Monsieur le ministre, ma présentation du programme de stabilité que vous adresserez bientôt à Bruxelles sera évidemment assez différente de la vôtre.
C'est tout d'abord un programme d'instabilité. Vous abandonnez en rase campagne l'objectif d'équilibre de nos finances publiques, qui ne semble plus être une priorité politique de votre gouvernement.
Votre objectif de retour à l'équilibre des finances publiques en 2022 a disparu : vous prévoyez un déficit de 1,2 % du PIB en lieu et place d'un excédent de 0,3 %. Vous abandonnez près de la moitié de votre objectif de réduction du déficit public : l'effort consenti passe de 2,9 à 1,6 point de PIB. Enfin – et c'est le plus grave, car c'est des générations futures qu'il s'agit – , votre objectif de réduction de 5 points de PIB tombe à 1,6 point, ce qui est considérable, d'autant que vous reconnaissez vous-même que c'est un problème absolument majeur.
C'est aussi un programme de divergence : alors que nos voisins européens ont mis à profit la période de croissance que nous connaissons depuis plusieurs années pour réformer, la France est de plus en plus isolée en Europe. Notre écart de déficit avec la zone euro s'est creusé, à 1,9 point de PIB : notre niveau de déficit est de 2,5 % contre 0,6 % en zone euro.
Dans leur programme de stabilité, publié il y a quelques jours, nos voisins prévoient d'être en excédent budgétaire jusqu'en 2022 alors que nous prévoyons pour notre part cinq ans de déficit. Notre écart cumulé avec l'Allemagne jusqu'en 2022 est estimé à plus de 425 milliards d'euros, ce qui est gigantesque.
Je ne parle pas du respect de notre engagement de ramener notre déficit structurel à 0,5 %, votre objectif étant désormais de 1,3 %. Comme je l'ai dit tout à l'heure lors des questions au Gouvernement, quand on se compare, on se désole !
C'est fondamentalement un programme d'incertitudes : le document que vous nous présentez est d'ores et déjà caduc, puisqu'il ne prend pas en compte l'impact, encore incertain, des annonces faites par le Président de la République. Nous commençons à en avoir l'habitude : chaque fois que le Président de la République s'exprime, cela coûte à peu près 10 milliards. Fin décembre, c'était le projet de loi de finances qui était affecté ; aujourd'hui, c'est le programme de stabilité.
Vous nous dites, monsieur le ministre, que les mesures relatives à l'impôt sur le revenu, aux retraites, à la prime exceptionnelle, vont coûter 7 milliards d'euros. Le chiffrage de nos collègues du Sénat est un peu différent, puisqu'il aboutit à environ 10 milliards d'euros.
Le financement de ces mesures est encore plus incertain : quelles niches fiscales allez-vous supprimer ? Vous avez dit que vous réuniriez même les députés alsaciens de l'opposition autour de cette question : nous verrons bien les propositions des uns et des autres. Nous constatons aussi que les portes se referment tout de suite : pas le crédit d'impôt recherche – vous avez raison, ce serait une erreur – ; pas le CICE, mais de toute façon vous allez le supprimer. On ferme donc toutes les portes des niches fiscales importantes. Il reste les toutes petites niches fiscales qui auront bien du mal à financer toutes ces dépenses.
Vous comptez par ailleurs supprimer les organismes inutiles ou inefficaces, et réformer des opérateurs de l'État. C'est un exercice extrêmement classique, auquel se sont livrés tous les gouvernements.