Intervention de Elsa Faucillon

Séance en hémicycle du mardi 7 mai 2019 à 15h00
Jeunes majeurs vulnérables — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaElsa Faucillon :

Certes, le règlement va être modifié, mais je n'ai pas l'impression que ce soit tout à fait dans ce sens. Bref.

J'avais prévu en tout cas, madame la rapporteure, de vous remercier pour ce texte et de vous féliciter, comme ma collègue Mathilde Panot : je crois que, pour le moment en tout cas, je vais mettre ces félicitations de côté.

J'espère cependant qu'avec votre majorité vous arriverez à repousser la réécriture du texte que vous avez proposé par l'amendement gouvernemental qui le vide de sa substance.

Ce n'est pas un hasard si la fondation Abbé Pierre a choisi de consacrer son vingt-quatrième rapport annuel sur le mal logement en France à l'abandon des personnes sortant d'institutions publiques.

S'il s'agit en l'occurrence de la protection de l'enfance, ce rapport traite également de la prison et de l'hôpital.

Beaucoup l'ont dit : un quart des sans-domicile fixe sont aujourd'hui d'anciens enfants placés au sein de la protection de l'enfance.

L'anniversaire de 18 ans est pour la plupart des jeunes une date heureuse. Nous nous en souvenons et nous l'abordons ainsi avec nos enfants : il correspond à l'accès à de nouveaux droits. La majorité est même souvent une fête.

Pour les jeunes ayant connu les institutions de l'aide sociale à l'enfance, c'est surtout une crainte : que ce soit Sonya, Lyes, Léo, Dylan, Mamedi, Maelle ou Mohamed, tous relatent la crainte anticipée de se retrouver seul, sans soutien et à la rue.

Cette crainte est une forme de nouvel abandon.

Même lorsqu'elle est une délivrance, c'est de nouveau une rupture : la crainte de se retrouver encore sans papiers, obligé d'arrêter une formation et d'entrer dans la clandestinité.

C'est pour ces raisons, madame la rapporteure, que je soutiens votre proposition de loi initiale visant à prévenir les sorties sèches de l'aide sociale à l'enfance : parce qu'elle répond à de nombreuses revendications des enfants accueillis mais aussi des professionnels, et parce que l'écoute de ces jeunes est, il me semble, centrale quand il s'agit de protéger des enfants.

Je veux surtout remercier celles et ceux, c'est-à-dire les anciens enfants placés – accompagnés ou bien violentés – , qui ont pris la parole, qui l'ont arrachée même, et qui ont poussé, voire défoncé quelques portes pour nous alerter.

Je veux vous dire, à vous qui avez poussé ces portes, combien j'ai conscience du chemin qu'il reste à parcourir.

J'espère que la mission d'information sur l'aide sociale à l'enfance à laquelle je participe permettra quelques foulées supplémentaires.

L'article 1er de la proposition initiale, qui rend obligatoire la prise en charge des jeunes majeurs, est central : actuellement, seul un tiers des jeunes majeurs bénéficie de contrats dont la durée est très souvent inférieure à six mois.

Le caractère obligatoire de cette prise en charge dans la proposition de loi ne peut pas être retiré par la seule volonté gouvernementale, sans quoi cette proposition perdrait, je le disais, toute sa substance, car ces contrats existent déjà. Ils peuvent donc être déjà proposés.

Cela fait des années que les associations d'anciens enfants accueillis et de professionnels réclament de rendre cette prise en charge obligatoire.

On ne peut pas accepter que, pour des questions comptables court-termistes, des jeunes de 18 ans se retrouvent à la rue, sans aucun soutien financier et moral.

En effet, quand la loi fait obligation, nous constatons déjà des failles dans son application : qu'est-ce que ce sera quand elle laissera uniquement la possibilité d'une telle prise en charge ?

Quand il y aura obligation, il faudra évidemment nous assurer que celle-ci est bien appliquée.

Après l'obligation, poussons l'exigence un peu plus loin : actuellement, seuls 1 % des contrats jeunes majeurs ont une durée supérieure à un an. Même pour les jeunes majeurs bénéficiant actuellement d'un contrat, cette aide reste précaire. Elle les place en effet dans des situations d'anxiété et de vulnérabilité : tous les trois mois, les contrats sont remis en cause et ils doivent défendre leur projet pour éviter de se retrouver sans aide.

Or, cet article 1er n'évoque pas ouvertement de durée minimum.

En France, on estime, vous le savez, à 23 ans l'âge d'accès à l'autonomie, et à 26 ans celui du premier contrat à durée déterminée.

On demande pourtant aux jeunes majeurs anciennement placés qui ont vécu des ruptures bien plus brutales que celles et ceux qui vivent dans un cocon familial d'être autonomes dès 18 ans.

Cela ne peut évidemment plus être le cas : une durée minimale de prise en charge de vingt-quatre mois me paraît plus raisonnable.

Je ne me satisfais pas non plus de l'exclusion des jeunes majeurs ayant été pris en charge par la protection judiciaire de la jeunesse.

Si cette frontière étanche entre ASE et PJJ est dangereuse, les enfants devant être protégés, qu'ils aient ou non commis des délits, elle est surtout inefficace : faute de moyens, les contrats de protection jeunes majeurs assurés par la PJJ sont devenus une exception.

Ces jeunes majeurs ont pourtant besoin d'être suivis et aidés après leur majorité afin de favoriser leur insertion dans la société mais aussi d'éviter la réitération de délits une fois majeurs.

Ils deviennent finalement des personnes délinquantes après avoir été des victimes.

Je vous avoue enfin que cette intervention a été refaite plusieurs fois : elle est de ce fait forcément un peu décousue.

Entre le texte initial et la version amendée par le Gouvernement, l'on ne sait en effet plus très bien, au bout d'un moment, de quel texte on parle.

Quoi qu'il en soit, l'article 8 de la proposition offre aux majeurs sortant du dispositif de protection de l'enfance un accès prioritaire aux logements sociaux et aux résidences universitaires.

C'est à mon avis un article important.

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