Intervention de David Marchal

Réunion du jeudi 28 mars 2019 à 10h00
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

David Marchal, directeur adjoint à la direction productions et énergies durables de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) :

Exactement. La question est de savoir comment démultiplier ces exemples probants. C'est un peu la quadrature du cercle : nous voulons maintenir la compétitivité et l'industrie sur notre territoire, et les pouvoirs publics utilisent le prix de l'énergie ; cependant, l'ADEME constate que cette baisse ne favorise pas les projets d'efficacité énergétique et de passage aux énergies renouvelables : ils sont moins rentables et réclament davantage de subventions.

Voilà le coeur de mon propos. Pour favoriser la compétitivité à court terme, abaisser le prix de l'énergie est pertinent. Pour la favoriser à moyen terme, il faudrait accompagner ces baisses du prix de l'énergie par des politiques qui orientent les investissements industriels vers la transition énergétique et écologique. Je vous donnerai deux exemples. Concernant la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN), nous sommes assez choqués de constater que 40 % de la consommation de gaz de l'industrie est exonérée de cette taxe ou fait l'objet de tarifs réduits. Certes, nous pouvons le comprendre pour des secteurs soumis à une forte concurrence. Mais tout de même : 40 % ! Sans contrepartie exigée ! Concernant ces contreparties, je préciserai ensuite mon propos. L'autre exemple est celui des exonérations de tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE) : les sites électro-intensifs font l'objet d'une exonération, sous réserve de produire un plan de performance énergétique (PPE). L'année dernière, l'ADEME a instruit ces plans auprès des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). Nous sommes convaincus qu'il s'agit d'une bonne mesure, qui pousse les industries énergivores à établir des PPE. Nous sommes toutefois déçus par l'ambition de ces PPE, ou plutôt par l'hétérogénéité des ambitions : certains sites présentent des plans tout à fait à la hauteur des attentes, d'autres présentent des PPE dans lesquels les investissements consentis par les industriels sont bien en dessous de la subvention indirecte perçue via l'exonération de TURPE. Ce système pourrait être amélioré si nous exigions un niveau de qualité et d'engagement de ces PPE qui soit au moins à la hauteur de l'exonération perçue. Nous souhaitons en même temps favoriser la compétitivité et donner un signal à l'investissement, qui aille dans le sens de la transition énergétique, pour qu'à moyen terme ces industries abaissent leur consommation.

J'en viens aux mesures que nous proposons. En termes de soutien public, le bâton est toujours moins attractif que la carotte. Cependant, exiger des contreparties solides quand nous octroyons des exonérations diverses permettrait de nous assurer de maintenir, à moyen terme, le tissu industriel français, parce qu'il aura su se moderniser. Notre tissu industriel est ancien, ce qui est à notre avantage ; cependant, les usines qui se développent à l'étranger sont souvent modernes. Nous sommes face à un enjeu immense de modernisation de notre outil industriel, qui peut rejoindre l'enjeu de la transition énergétique, tout comme celui du numérique. Nous souhaiterions que les aides à la politique industrielle, par exemple numériques, incluent les co-bénéfices de la transition énergétique. Je pourrai également évoquer l'effacement, si vous le souhaitez.

Sur le long terme, le secteur de l'industrie présente cette particularité d'avoir une vision moins claire sur ses feuilles de route à long terme. De plus, nous constatons un manque de vision commune sur l'ensemble des effets que pourrait avoir la transition énergétique sur ce secteur, et sur les pans qui exigent un développement impératif. Il faut construire cette vision. Dans le cadre du comité national de l'industrie (CNI), la perspective de feuilles de route industrielles bas-carbone a été évoquée, pour aller dans ce sens.

Les gros industriels pourraient devenir des opérateurs énergétiques territoriaux – vous parliez, monsieur Oberthur, du Site de Dunkerque, et j'ai pour ma part évoqué la plateforme de Roussillon. Ces sites ont vocation à devenir des hubs énergétiques territoriaux, où les consommateurs auront vocation à fournir des services et différents vecteurs énergétiques sur le territoire.

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