Effectivement, avec ce projet de loi de transformation de la fonction publique, vous n'attaquez pas frontalement le statut de la fonction publique. Vous le faites quand même de manière plus grossière que nous ne l'aurions imaginé et tout indique que vous préparez l'extinction de ce statut.
Notre groupe n'est pas attaché au statut de la fonction publique en raison d'une simple filiation historique – Maurice Thorez, Anicet Le Pors… – ni comme à un simple acquis que nous voulons défendre. Nous considérons que c'est un modèle pour l'avenir. Le fonctionnaire, selon nous, doit être régi par un statut, des dispositions réglementaires, être soumis non à un contrat mais à la loi, dans le but d'oeuvrer à l'intérêt général. Nous croyons aussi aux vertus du concours, qui permet d'assurer l'impartialité et l'égalité dans le recrutement. Nous croyons que le statut doit être protecteur, garantir la neutralité du service public et permettre de responsabiliser l'agent public afin que celui-ci puisse rendre compte de sa mission à la société.
Pour préparer cette extinction, le texte reprend à bon compte tous les poncifs néolibéraux, des sortes de lubies, les poncifs du new public management. J'évoquerai notamment le recours massif aux agents contractuels, y compris pour occuper des emplois permanents ou des postes de direction. L'obsession est toujours la même : le salut viendrait du secteur privé. Évidemment, cela revient à nier l'immensité des compétences de nos fonctionnaires et leur dévotion pour nos services publics, qu'ils portent souvent à bout de bras, sans moyens, sans soutien de la puissance publique.
Cela nous expose surtout à un risque accru de conflit d'intérêts, de clientélisme et de captation de l'action publique par l'oligarchie financière.
Rappelons tout de même que, depuis leur mise en place, les quatre titres qui composent le statut général de la fonction publique ont connu plus de deux cents modifications législatives, plus de trois cents au niveau réglementaire. C'est assez souligner que la vertu cardinale d'adaptabilité de la fonction publique et des textes qui la régissent s'est concrétisée à grande échelle. Oui, le statut doit en permanence être adapté ; il n'a, en revanche, pas besoin d'être attaqué. Le statut, c'est avant tout une garantie pour les citoyens et les citoyennes, la garantie d'une fonction publique qui assure l'égalité de traitement de toutes et tous, qui évite les dérives de toutes sortes. Les véritables carcans, l'insupportable rigidité sont plutôt le fait de ceux qui, en prêchant le recours massif à l'emploi instable, placent les personnels concernés dans des situations de dépendance iniques.
Procède également des poncifs que j'évoquais l'instauration d'un contrat de projet au caractère ô combien précaire, qui me rappelle mes premières années d'engagement, contre le contrat première embauche (CPE), tandis que la fusion des CHSCT et CT, sur le modèle des ordonnances travail, marque une attaque contre la démocratie sociale – on voit que le Gouvernement s'inscrit dans d'autres filiations que nous. J'évoquerai encore une attaque contre les instances paritaires, avec la réduction drastique du rôle des CAP. Il n'est pas question de rester stoïque face à cette démolition en règle, d'une ampleur que nous jugeons inégalée. L'urgence sociale et l'urgence écologique exigent de la puissance publique une prise en considération de ce qui relève de l'intérêt collectif, de l'intérêt général. L'époque actuelle appelle à plus de service public, à plus de démocratie. Pour cela, il faut des hommes et des femmes, pour les faire vivre avec neutralité, pour assurer leur solidité, leur adaptabilité et leur proximité.
Ce texte n'y contribue en aucun cas. À notre sens, il aggravera au contraire les fractures existantes.