Intervention de Francis Vercamer

Séance en hémicycle du mardi 30 avril 2019 à 21h30
Débat sur le bilan social des ordonnances travail

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrancis Vercamer :

Quel est l'apport des dispositions introduites par les ordonnances travail, adoptées en début de quinquennat, au dynamisme économique et à la création d'emplois ?

Indéniablement, les ordonnances ont apporté des solutions à des problèmes qui se posaient dans les entreprises depuis de longues années, compliquant à l'excès leur fonctionnement ou entravant leur développement. C'est la raison pour laquelle, dans sa majorité, notre groupe avait autorisé le gouvernement à légiférer, conformément aux dispositions de l'article 38 de notre Constitution, puis avait ratifié ces ordonnances.

Mais encore faut-il que ces solutions soient ensuite utilisées et que les partenaires sociaux se saisissent des nouveaux outils à leur disposition, notamment dans le cadre du dialogue social au sein de l'entreprise.

Or, pour l'heure, force est de constater que ce processus commence à peine et que les nouvelles dispositions suscitent des interrogations dans les entreprises, tant chez les employeurs que chez les salariés.

C'est le cas, par exemple, du plafonnement des indemnités accordées par les conseils de prud'hommes en cas de licenciement abusif. Si notre groupe avait approuvé l'objectif que le montant des indemnités soit plus prévisible pour l'entreprise, nous avions regretté les limites posées à l'appréciation du juge prud'homal et pointé les risques de contournement du barème. C'est précisément ce à quoi nous assistons pour le moment : les demandes à l'appui des recours comportent une multitude de motifs. Par ailleurs, les décisions successives des conseils de prud'hommes de Troyes, d'Amiens, et de Lyon remettent en cause l'application même du barème, laissant l'incertitude planée quant aux décisions qui seront prises en appel, puis le cas échéant, par la Cour de cassation. C'était prévisible et nous sommes encore loin de la sécurité juridique promise par la réforme.

Des incertitudes similaires entourent par ailleurs l'installation progressive des CSE. Là encore, nous avions adhéré et adhérons toujours à la nécessité de simplifier l'organisation des institutions représentatives du personnel. Mais nous avions insisté sur l'exigence d'une vigilance particulière quant à l'exercice effectif des attributions relatives à la sécurité des conditions de travail. Or, plusieurs cas nous ont été signalés d'entreprises au sein desquelles l'expertise acquise par les élus au CHSCT risque de faire défaut du fait de la réduction du nombre des représentants au CSE. Parce que la santé et la sécurité au travail constituent un enjeu majeur pour la prévention au sein de l'entreprise, nous appelons le Gouvernement à se préoccuper du suivi effectif de ces sujets par les CSE.

J'en profite pour regretter que vous n'ayez pas saisi l'occasion de ces ordonnances pour aborder le relèvement des seuils sociaux, notamment de 10 et de 50 salariés. Notre groupe avait pourtant formulé des propositions en ce sens. Il aura fallu la loi PACTE – plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises – , qui vient d'être adoptée, pour que ce sujet soit enfin évoqué, encore qu'il l'ait été bien timidement. Nous avons inutilement perdu du temps, sans que le Gouvernement aille pour autant au terme du raisonnement en décidant de relèvements significatifs.

Le flou concerne enfin la rupture conventionnelle collective. En septembre dernier, les chiffres de votre ministère indiquaient soixante-six procédures engagées, dont onze avaient échoué, de manière compréhensible puisque la situation des entreprises concernées relevait davantage d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Si ces cas confirment les garanties qui entourent cette nouvelle procédure – l'exigence d'un accord collectif majoritaire préalable, l'implication du CSE et le contrôle de la DIRECCTE – direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi – , ils révèlent aussi que la vigilance est de mise.

L'enjeu reste la qualité de l'accompagnement des salariés, car une rupture conventionnelle collective doit pouvoir être l'occasion d'une reconversion et permettre de poursuivre un parcours professionnel, ce qui est loin d'être assuré.

Là est sans doute l'écueil actuel des ordonnances travail : elles devaient s'insérer dans un ensemble global ; elles devaient constituer, avec la réforme de la formation professionnelle, le socle d'un système de flexisécurité qui soit enfin clairement défini. Dans un tel système, à la flexibilité naturelle dont une entreprise doit bénéficier pour évoluer sur son marché correspond une sécurité légitime dont bénéficie le salarié afin de retrouver un emploi.

Or, à ce jour, la flexibilité qui déstabilise est davantage perçue que l'accompagnement qui sécurise. Pourtant, ce sont bien ces deux termes, flexibilité et sécurité, qui sont indispensables à l'équation de la réforme du marché du travail. De ce point de vue, des mesures restent à prendre, rapidement, pour donner à cette réforme une efficacité réelle.

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