La musique nous réconcilie tous !
La musique joue un rôle unique dans nos vies – nous venons d'en être témoins. Elle s'imprègne dans notre histoire collective et nous renvoie à des souvenirs intimes. « On ne récolte jamais que les sentiments que l'on sème », chantait Aznavour. Or la musique sème des sentiments et nous permet de récolter une palette d'émotions que nous pouvons partager de manière universelle.
La création d'une maison commune de la musique dotera la filière musicale française d'un lieu de rassemblement pour la myriade d'acteurs qui la composent. Elle permettra de donner un visage unique et harmonieux à notre politique en faveur de la musique. Elle saura mettre au diapason les diverses entités qui font des arts du son un domaine si foisonnant de notre patrimoine.
Sept ans après la première tentative de création d'un Centre national de la musique, nous allons parvenir à donner à la seule filière culturelle qui ne dispose pas d'une entité de référence unique, une structure à la hauteur de ses enjeux et de ses ambitions. Allant de l'éducation des plus jeunes au rayonnement de la France à l'étranger, la promotion de la musique est une des politiques publiques les plus ancrées du ministère de la culture. C'est d'ailleurs un succès. Depuis le début de la décennie, la filière française connaît un formidable dynamisme sur la scène internationale : la musique française s'exporte mieux que jamais, notamment grâce à sa French touch.
La tentative avortée de 2012 est probablement le fruit de l'histoire d'un secteur atomisé. Cette répétition aura peut-être été un mal nécessaire, permettant d'aboutir à un projet qui suit désormais une partition plus largement partagée. La filière musicale est historiquement diverse. Les musiques savantes relèvent d'une tradition écrite et sont largement financées par les fonds publics, tandis que les musiques actuelles sont de tradition plus orale et populaire, et reposent sur une économie construite selon un modèle privé, avec le financement des spectateurs.
Ce clivage, résultat de deux phases distinctes des politiques publiques en matière culturelle menées dans les années soixante, puis dans les années quatre-vingt, fut profond et structurant. Nous arrivons aujourd'hui à maturation. À la phase de cacophonie, succède une harmonie encouragée par la révolution introduite par le numérique.
Cette convergence se constate sur plusieurs plans. Le premier concerne la culture des artistes : loin de rester dans un cloisonnement, ceux-ci disposent de plus en plus d'une double culture, savante et populaire, favorisant indéniablement le rapprochement des attentes. Les salles ont également contribué à ce rapprochement en favorisant la diversité des programmations et en permettant la découverte de toutes les formes d'esthétique. Enfin, l'internationalisation du marché musical a définitivement rapproché les besoins ; le Bureau export de la musique est la meilleure illustration de ces besoins communs, j'y reviendrai.
Dire que la révolution numérique a transformé l'industrie musicale est un euphémisme. Ce secteur a vécu une mutation sans précédent qui, après la réorganisation d'ampleur qu'il a su conduire, lui a permis de trouver de nouveaux relais de croissance. Le streaming en est une illustration, mais l'univers du spectacle vivant fait également preuve d'un très grand dynamisme.
En 2018, l'État a consacré 15 millions d'euros à la création musicale, soit 4 millions de plus qu'en 2017. Ces chiffres témoignent de l'importance qu'accordent notre majorité et le ministère à ce secteur.
L'État doit désormais se doter d'un outil efficace pour accompagner et structurer la filière, unanime sur l'intérêt de la création du CNM. Il doit avant tout être le garant de l'éducation musicale, de la protection du droit d'auteur – comme la France a su le rappeler et l'obtenir au niveau européen – , du partage de la valeur, notamment pour le streaming, et du financement de nos structures culturelles. Son action passe aussi par les crédits d'impôt, imprimant la tonalité que nous souhaitons donner à notre culture musicale, diverse et vivante.
La création que nous portons a été grandement accompagnée par le travail complet réalisé par Roch-Olivier Maistre dans son rapport « Rassembler la musique, pour un centre national », dont nous avons largement suivi les recommandations et sur la base duquel une large concertation a été menée avec l'ensemble des secteurs. Ce travail a été suivi par la mission de nos collègues Cariou et Bois.
Il est désormais temps que l'État donne de la cohérence à cet accompagnement en mettant en place une maison commune pour répondre aux besoins convergents de la filière : observation économique, appui à la diversité et, bien entendu, développement international.
Sur ce point, la proposition de loi initiale n'intégrait pas le Bureau export de la musique. Or l'intégration de cette structure modèle, qui a réussi à travailler au service de l'ensemble de la filière, fait consensus. Les parlementaires la souhaitent, mais seul le Gouvernement pourra l'introduire dans la proposition de loi, compte tenu des dispositions de l'article 40 de la Constitution. M. le ministre a annoncé tout à l'heure un amendement que nous soutiendrons sans hésitation afin de donner, dès sa création, une véritable cohérence à cet édifice.
Doté des moyens des structures préexistantes à sa création et fort d'une rationalisation naturelle impliquée par la fusion de ces structures, le futur CNM sera en mesure d'accomplir ses missions. En tant que parlementaires, nous devrons veiller, lors de l'examen des prochaines fois de finances, à ce que les moyens nécessaires lui soient affectés et à ce que les dispositifs existants puissent faire l'objet d'évaluations régulières pour une intervention plus agile et plus efficace.
Enfin, les travaux en commission ont permis de consacrer la place de la filière dans cette nouvelle instance, avec l'installation d'un conseil professionnel.
Nous jouons là une partition ambitieuse. À nous de rendre la polyphonie du secteur la plus harmonieuse et la meilleure possible pour lui.