Intervention de Gaël Le Bohec

Séance en hémicycle du lundi 6 mai 2019 à 16h00
Création du centre national de la musique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGaël Le Bohec :

Il y a quelques semaines, nous travaillions sur un tout autre texte – le projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé – , dont j'étais le rapporteur pour avis. En tête de mon rapport, j'avais eu l'honneur de citer ces propos : « Ce système fait des enfants mais il les laisse sur le chemin et il oublie que s'il existe, c'est pour gérer des êtres humains On avance tous tête baissée sans se soucier du plan final Le système s'est retourné contre l'homme, perdu dans ses ambitions, L'égalité est en travaux et il y a beaucoup trop de déviation ». J'ignorais que, quelques semaines plus tard, j'aurais à nouveau l'occasion de citer ces quelques vers de la chanson Course contre la honte, de Grand Corps Malade et Richard Bohringer, à propos d'un autre texte, tout aussi important, mais portant sur la musique.

Je voudrais en premier lieu exprimer une satisfaction somme toute assez rare en cette assemblée : celle de discuter d'un texte qui recueille une adhésion unanime. Sans doute la musique adoucit-elle les moeurs…

Elle occupe en tout cas une place essentielle dans la vie de chacun : six Français sur dix déclarent écouter de la musique quotidiennement et six sur dix également ne pas pouvoir s'en passer. Nous abordons par conséquent l'examen d'une proposition de loi qui récolte une approbation unanime sur un sujet central.

Il s'agit de la création du Centre national de la musique, où seront regroupées trois structures existantes : le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz, le Centre d'information et de ressources pour les musiques actuelles, et le Fonds pour la création musicale. La création du CNM répond à un objectif clairement énoncé par Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle : la simplification administrative, objectif régulièrement porté par la majorité présidentielle.

La danse, le livre, le théâtre, les arts de la rue, le cirque, le cinéma : chacun de ces arts dispose d'un centre national dédié. Le Centre national du cinéma, qui participe du rayonnement international de la production cinématographique française, existe depuis 1946 ; 73 ans après, il était temps d'offrir à la musique un nouvel écrin.

Il est d'ailleurs intéressant de comparer l'industrie du cinéma et celle de la musique, puisqu'il s'agit de créer un Centre national de la musique à l'instar du CNC. Le cinéma et la musique ont été profondément affectés par la révolution numérique. Pour le cinéma, les cassettes vidéo, puis les DVD et le Blu-ray devaient vider les salles et briser la création française. Ces enjeux apparaissent de nouveau avec le replay, le streaming et l'émergence de certaines plateformes. L'industrie musicale a traversé des étapes similaires, mais peut-être de façon encore plus cruelle. Entre 1999 et 2014, le chiffre d'affaires mondial de la musique enregistrée a connu une chute drastique, passant de 23 milliards à 14 milliards d'euros.

Aujourd'hui, en France, l'industrie musicale reprend des couleurs. Si la vente de musique enregistrée ne représente plus que 10 % de son chiffre d'affaires, elle génère tout de même près de 9 milliards d'euros de chiffre d'affaires et quelque 240 000 emplois. La création d'un Centre national de la musique représente donc une opportunité pour accompagner et renforcer l'essor de l'industrie musicale française. Notre pays a en effet une chance extraordinaire à saisir.

D'abord, l'espace francophone rassemble quelque 300 millions de personnes – une personne sur vingt-six à l'échelle mondiale – , dont 235 millions parlent quotidiennement notre langue. La langue française s'exporte donc et s'exporte bien.

Au-delà de la chanson française, le CNM a vocation à rassembler toutes les musiques en un seul lieu. Il s'agit d'offrir aux artistes français – compositeurs, interprètes et producteurs – une véritable stratégie de développement à l'international.

La mission du Centre national de la musique sera d'autant plus complète qu'elle découle des missions auparavant dévolues aux trois organismes qu'il réunit.

La création du CNM recueille donc le plus grand enthousiasme, même si plusieurs questions restent en suspens.

Premièrement, notre assemblée sera sensible aux crédits qui seront alloués à cet organisme lors de l'adoption du budget 2020. Pascal Bois et Émilie Cariou, corapporteurs de la mission de préfiguration, ont préconisé un financement à hauteur de 20 millions d'euros.

Deuxièmement, la question du transfert des personnels doit répondre à des exigences sociales fortes. Il faut se féliciter que cette préoccupation ait été anticipée, avec la mise en place d'une mission d'accompagnement.

Troisièmement, la gouvernance du Centre national de la musique doit respecter un certain équilibre. Il serait sans doute opportun de s'inspirer ici de celle du Centre national du cinéma.

Enfin, m'inspirant du CNC et compte tenu du nombre important de missions qui seront confiées au CNM, j'ai proposé un amendement tendant à ce que le conseil d'administration de ce nouvel organisme présente un rapport annuel au Parlement, portant, d'une part, sur la gestion financière du CNM et, d'autre part, sur une évaluation des missions qui lui sont confiées. S'agissant d'argent public, il semble en effet indispensable de garantir la plus grande transparence.

Je terminerai mon intervention par une citation, puisque c'est manifestement la règle cet après-midi. Celle-ci émane non d'un musicien mais de Nelson Mandela : « La politique peut être renforcée par la musique, mais la musique a une puissance qui défie la politique. » Avec ce texte, il s'agit de placer la politique au service de la musique. C'est un beau défi.

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