Avec l'essor du numérique et l'épanouissement des pratiques digitales, nous sommes confrontés à de nouveaux usages, qui doivent nous interroger sur l'évolution et l'adaptation de notre droit. Au niveau culturel, le numérique a permis d'offrir un accès plus large aux contenus et participe ainsi à la démocratisation de la culture. Mais ce qui constitue une chance pour le public ne doit pas être une menace pour les créateurs. Or, depuis le développement des réseaux sociaux et des moteurs de recherche, ces acteurs reproduisent et diffusent comme libres de droits, sur leur propre page, des millions de textes, de photographies et de vidéographies, causant de ce fait un préjudice patrimonial considérable aux éditeurs et aux agences de presse qui en sont les titulaires, ainsi qu'à leurs auteurs.
Ces contenus ont un coût ; ils doivent aussi avoir un prix. Les plateformes ont besoin des contenus ; les éditeurs et les agences ont besoin de visibilité. Il ne s'agit pas d'opposer les uns aux autres. L'objectif, c'est que les rapports se rééquilibrent et que ceux qui mettent les moyens pour créer des contenus soient rétribués justement par ceux qui les diffusent et les valorisent. C'est l'intérêt de la création de ce droit voisin du droit d'auteur.
Une proposition de loi avait déjà été examinée en ce sens en 2018 et le groupe La République en Marche avait alors défendu un renvoi en commission, non pour une question de fond, mais pour une question de forme. Depuis l'année dernière, les choses ont bien évolué. Les éditeurs de presse se sont regroupés au sein de l'Alliance de la presse d'information générale, afin de parler d'une seule voix et de mieux défendre leurs intérêts, notamment face aux géants du numérique. Le principal syndicat des journalistes, le SNJ, d'abord hostile à l'instauration d'un droit voisin, y est aujourd'hui favorable et, surtout, la directive européenne sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique a été adoptée, à la grande satisfaction des acteurs de la culture et de la presse.
Elle s'est fait attendre et beaucoup s'inquiétaient de la faisabilité de son adoption avant la fin de la mandature du Parlement européen. Il aura fallu près de deux ans et demi de débats et de négociations intenses dans les instances européennes, avant son adoption finale le 15 avril dernier. Cette directive claire, qui réglemente enfin le droit d'auteur sur internet à l'échelle continentale, contient plusieurs propositions fondamentales : le renforcement de la capacité des créateurs à être rémunérés par les plateformes numériques qui exploitent leurs oeuvres, pour un meilleur partage de la valeur, le droit à une rémunération juste et proportionnelle pour les créateurs et la création de ce droit voisin pour les éditeurs et les agences de presse.
Il nous revient désormais de transposer ces mesures dans notre législation et, grâce à cette proposition de loi, nous pouvons le faire rapidement pour les articles qui concernent les éditeurs et les agences de presse.
Mais je voudrais formuler deux mises en garde.
Premièrement, une mise en garde nous concernant. À cet égard, je rejoins les propos de monsieur le rapporteur. Il nous faut mettre en place des principes qui soient à la fois assez précis sur le contour de ce droit voisin, mais également assez généraux pour laisser davantage de liberté aux parties prenantes et à la négociation. Évitons de figer des règles qui pourraient se retrouver obsolètes à très court terme, alors que le secteur du numérique est très dynamique. Évitons de vouloir aller plus loin que la directive, sous peine de fragiliser juridiquement le texte.
Deuxièmement, il est fondamental d'être unis pour peser et les éditeurs et agences de presse doivent bien comprendre la situation. Si chacun veut tirer la couverture à soi et penser que, parce qu'il est plus fort que les autres, il n'a pas besoin d'eux, les géants du numérique n'hésiteront pas à s'engouffrer dans la brèche et cette bataille, qui a été menée à Bruxelles et à Strasbourg, risquerait de n'avoir servi à rien.
Pour conclure, monsieur le président, monsieur le rapporteur, comme nous nous y étions engagés il y a un an dans l'hémicycle, nous autres députés de La République en Marche soutiendrons bien évidemment ce texte.