.
Cet environnement économique international dégradé n'est pas satisfaisant ; personne ne peut se satisfaire de la croissance lente dans la zone euro – je sors tout juste d'un débat au Sénat sur ce sujet. Certains disent : « La croissance reviendra : il suffit d'attendre. » Dans ce cas, autant supprimer tout responsable politique : nous serons tout aussi bien ! Je pense que nous avons une responsabilité pour faire en sorte que la croissance et la prospérité soient plus élevées dans la zone euro.
J'ai donc proposé un nouveau contrat de croissance à nos partenaires de la zone euro, reposant sur des engagements réciproques. Je m'engage, comme ministre de l'économie et des finances français, à poursuivre la transformation économique de notre pays et le rétablissement de nos finances publiques. Dès cette année, nous engagerons la réforme de l'indemnisation du chômage, celle des retraites et celle de la fonction publique : ces trois réformes structurelles font suite à tout ce qui a été décidé sur la fiscalité du capital ou sur le marché du travail.
En contrepartie, j'attends des États qui connaissent une situation budgétaire plus favorable qu'ils investissent davantage et qu'ils participent donc davantage à la croissance dans la zone euro. Je reconnais que l'Allemagne a commencé à dépenser plus, mais je considère qu'elle peut faire davantage, par esprit de solidarité et de responsabilité, celui-là même dont fait preuve la France, sous la direction du Président de la République, en poursuivant des réformes structurelles.
Troisième pilier de ce contrat de croissance, il est indispensable que nous allions au bout de la transformation de la zone euro, qui se trouve aujourd'hui au milieu du gué – c'est la situation la plus défavorable, celle où les courants sont les plus violents. Il faut achever l'union bancaire, l'union des marchés de capitaux et mettre en place, comme nous le ferons dès juin de cette année, un budget de la zone euro nous permettant de résister davantage à toute crise financière ou économique.
Tel est le contrat de croissance que je propose pour la zone euro : il est aujourd'hui possible de lui redonner la croissance et la prospérité qu'attendent nos compatriotes. Je rappelle par ailleurs que les conditions favorables prévues par la Banque centrale européenne pour les prochains mois disparaîtront un jour ou l'autre, ce qui rendra d'autant plus difficile la relance de la croissance que j'appelle de mes voeux.
Dans ce contexte européen et international, la situation de la France se caractérise par sa solidité. Le taux de croissance devrait atteindre 1,4 % pour 2019 ; il suffit de regarder nos partenaires européens pour constater que la situation est moins favorable dans beaucoup d'autres pays membres de la zone euro. La politique économique que nous menons depuis deux ans commence à produire des résultats : croissance solide, créations d'emplois – nous avons créé, en un peu plus de deux ans, plus d'un demi-million d'emplois dans notre pays. Nous obtenons donc des résultats sur le front économique, sur le front de l'emploi ainsi que – j'y suis particulièrement attaché – sur le front industriel : pour la première fois depuis dix ans, en effet, nous ouvrons en France plus d'entreprises industrielles que nous n'en fermons.
Quant à nos engagements en matière de déficit public, ils sont tenus, puisque nous sommes sortis de la procédure pour déficit excessif en 2017. Notre engagement de rester sous les 3 % de déficit public tout au long du quinquennat sera également tenu. Certains diront que nous dépasserons les 3 % en 2019, mais je rappelle que cela est dû à la bascule du CICE – crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – en allègements de charges définitifs pour les entreprises : ce choix de compétitivité se paye certes par un ressaut du déficit public en 2019, mais, si l'on retire cet allègement de charges, nous sommes bien en dessous des 3 % de déficit.
Pourtant, je le reconnais bien volontiers, notre économie conserve deux fragilités structurelles. La première, c'est la dette publique. Elle a explosé de 30 points au cours des dix dernières années, passant de 64 % à plus de 98 % de la richesse nationale. J'entends parfaitement les arguments économiques de ceux qui nous disent que ce n'est pas grave, que la dette publique n'est pas un problème puisque les taux de refinancement sont tellement faibles que nous pouvons nous permettre de nous endetter davantage. Je ne souscris pas à cette analyse économique : nous devons continuer le combat pour stabiliser et baisser la dette publique française, qui est un poison pour notre économie et pour les générations futures. Je préfère donc annoncer très clairement que, dès que nous disposerons de marges de manoeuvre supplémentaires, elles devront être consacrées en priorité à la réduction de la dette publique française. Nous avons également tenu compte des conditions de financement plus favorables de la dette en intégrant, dans la trajectoire du programme de stabilité, 2,8 milliards d'euros de moindres dépenses – nous procédons en deux temps : d'abord 1,6 milliard, puis 1,2 milliard.
La seconde fragilité structurelle de l'économie française tient à un volume global de travail trop faible. Notre durée du travail hebdomadaire se situe dans le haut de la fourchette des pays de l'OCDE. Il n'y a donc pas grand-chose à faire puisque nous travaillons déjà beaucoup au niveau hebdomadaire. Toutefois, si l'on considère la durée du travail sur un an, la situation est radicalement différente : nous avons plus de jours de congé, nous entrons plus tard sur le marché du travail et, surtout, nous en sortons beaucoup plus tôt que la plupart de nos voisins, parfois de manière subie – nous connaissons tous des personnes qui, à 52, 53 ou 54 ans, ont été licenciées de leur entreprise et à qui l'on a dit de prendre leur retraite parce qu'elles ne retrouveraient jamais un emploi, alors même que leur expérience serait précieuse pour les entreprises et pour notre économie. Enfin, nous sommes l'un des derniers pays d'Europe qui n'a pas vaincu le chômage de masse. Le chômage doit rester notre combat prioritaire en matière économique.
La conséquence de tout cela est que notre taux d'activité est de huit points plus faible que celui de notre principal partenaire européen, l'Allemagne. C'est la raison pour laquelle, depuis dix ans, la France s'est appauvrie. À force d'avoir un volume de travail plus faible que celui de ses grands partenaires européens, la France s'est appauvrie. C'est bien par le travail que nous recréerons plus de pouvoir d'achat et plus de prospérité pour les Français.
Dans ce contexte, nous vous présentons le programme de stabilité pour 2019-2022. Vous connaissez les objectifs : un déficit réduit et maintenu sous les 3 %, avec 2,3 % pour 2019 – plus les 0,8 % de bascule du CICE en allègements de charges, cette décision étant exceptionnelle – , puis 2 % en 2020 et 1,2 % à la fin du quinquennat, en 2022. Je vous ai parlé de la dette et de la nécessité de consacrer les marges de manoeuvre supplémentaires, dès que nous en aurons, en priorité absolue à la réduction de l'endettement français. Nous maintenons donc notre objectif : moins trois points de dépenses publiques sur le quinquennat ; en 2019, nous aurons déjà baissé ce ratio d'un point.
Reste le troisième engagement, celui qui concerne le plus nos compatriotes : les impôts. La photographie des années 2007 à 2017 est sans appel : nous avons assisté à une explosion des prélèvements obligatoires, taxes ou impôts, sur les ménages et les entreprises. Le montant des prélèvements obligatoires sur ces dix années est passé de 42 % à plus de 45 % de la richesse nationale. Les ménages sont ceux qui ont le plus subi cette augmentation puisque, à partir de 2014, avec la mise en place du CICE, les prélèvements sur les entreprises ont commencé à baisser alors même que les prélèvements sur les ménages continuaient à augmenter de manière vertigineuse.