Mesdames et messieurs je préside le Trèfle, société d'entraide qui regroupe la majorité des officiers de la gendarmerie. Je vais vous rapporter les informations que j'ai recueillies sur le terrain, en Alsace.
Je traiterai d'abord de la question du maintien de l'ordre et les atouts et les faiblesses de la gendarmerie mobile par rapport aux autres forces de sécurité, notamment les compagnies républicaines de sécurité (CRS).
La gendarmerie mobile est la seule force de la Gendarmerie nationale spécialisée dans le maintien de l'ordre. Elle présente trois atouts principaux.
D'abord, les gendarmes mobiles sont jeunes et en excellente condition physique, puisqu'ils sont mutés, au bout de sept ou huit ans, en gendarmerie départementale – à l'exception des gradés. Ensuite, ce sont des militaires, c'est-à-dire qu'ils sont mobiles, rustiques et capables de s'adapter à tout type de missions et d'horaires. Enfin, les gendarmes mobiles sont très bien entraînés. La Gendarmerie nationale dispose à Saint-Astier d'un centre d'entraînement qui leur est principalement destiné. Créé il y a trente ans, c'est un modèle en son genre. Les escadrons s'y rendent tous les deux ans – en théorie –, se remettre à niveau, pour une durée de trois semaines. Ce centre d'entraînement est un outil majeur, qui permet à la gendarmerie mobile de garder la force opérationnelle qu'elle a su montrer ces derniers temps.
Second point, les faiblesses. La principale faiblesse de la gendarmerie mobile est liée, non pas à la force elle-même, mais à un suremploi des gendarmes, qui dure depuis maintenant près de deux ans. Toutes les unités sont actuellement engagées, ce qui entraînera inévitablement une grande fatigue du personnel. Par ailleurs, l'entraînement ne peut plus être assuré, ce qui finira par se répercuter sur les escadrons, dont la qualité opérationnelle risque de diminuer. Il est donc important de garantir du temps à la gendarmerie mobile pour qu'elle puisse continuer à s'entraîner pour assurer, non seulement sa mission de maintien de l'ordre, mais également ses missions de défense.
Au regard de l'emploi actuel de l'ensemble des forces de l'ordre – gendarmerie mobile et CRS –, il est évident que nous manquons d'escadrons. Au titre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), le gouvernement de François Fillon a réduit l'ensemble des effectifs des forces de l'ordre, notamment en supprimant quinze escadrons de la gendarmerie mobile. Si un rétablissement des effectifs a été, en partie, effectué, il n'a pas permis la création d'escadrons, de sorte qu'aujourd'hui la Gendarmerie nationale ne dispose pratiquement plus de marges de manoeuvre. Le 8 décembre 2018, par exemple, 106 des 109 escadrons étaient déployés sur le terrain ; c'est du jamais vu.
Il est donc nécessaire de recréer des escadrons de gendarmerie mobile, sachant que, s'ils ne sont pas redéployés pour le maintien de l'ordre, ils seront utilement employés en renfort de la gendarmerie départementale, comme c'est le cas depuis dix ans.
L'autre faiblesse de la gendarmerie mobile, ce sont ses équipements, notamment les véhicules, beaucoup trop anciens. Les véhicules Irisbus ont aujourd'hui douze ans et sont à bout de souffle. Les véhicules de commandement d'escadron ont vingt ans et les blindés, que vous avez pu voir récemment, quarante ans ! Il est urgent de trouver une solution pour rééquiper cette force ; j'attire particulièrement votre attention sur ce point.
Troisième faiblesse : le suremploi de la gendarmerie mobile nuit à la gendarmerie départementale, qui ne peut plus être renforcée. Les associations ici présentes évoqueront mieux que moi la question de la réserve. Je signalerai simplement qu'elle a été, ces dernières années, engagée de manière très forte. Cette année, la masse salariale destinée à son financement – en baisse de 40 % – est nettement insuffisante et ne permettra pas à la réserve de renforcer utilement la gendarmerie départementale, qui, de fait, ne pourra pas consacrer suffisamment de temps à la police de sécurité du quotidien (PSQ).
La dernière faiblesse est à la fois budgétaire et structurelle. Le budget de la Gendarmerie nationale, le programme 152, est insuffisant, notamment en termes de masse salariale ; je tiens cette information de la direction générale. La gendarmerie n'a pas été budgétée à la hauteur des effectifs qu'elle est en droit d'avoir. De sorte que le directeur géneral, non seulement est obligé de ralentir le recrutement, ce qui entraine un déficit d'effectifs dans les unités mobiles, mais ne peut plus faire appel, autant de fois que nécessaire, à la réserve.