Nous débattons cet après-midi du projet de programme de stabilité 2019-2022. Rappelons-nous d'abord que, lors de l'examen du précédent programme de stabilité 2018-2022, qui nous donnait une première vision de la stratégie du Gouvernement pour les finances publiques pour les cinq années du mandat, nous vous avions alertés sur le caractère extrêmement optimiste des objectifs de croissance ou de réduction de la dette. Nous pouvons constater que, dans ce nouveau programme de stabilité, ces mêmes objectifs ont été revus à la baisse. Cela traduit donc un recul par rapport à la trajectoire que vous avez fixée notamment dans la loi de programmation des finances publiques. Ce constat paraît assumé dans le programme de stabilité, puisque la dégradation du déficit et de la dette est la conséquence du choix politique consistant à augmenter l'effort de réduction des prélèvements obligatoires sans avoir une action supplémentaire sur la maîtrise de la dépense publique.
Vous aviez misé sur une croissance forte pour absorber l'effort de réduction du déficit public, en négligeant la nécessaire maîtrise des dépenses publiques. Mais cette croissance n'est malheureusement pas à la hauteur de vos prévisions, et l'absence de réduction et de réforme de la dépense publique a mécaniquement des conséquences sur notre niveau de déficit public.
Les objectifs que l'on nous présente dans ce programme de stabilité sont certes plus réalistes, mais ne répondent plus à une ambition qui semblait être la vôtre au début du quinquennat : assainir, d'ici à la fin du mandat, les finances publiques et relancer la croissance.
Ainsi, vous avez révisé les prévisions de croissance à la baisse. En 2018, vous prévoyiez 2 % de croissance ; elle a été de 1,6 %. En 2019, les prévisions passent de 1,9 % à 1,4 %. De même, pour les années 2020 à 2022, la prévision de croissance est ramenée de 1,7 % à 1,4 % dans ce nouveau programme de stabilité. Cela s'explique principalement par le ralentissement de la croissance mondiale, qui s'explique par des facteurs multiples : au niveau international, par la fin des mesures de relance budgétaire aux États-Unis, le ralentissement de la croissance chinoise, la faiblesse du commerce mondial liée aux tensions commerciales et aux rivalités entre les États-Unis et la Chine ; au niveau européen, par les incertitudes liées au Brexit, la récession italienne et le ralentissement économique marqué en Allemagne, dont la croissance sera de 0,8 % en 2019, contre 1,4 % en France.
Néanmoins, je vous encourage, monsieur le ministre, à relire le compte rendu du débat sur le précédent projet de programme de stabilité. L'année dernière, l'orateur de notre groupe UDI, Agir et Indépendants vous faisait déjà remarquer que les prévisions de croissance pour les années 2019 à 2022 étaient trop optimistes, car elles reposaient sur des aléas importants. D'ailleurs, le Haut Conseil des finances publiques considérait qu'en 2019 la croissance connaîtrait un infléchissement légèrement plus prononcé que dans la prévision du Gouvernement. Vous êtes revenu dessus dans ce nouveau programme de stabilité, et cela nous semble plus juste. Pour autant, il est à noter que, pour 2019, la France aura une croissance légèrement supérieure à celle de la zone euro, ce qui est assez rare mais s'explique par un décalage de la prise en compte des effets de l'économie mondiale sur notre croissance, phénomène déjà observé par le passé, mais également par des choix politiques qui doivent porter leurs fruits sur notre croissance.
Malgré ce niveau de croissance supérieur à celui de nos voisins européens, notre pays conserve deux faiblesses majeures, sur lesquelles il nous semble nécessaire d'accentuer les efforts : le déficit public et la dette publique.
Nous le savons, le déficit public constitue une faiblesse structurelle de notre pays depuis plus de quatre décennies. Je me réjouis que, deux années de suite, notre déficit soit passé en dessous de la barre des 3 % de PIB – 2,8 % en 2017 et 2,5 % en 2018 – , ce qui nous a permis de sortir de la procédure pour déficit excessif dans laquelle nous nous trouvions depuis 2009. C'était certainement le minimum pour permettre à notre pays de retrouver de la crédibilité auprès de nos partenaires européens après avoir bénéficié de deux délais exceptionnels de deux ans demandés à Bruxelles. Il est regrettable que cette amélioration du déficit soit interrompue avec un retour à 3,1 % du PIB de déficit public en 2019, mais plus encore que la trajectoire d'amélioration du déficit public soit revue à la baisse pour s'établir, à la fin du quinquennat, à 1,2 % du PIB au lieu de connaître un excédent de 0,3 % du PIB comme le prévoyait le programme de stabilité 2018-2022. En fin de compte, le solde public ne reviendra donc pas à l'équilibre malgré les engagements que vous aviez pris devant les Français et que nous avons soutenus.
Nous le savons, la maîtrise de notre solde nécessiterait une maîtrise plus affirmée de la dépense publique. Le programme de stabilité indique qu'elle aurait baissé, en volume, de 0,3 %, mais vous avez exclu les crédits d'impôt de cette évolution. D'ailleurs, en valeur, les dépenses publiques continuent de croître – environ 98,8 milliards d'euros, y compris les crédits d'impôts.
Pour les années 2020 à 2022, vous prévoyez un effort en dépense de 0,5 point de PIB en moyenne par année, soit un peu plus de 10 milliards d'euros. Selon vos propres termes, en juillet 2018, le redressement des finances publiques nécessitait un effort de 20 milliards d'euros environ. Le compte n'y est donc pas. Et ce programme de stabilité n'intègre pas les dépenses liées aux annonces de sortie du grand débat national qu'a faites le Président de la République la semaine dernière.
En ce qui concerne le taux des prélèvements obligatoires, vous avez engagé un mouvement de baisse des impôts, et, sur ce point, vous le savez, nous vous soutenons : une baisse d'impôt pour soutenir les entreprises avec la baisse de l'impôt sur les sociétés et la transformation du CICE en allègements de cotisations et une baisse d'impôt en faveur des ménages et du pouvoir d'achat des Français.
N'oublions pas que le niveau des prélèvements obligatoires dans notre pays atteint 45 % du PIB en 2018. Selon les chiffres de l'OCDE et d'Eurostat, nous sommes toujours sur le podium des pays ayant le plus fort taux de prélèvements obligatoires. Ce niveau de prélèvements répond effectivement à un modèle social et à une couverture sociale unique au monde. La baisse de cette charge fiscale nécessite évidemment la réalisation d'économies majeures sur notre niveau de dépenses publiques, tout en veillant à maintenir notre pacte social et solidaire. Sans cette réduction des dépenses, l'écart se répercutera nécessairement sur notre dette et donc sur les générations futures.
Cette dette, c'est notre deuxième faiblesse majeure. La dette publique française a explosé de 30 points entre 2009 et 2018, passant de 64 % à plus de 98 % de la richesse nationale. Elle tangente maintenant les 100 %, dépasse les 2 300 milliards d'euros et est donc littéralement devenue une épée de Damoclès suspendue au-dessus de nos têtes.
Votre programme de stabilité prévoit de ramener la dette publique à 96,8 % de notre richesse nationale d'ici à 2022, soit une baisse de 1,6 point. Vous renoncez donc à tenir l'objectif d'une baisse de 5 points que vous vous étiez fixé dans le précédent programme de stabilité au début de ce quinquennat. Ce programme de stabilité ne tient d'ailleurs pas compte d'une éventuelle hausse des taux d'intérêt. À l'heure actuelle, la charge de la dette est relativement faible, avec les taux d'intérêt négatifs, puisqu'elle s'élève à 41,5 milliards d'euros. Mais il est nécessaire de garder à l'esprit qu'une augmentation de 1 % des taux d'intérêt représenterait 9 milliards d'euros supplémentaires. C'est un aléa non négligeable, plausible, et qui accentue la nécessité de maîtriser davantage nos dépenses et notre déficit public.
En conclusion, le scénario macroéconomique retenu par le Gouvernement est plus raisonnable que celui de l'année dernière. Les prévisions de croissance sont revues à la baisse, mais restent supérieures à celles de nos voisins européens, et nous devons en profiter.
Les mesures annoncées par le Président de la République viennent cependant modifier ce programme de stabilité, à la fois par l'augmentation des dépenses publiques et par la diminution des recettes fiscales. Il est également marqué par certains renoncements que nous regrettons, notamment sur la maîtrise de notre déficit. Mais il reste cohérent à condition d'engager, avec la représentation nationale, une diminution réelle de nos dépenses publiques.
Il nous faut, ensemble, agir pour redonner du sens à l'action publique en recherchant toujours l'efficience dans chacune des politiques publiques menées.
En attendant de pouvoir vous accompagner dans le sens des vraies réformes de structures, avec méthode, visant un retour durable à l'équilibre des finances publiques de notre pays, les députés du groupe UDI, Agir et Indépendants voteront favorablement, ou s'abstiendront avec vigilance.