Intervention de Général Jean-Régis Véchambre

Réunion du mercredi 27 mars 2019 à 16h15
Commission d'enquête sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité, qu'il s'agisse de la police nationale, de la gendarmerie ou de la police municipale

Général Jean-Régis Véchambre, président de la Société nationale d'histoire et du patrimoine de la gendarmerie (SNHPG) :

Mesdames et messieurs, je suis Président de la Société nationale d'histoire et du patrimoine de la gendarmerie.

La gendarmerie est la première force de sécurité créée en France, il est donc intéressant, pour mener des réflexions de fond relatives à la sécurité de notre pays et de nos concitoyens, de convoquer l'histoire qui éclaire l'avenir.

Dans les années 1980, la gendarmerie se voit transférer, sur une décision du ministre de la défense, la totalité des réserves consacrées à la défense opérationnelle du territoire, notamment à la défense des points sensibles et des frontières, soit 250 000 réservistes. Lui est également confiée l'inspection de la défense opérationnelle du territoire.

À l'effondrement du mur de Berlin, ces dispositifs n'avaient plus d'objet. La loi a alors fixé un nouvel objectif, équilibré, aux armées et à la gendarmerie et les a dotées, chacune, de 50 000 réservistes, la gendarmerie restant en charge d'une bonne partie de la défense opérationnelle du territoire. Cependant, parce que les moyens n'ont jamais été mis en place, ni par l'armée ni par la gendarmerie, les réservistes – deux fois 50 000, donc – n'ont pas été attribués. L'effectif a été ramené à 40 000 par la loi, et la gendarmerie en compte aujourd'hui 30 000.

La cible de 40 000 me semble atteignable et importante. La réserve a non seulement une vocation d'appui, pour la gendarmerie, mais également une vocation nationale, dans le cadre des réserves nationales et de la Garde nationale.

Je reviendrai également sur l'une des conclusions du rapport de la commission d'enquête du Sénat, rendu en juin dernier. Je cite : « De l'avis général, les dispositifs de lutte contre les risques psychosociaux (RPS) se révèlent toutefois peu efficaces si parallèlement les supérieurs hiérarchiques immédiats ne sont pas davantage à l'écoute de leurs subordonnés et si la cohésion interne n'est pas globalement améliorée. Tandis que la Gendarmerie nationale bénéficie d'une structure unifiée de commandement et d'un esprit de corps affirmé, la police nationale souffre de sa forte segmentation et d'un manque patent de cohésion au quotidien sur les agents, comme sur l'efficacité des services. Surtout, le management au sein de la police nationale, jugé trop éloigné du terrain, peu à l'écoute des réalités et des difficultés des agents, contribue à la perte de sens du travail et à la démotivation des agents. »

Je ne porterai pas de jugement sur ce constat, je souhaite simplement éclairer les aspects positifs de l'organisation de la gendarmerie. J'ai d'ailleurs écrit, l'année dernière, à l'occasion des 130 ans de la Caisse nationale du gendarme (CNG), un éditorial dans une revue spécialisée, que j'avais intitulé « Du devoir social ».

L'organisation de la gendarmerie permet de répondre aux missions qui lui sont confiées. Tout d'abord, ce devoir social est, pour le chef, une mission ; c'est ensuite un état d'esprit dans l'institution ; et enfin, une organisation.

C'est d'abord, une mission. Le code de la défense attribue au chef, à tous les échelons, la mission de veiller aux intérêts de ses subordonnées. Et le règlement poursuit : « Lorsqu'il exerce une autorité en tant que chef, le militaire porte attention aux préoccupations personnelles des subordonnés et à leurs conditions matérielles de vie. Il veille à leurs intérêts, quand il est nécessaire, en saisit l'autorité compétente. » Vous noterez que cette responsabilité n'a pas d'équivalent, ni dans la fonction publique, ni dans l'entreprise.

Ensuite, un état d'esprit. Le directeur général de la gendarmerie emploie souvent le terme de « bienveillance ». Quand il a été reçu par la commission d'enquête du Sénat, le général Lizurey exprimait également cette fraternité par le mot « camarades ». Je le cite : « Malheureusement, nous n'avons pas été mesure d'empêcher le passage à l'acte de sept de nos camarades. […] L'accompagnement du personnel est indissociable du commandement, il nourrit cet esprit de corps, propre à la gendarmerie. »

Enfin, c'est une organisation. La hiérarchie doit être issue de l'institution et disposer de leviers pour répondre aux difficultés. Tel est l'atout d'une force militaire intégrée, dans laquelle le chef est à la fois opérationnel et organique. Les articles D-1221 et suivants du code de la défense traitent de ces notions.

Dans les forces armées, la préparation des forces relève du commandement organique, et leur emploi du commandement opérationnel. L'article suivant précise que le commandement organique et le commandement opérationnel peuvent être exercés par une seule et même autorité. Dans la gendarmerie, contrairement aux armées, les deux fonctions sont assez confondues dans le quotidien des opérations.

Je poursuis la lecture des articles : « Le commandement opérationnel est responsable de l'établissement des plans d'emploi et des plans opérationnels, de l'exécution de ces plans et de la conduite des opérations, de l'attribution de leurs missions aux échelons de commandement qui lui sont subordonnés, et de la répartition entre eux des moyens qui leur sont mis à disposition. ». Le commandement organique est lui « responsable de l'organisation, de l'instruction, de l'entraînement et de la sécurité des forces. […] La définition et l'expression des besoins à satisfaire dans tous les domaines qui concourent à la mise et au maintien en condition des forces, la gestion et l'administration du personnel, ainsi que l'application de la réglementation relative aux conditions de vie » – ce qui inclut la question de la caserne pour les gendarmes, et du logement pour les familles.

Enfin, « la formation administrative est l'élément de base de l'administration au sein des forces armées. Placée sous l'autorité d'un commandant de formation administrative, elle administre le personnel qui lui est affecté, les biens qui lui sont confiés, dans la limite des délégations de pouvoirs qui lui sont consentis. »

La fusion du commandement opérationnel et du commandement organique est nécessaire ; elle a été constatée par la commission d'enquête du Sénat. Posséder tous les leviers est fondamental. Il est donc essentiel, s'agissant des réflexions relatives à l'évolution de l'organisation de la gendarmerie, que ce point soit préservé, notamment des logiques ministérielles ou étatiques, qui visent à séparer le front office du back office, à séparer et à centraliser un certain nombre de fonctions, notamment de soutien.

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