Intervention de Maud Petit

Séance en hémicycle du lundi 6 mai 2019 à 16h00
Création du centre national de la musique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaud Petit :

Notre assemblée examine cet après-midi la proposition de loi de notre collègue Pascal Bois portant création du Centre national de la musique. Nous avons eu l'occasion, en commission, de saluer cette initiative, qui devrait venir en appui d'un secteur occupant une place très importante dans l'univers culturel de notre pays. « Moi, je suis l'homme Et toi, tu es la musique, Et je t'aime éperdument, Je t'aime depuis tout le temps », chantait Gilbert Bécaud.

Annoncé en 2018 par Françoise Nyssen, le Centre national de la musique naît au moment où le secteur musical renoue avec l'expansion, après des années difficiles au cours desquelles il a subi de plein fouet la crise consécutive à l'arrivée des technologies numériques. C'est tout un circuit qu'il a fallu recréer, toute une économie qu'il a fallu reconstruire. Ainsi, en quinze ans, le chiffre d'affaires de la filière musicale a chuté de 60 %, suscitant des craintes au sujet de la pérennité de la création musicale et de la promotion de la diversité musicale de notre pays. Depuis lors, l'industrie musicale, les modèles de production et les chaînes de promotion se sont considérablement réformés, ont repris pied et regagné du terrain. Tel est le contexte dans lequel nous devons aborder notre débat.

La reprise reste fragile ; nous le savons car tous les acteurs nous le disent. Il nous faut prolonger le soutien de l'État au secteur musical, au travers, entre autres, des divers crédits d'impôt, qui restent essentiels. Par une heureuse initiative, notre assemblée a prorogé leur application jusqu'en 2022. Mais c'est dès maintenant que les acteurs du monde musical, parmi lesquels l'État, doivent amorcer une réflexion et réfléchir aux outils qui garantiront l'avenir du secteur.

Le CNM en fait assurément partie. Il sera un outil de convergence et d'intelligence collective accompagnant la progression du secteur. Pour ce faire, il s'appuiera sur l'existant et sur ce qui a fonctionné. Il regroupera les fondations du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz, du Fonds pour la création musicale et du Centre d'information et de ressources pour les musiques actuelles.

Ce nouvel établissement public devra défendre l'intérêt général, en complémentarité avec les services de l'État et les initiatives d'ores et déjà prises par celui-ci par le truchement des services centraux et déconcentrés. C'est à cette condition que nous pourrons mener une politique publique de la musique à la fois ambitieuse, puissante et irriguant l'ensemble de notre territoire.

L'enjeu premier consistera bien sûr à rassembler et rationaliser les dispositifs de soutien à la filière musicale pour la faire gagner en efficacité.

Il faudra aussi mettre en place et développer une véritable stratégie globale. À ce titre, nous avons été nombreux, en commission, à souligner combien l'intégration du Bureau Export de la musique française au CNM est essentielle en vue d'atteindre cet objectif. En effet, c'est bien sur le marché mondial que se joue la partie. La France a toutes les chances de réussir – nous le constatons déjà avec le formidable dynamisme de nos artistes à l'étranger. Nous sommes heureux de l'initiative du Gouvernement en la matière et soutiendrons naturellement l'amendement dont elle fait l'objet.

De même, nous sommes satisfaits de la possibilité d'intégrer au CNM le Club action des labels et des disquaires indépendants français, dont le travail et l'investissement sont tout aussi importants.

Cependant, cette réussite reste encore trop celle de quelques artistes stars. L'autre enjeu de la filière musicale est donc de poursuivre la politique de soutien à la création et d'émergence de nouveaux artistes, tant on sait combien est difficile le chemin pour se faire un nom dans ce milieu. De nombreuses initiatives ont vu le jour – plateformes de musique en ligne, sociétés de gestion collective – mais elles doivent être prolongées et amplifiées.

En commission, enfin, nous avions dit notre inquiétude concernant la rédaction de l'article 5, consacré aux modalités de fusion des trois organismes qui seront regroupés au sein du CNM – dont deux, faut-il le rappeler, sont des associations de droit privé. Le rapporteur a, sur ce point, apporté une réponse claire en proposant une nouvelle rédaction de cet article ; celle-ci nous semble pertinente et sera à même, nous le croyons, de rassurer les acteurs directement concernés par la fusion.

Il faudra veiller à laisser au futur CNM les coudées franches pour conduire les discussions, sans trop l'encadrer de recommandations et de missions pour lesquelles il pourrait ne pas disposer des ressources nécessaires. Il nous semble que les missions dont la liste est dressée à l'article 1er, telle qu'elle a été modifiée en commission, couvrent un champ large et offrent de belles perspectives de développement.

Nous avions particulièrement insisté sur la quatrième mission : la création d'un observatoire de la filière. C'est essentiel : un tel observatoire est indispensable, et il faut absolument reprendre ce chantier, en dépit des échecs passés. Nous vous rejoignons, monsieur le rapporteur, sur la méthode, qui laisse aux professionnels le soin de s'organiser dans le cadre du CNM, sans répéter les erreurs qui ont abouti à ce que le précédent observatoire ne voie jamais le jour. La gouvernance, si elle est importante, ne doit pas être l'essentiel. Il s'agit bien de construire un outil utile à la filière.

Celle-ci se doit d'être mieux connue. Elle mérite également d'attirer de nouveau les plus jeunes vers ses métiers, porteurs de valeurs humaines et artistiques. Aussi, compléter les missions du CNM par une participation au développement de l'éducation artistique et culturelle nous semble aller dans le bon sens.

Le Centre national de la musique était attendu depuis longtemps. Plusieurs fois repoussé, il est désormais sur le point de naître. Mais sa création ne signifiera pas sa réussite ; celle-ci dépendra de l'ambition que tous, nous porterons pour lui. Le CNM doit permettre d'augmenter la force du secteur. Cela nécessitera l'implication de tous : les professionnels, d'abord, qui devront s'y investir pour en tirer parti ; la puissance publique, ensuite, notamment le Gouvernement, dont le prochain PLF – projet de loi de finances – sera très attendu ; la représentation nationale, enfin, qui devra suivre l'installation du CNM et lui apporter tout le soutien nécessaire.

Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés salue donc cette initiative, qui porte en elle une grande ambition pour l'art et la culture. Nous devons soutenir le Centre national de la musique et lui donner les moyens de son développement.

La musique, parfois, a des accords majeurs : nous voterons, vous l'avez compris, en faveur de ce texte.

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