La création d'un Centre national de la musique pour préserver les acquis et amplifier la puissance de frappe de la filiale musicale, grâce à de nouvelles alliances et de nouvelles coopérations, est une attente forte de la profession depuis des années. Vous l'avez vous-même accompagnée, monsieur le ministre. Cette ambition et cet espoir ont été renouvelés au travers de deux rapports, l'un commandé par votre prédécesseur à Roch-Olivier Maistre, l'autre par le Premier ministre à deux députés de la majorité, Pascal Bois et Émilie Cariou.
Jamais dispositif n'aura fait l'objet d'autant de constats et de préconisations depuis deux ans. Or vous nous annoncez que vous devez encore réfléchir, et la proposition de loi dont nous devrions enfin nous réjouir est rédigée d'une telle manière que l'ambition de ses termes ne suffit pas pour compenser son caractère anxiogène.
En effet, cette fusion pourrait être l'occasion d'engager une réforme profonde des dispositifs, mais aucune garantie, aucun garde-fou n'est prévu. Il apparaît clairement, en revanche, que l'État reprendra le contrôle de la gouvernance de ce qui est aujourd'hui un système de redistribution par l'intermédiaire d'une taxe affectée, prélevée sur les recettes du secteur. Par ailleurs, l'impasse est faite sur les nécessaires compléments de financement, alors que de nouvelles missions se dessinent et que cette question est au coeur des deux rapports que j'ai cités précédemment.
Alors que le Centre national de la musique peut enfin voir le jour, il est triste que cette proposition de loi ne soit qu'un chèque en blanc plutôt que la préfiguration d'un pacte de confiance. D'une certaine façon, vous prenez en otage les attentes et les espoirs du secteur tout en oubliant les promesses de changement de méthode pourtant faites au plus haut niveau il y a dix jours. Or, au même moment, le Gouvernement fait pression sur les acteurs de la filière pour qu'ils participent au financement d'un pass culture. Depuis deux ans, 40 millions d'euros ont été mobilisés pour ce serpent de mer sur une ligne budgétaire prévue à cet effet, ne serait-ce que pour mener une expérimentation dont personne ne connaît les conditions ni les résultats. Je n'ai pas remarqué qu'en l'espèce, les commissaires aux finances aient fait preuve, lors de l'examen du dernier projet de loi de finances, de la même rigueur que vous aujourd'hui.
J'ai bien noté, monsieur le ministre, que vous avez fait appel aux contributions volontaires des sociétés de gestion collective qui seront appelées, de surcroît, à rapatrier leurs propres actions d'intérêt général au sein de cette nouvelle structure, perdant ainsi le contrôle qu'elles en ont.
Nous sommes, hélas, habitués à une majorité qui décide pour les autres, sans les autres, avec l'argent des autres, ou à travers des comités de préfiguration ou des comités professionnels dépourvus de tout caractère formel et qui n'engagent à rien.
Je suis désolée de briser la belle unanimité que vous avez appelée de vos voeux, monsieur le rapporteur. Elle pourrait exister si certaines garanties étaient apportées. Nos débats pourraient nous en offrir l'occasion. Nous soutiendrons des amendements en ce sens.