Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du jeudi 2 mai 2019 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics :

J'ai relevé un certain nombre de questions, auxquelles je vais essayer d'apporter des éléments de réponse. Je terminerai par les interrogations de Mme la rapporteure sur un certain nombre de points importants, sinon sensibles.

Beaucoup d'entre vous, mesdames et messieurs les députés, ont évoqué la question du statut. Mme Faucillon, il y a un instant, évoquait l'attachement aux missions et les dizaines ou centaines d'ajustements et d'adaptations du statut. J'aurais pu souscrire à son propos, hors l'appréciation portée sur ce projet de loi – mais j'aurais parlé de dévouement plutôt que de dévotion. Nous avons précisément veillé à ce que les éléments les plus fondamentaux du statut ne soient pas remis en cause. L'avis du Conseil d'État, important parce qu'il permettait de garantir en droit le respect des principes du statut, vient l'illustrer. Ainsi, dans le dix-septième considérant de l'avis rendu, le Conseil d'État estime que le principe de l'occupation des emplois permanents par des agents titulaires édicté à l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 est maintenu. De même, alors que nous considérons qu'il est fondamental pour le statut de garantir le droit à la participation des agents, le Conseil d'État, dans son neuvième considérant, estime que les modalités que nous envisageons garantissent tout à fait son exercice.

Une crainte est parfois exprimée au sujet du lien entre le maintien du statut et le recrutement de contractuels. C'est d'abord faire fi de deux éléments. Tout d'abord, la fonction publique comprend aujourd'hui près de 20 % de contractuels. Personne ne pense que cela remet en cause le statut ni la capacité à servir. Ensuite, l'article 32 de loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose – c'est un point fondamental – que les agents contractuels, quelle que soit la nature de leur contrat, bénéficient des mêmes droits et de la même protection et sont soumis aux mêmes devoirs que les agents titulaires.

Je tiens aussi à souligner qu'aucun quota ni plancher ni plafond n'est prévu à aucun article de la loi. Si nous donnons une nouvelle liberté aux employeurs publics ainsi qu'aux Françaises et aux Français, il serait tout à fait contre-productif de fixer un nombre minimum de contractuels, comme il serait inutile d'en fixer un nombre maximum. Aujourd'hui, des services, des établissements fonctionnent avec 0 %, 2 %, 5 % de contractuels, d'autres avec plus de 70 % de contractuels. Nous devons donc permettre cette adaptation sans leur imposer des critères arithmétiques.

Si le Gouvernement demande effectivement une habilitation à légiférer par voie d'ordonnances sur la déconcentration et la décentralisation du dialogue social, la santé au travail, la protection sociale complémentaire et la formation, c'est que ce sont des sujets ardus. J'ai dit, lors de mon audition, que nous devons aussi avoir des temps de concertation spécifique, et que j'étais ouvert à l'association des parlementaires – comme à celle des organisations syndicales et des représentants des employeurs – à l'élaboration de ces ordonnances et, au-delà, à celle des textes réglementaires d'application de ce projet de loi.

Je précise, puisque M. Bernalicis a évoqué la question, que cette habilitation permettra d'intégrer, le moment venu, si nous les retenons, les propositions que formulera M. Thiriez dans son rapport sur la haute fonction publique, pas seulement l'ENA mais toute la haute fonction publique, son recrutement, sa formation, la gestion des carrières. Cela fait partie des objectifs fixés par le Président de la République.

M. Marleix s'inquiète légitimement de l'égal accès à l'emploi public. Garanti par la Constitution, rappelé par la loi de 1983, ce principe trouve deux applications dans le cadre de cette réforme. La première tient à un décret déjà pris, daté du 28 décembre 2018, relatif à l'obligation de publicité des emplois vacants sur un espace numérique commun aux trois fonctions publiques, qui fixe les modalités de la publication des offres d'emplois titulaires ou contractuels de plus d'un an et la durée de vacance au terme de laquelle il est possible de recruter un contractuel. La deuxième tient à un décret d'application prévu par le projet de loi, visant à encadrer les procédures de recrutement. J'aurai l'occasion d'y revenir lorsque nous débattrons de l'article 6, pour préciser ce qui pourrait être intégré au décret, notamment en termes de composition du dossier de candidature et de définition des modalités d'examen des candidatures. Il me semble par exemple absolument impératif que tous les candidats soient auditionnés par le même jury, dans la même composition, puisque c'est un des principes de l'égal accès.

Quant aux compétences des comités sociaux, je souscris aux propos de M. Gouffier-Cha sur la nécessité de les densifier, mais je tiens à vous rassurer : si vous craignez que les lignes directrices de gestion des ressources humaines soient en contradiction avec les priorités légales d'affectation, cette inquiétude n'est pas fondée. Les priorités légales d'affectation sont fixées par la loi, tandis que les lignes directrices sont arrêtées par les comités sociaux dans les termes et selon les procédures prévus par le projet de loi. Par définition, ces lignes directrices de ressources humaines n'ont pas de valeur légale. Les priorités légales d'affectation ont une valeur, une puissance juridique évidemment supérieure, et s'imposeront aux lignes directrices.

J'ai entendu différentes appréciations, plutôt positives, sur la question de l'égalité entre les femmes et les hommes. Je sais qu'un certain nombre d'amendements visent à préciser quelques mesures. Je voudrais simplement dire, au risque de me prêter à un exercice périlleux devant vous, que ce protocole d'accord sur l'égalité entre les femmes et les hommes a été conclu par sept des neuf organisations syndicales représentatives et par l'intégralité des employeurs des trois versants. Il s'agit donc d'un protocole équilibré, qui résulte d'une longue concertation et d'une longue négociation. Vous ne serez donc pas surpris si je m'attache particulièrement à veiller, lors de l'examen des amendements, à ce que la loi transcrive fidèlement cet accord.

Il faut effectivement, madame la députée Faucillon, travailler sur la question des concours, de leur attractivité, de leur mode d'organisation et de la diversification des voies d'accès au titulariat de la fonction publique, mais cela relève intégralement du domaine réglementaire. Une concertation inscrite à l'agenda social pour 2019 nous permettra d'avancer. Je pense notamment à l'idée de créer des concours adaptés – pardonnez-moi si le terme manque de précision –, pour donner à ceux qui sont formés en apprentissage dans la fonction publique la possibilité d'accéder au titulariat sans être renvoyés, comme c'est le cas aujourd'hui, au seul concours externe, avec les difficultés qu'ils peuvent rencontrer du fait du caractère académique ou universitaire du premier groupe d'épreuves.

Monsieur Favennec Becot, une réflexion est effectivement en cours sur l'organisation territoriale de l'État et la déconcentration. Les modalités du dialogue social et de la déconcentration de décisions de gestion prévues par ce texte sont aussi en adéquation avec cette volonté de déconcentration et de rapprochement de la décision du terrain. Dans quelques semaines, le Premier ministre aura l'occasion de s'exprimer à ce sujet.

Vous avez raison, monsieur le député, de relever que le texte ne comporte pas d'objectifs chiffrés en matière d'emploi. Je ne reviens pas sur les déclarations du Président de la République, qui a donné à ces décisions politiques la primauté sur la question des effectifs ; cela paraît évidemment très logique. De surcroît, ce texte n'a jamais comporté de dispositions tendant à la suppression ou à la création d'emplois. Il s'agit des outils de gestion des ressources humaines.

Je termine par quelques points évoqués par Mme la rapporteure et M. Gouffier-Cha. Nombre d'entre vous, mesdames et messieurs les députés, souhaitent un code de la fonction publique, c'est une demande importante, que j'ai entendue. Cela procède à la fois d'un souci de lisibilité, de la volonté de regrouper les éléments de droit qui concernent le statut et ses principes et de procéder à une forme de simplification – la codification, on le sait, est l'occasion de retravailler un certain nombre de coordinations. Il est vrai, M. Gouffier-Cha l'a dit, que la codification se fait généralement par voie d'ordonnances, après habilitation. Je vous confirme donc que le Gouvernement demandera au Parlement, lors de l'examen en séance, de bien vouloir l'habiliter à prendre une ordonnance de codification des textes de la fonction publique pour donner suite à l'initiative du groupe majoritaire.

Quant à la rupture conventionnelle, Mme la rapporteure a dit souhaiter améliorer, par voie d'amendement, les conditions dans lesquelles elle peut avoir lieu. Le Gouvernement se montrera extrêmement ouvert à ses propositions, pour sécuriser les agents mais aussi les employeurs.

En matière de déontologie, madame la rapporteure, monsieur Gouffier-Cha, madame Vichnievsky, nous sommes ouverts à l'idée de travailler sur un écrêtement des rémunérations non pas des fonctionnaires mais de celles et ceux qui sont amenés à présider des autorités administratives indépendantes et qui, par ailleurs, bénéficient d'autres sources de revenus, de même que nous sommes ouverts à l'idée de travailler à un meilleur encadrement des nominations. Par ailleurs, en 2016, à l'occasion de l'examen du texte sur la déontologie et les droits des fonctionnaires, la question d'une fusion, d'un rapprochement de la Commission de déontologie, rattachée au Premier ministre, et de la HATVP, autorité administrative indépendante, avait été posée ; le débat n'est pas récent. Je tiens à souligner que les publics concernés sont différents, et accèdent aux responsabilités en vertu de règles différentes ; cela nécessite un traitement qui reste différencié. Le Gouvernement a pris note avec beaucoup d'attention de l'amendement CL709 de M. Matras, qui ne l'a pas surpris, étant donnés le rapport qu'il a remis avec M. Marleix et la proposition de loi qu'il a déposée, vu les nombreux échanges que nous avons eus avec lui. Cet amendement a pour objet de permettre de rapprocher la Commission de déontologie et la HATVP, de faire en sorte que la Commission de déontologie accède au rang d'autorité administrative indépendante, tout en préservant une possibilité d'instruction et d'examen des dossiers différenciée, pour tenir compte des différences entre les publics concernés. Cette solution nous paraît extrêmement intéressante. Il faut y regarder de plus près et creuser cela.

Nous devons aussi travailler, d'ici à la séance, sur la publication des avis. Il faut que les deux autorités dont nous parlons puissent publier les avis dans certaines conditions. Il me paraît intéressant de le faire, que l'avis ait été favorable ou non, lorsque la personne tenue de consulter l'instance en question accède à l'emploi à propos duquel elle le faisait. En revanche, lorsque tel ou tel agent public ou élu sollicite une autorité de contrôle pour obtenir un avis en vue d'une éventuelle nomination ou d'une éventuelle candidature, c'est une démarche de prudence qui, à mon sens, ne justifie pas que l'avis soit rendu public, soit que l'avis fût défavorable et ait été respecté, soit qu'il fût favorable et suivi d'une nomination, soit qu'il fût favorable et non suivi d'une nomination – on peut être intéressé par une fonction et y renoncer ensuite, il n'est pas nécessaire de rendre cela public.

Quant à la précarité, je ne méconnais pas, bien évidemment, l'application de l'article 40 de la Constitution, qui explique le sort réservé aux amendements tendant à créer une prime de précarité pour les agents contractuels de la fonction publique. D'ici à la séance, nous avons quelques jours pour travailler sur un amendement du Gouvernement visant à instaurer une prime de précarité pour les contrats d'une durée égale ou inférieure à un an, dans des conditions qui devront être définies. Un certain nombre de pistes ont été évoquées par Mme la rapporteure et M. Gouffier-Cha. C'est important, parce que nous ne pouvons pas demander aux employeurs privés de se comporter de manière exemplaire quand il s'agit de recourir aux contrats de courte durée si les employeurs publics peuvent, eux, multiplier les contrats courts.

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